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La nouvelle image de la Casaramona, de fabrique de coton

TEMPS 3 : EFFETS SUR LES DESTINATAIRES

2.5 La nouvelle image de la Casaramona, de fabrique de coton

TON À FABRIQUE CULTURELLE

Grâce aux deux stratégies combinées, la restauration d’une ancienne usine et sa reconversion en centre culturel, suivies d’une addition d’architecture contemporaine, le CaixaForum a contribué à récupérer une œuvre architecturale importante pour Barce- lone et à la valoriser dans sa double identité, patrimoniale et culturelle actuelle.

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En 2005, une exposition temporaire de Rogelio López Cuenca au CaixaForum, intitulée La sortie des usines (ig. 2.19), utilisait le passage entre le stationnement sou- terrain et l’entrée du centre, pour montrer l’histoire des transformations du lieu.

Figure 2.19 Images tirées de l’exposition La sortie des usines de Rogelio López Cuenca au CaixaForum, 2005, représentant l’histoire du lieu. (Montage fourni par Rogelio López Cuenca.)

À l’aide de différentes photographies représentant une narration fragmentée et poly- phonique, que « le spectateur contemplera en fonction de sa mémoire individuellexxxiii »

(Guash, 2 juillet 2005), l’artiste y faisait « l’analyse des transformations du système de pouvoir et de contrôle social » (Lopez Cuenca, 2009, p. 135). Rogelio Lopez Cuenca utilise à la fois des archives de la ville de Barcelone et des images ictives et artistiques pour ne pas se concentrer sur la documentation, mais plutôt pour en faire la représenta- tion. Il est intéressant de voir comment la mémoire du lieu est soulevée dans le site

même par une expression artistique qui incite le visiteur à recomposer les deux identi- tés revendiquées par le CaixaForum : celle du bâtiment patrimonial et son inscription dans l’histoire de la ville, puis celle d’un centre culturel, producteur et réceptacle de création, où le visiteur est actif et contribue à l’élaboration du projet commun de refor- mulation des représentations. La reconversion de la Casaramona en CaixaForum, nou- veau centre culturel et d’exposition, « est une preuve de la persistance des valeurs d’un patrimoine qui, après avoir dignement servi la fonction pour laquelle il a été conçu, est capable de devenir un contenant culturel qui doit permettre le présent de l’art et de la sciencexxxiv » (Vilanova, 2000, p. 199).

Aujourd’hui, un espace permanent au premier étage (ig. 2.20), tout juste à la sortie des escaliers mécaniques, présente de façon beaucoup plus didactique et linéaire l’évolution et l’histoire autour de l’édiice, de Puig i Cadafalch à Isozaki, par des pan- neaux accompagnés d’étiquettes explicatives et d’une maquette de l’actuel CaixaFo- rum. En plus, les diverses informations diffusées sur les dépliants du CaixaForum (« Bienvenue aux terrasses » ; « d’usine Art nouveau catalan à CaixaForum ») ex- pliquent bien l’origine du lieu, en mettant l’accent sur l’architecte Puig i Cadafalch ainsi que sur le style moderniste industriel de l’édiice. Des tours guidés spécialisés sont aussi offerts pour raconter l’histoire de la Casaramona et enseigner quelques don- nées architecturales particulières au site, renseignement tirés de la publication que le CaixaForum a produite (Fundación La Caixa et al., 2002) en y intégrant les discours des architectes qui ont participé au projet de reconversion et d’ajout. La volonté du CaixaForum de rendre le patrimoine aux Barcelonais est donc ici respectée, même si c’est de façon assez didactique. Finalement, depuis 2005, le CaixaForum fait partie de la Route du modernisme, un parcours créé en 1997 par l’Institut municipal du paysage urbain et de la qualité de vie. Ayant doublé le nombre des sites à visiter de 1997 à 2005,

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Figure 2.20 Espace permanent d’exposition au CaixaForum, relatant l’histoire des transfor- mations du lieu. (Alexandra G. Paquin, 2012.)

le parcours encourage le visiteur à sortir du centre historique et à visiter des zones un peu excentrées, comme Gràcia-Tibidabo avec la Casa Vicens, le Musée des automates et le Musée des sciences CosmoCaixa ; ou encore dans Sants-Montjuic avec le Musée national des arts de Catalogne (MNAC) et le CaixaForum.

Le lieu où est situé le CaixaForum est donc important, car il participe à sa déi- nition et à son importance par rapport au contexte. Il est certes assez important pour être presque systématiquement soulevé dans les articles de presse : près du Montjuic, la « montagne culturelle ». Par ailleurs, le titre d’un article d’El Periódico, « CaixaForum

remata l’àmplia oferta cultural de Montjuïc [CaixaForum complète le large éventail

d’offre culturelle de Montjuic] » (Fontova, 26 février 2002) concentre l’importance du centre non pas sur son patrimoine ni sur son contenu, mais sur sa relation avec son contexte. En plus de le situer géographiquement, le lien est donc fait avec l’offre cultu- relle environnante que la présence du CaixaForum enrichit, ce qui devient signiicatif pour les médias, car le CaixaForum « s’ajoute à l’enclave touristique et culturelle for- mée par la Fira de Barcelone, le Musée national d’art de Catalogne et la Fondation Joan Miróxxxv » (Mataró, 26 février 2002). Cette enclave touristico-culturelle et quelque peu

faisant partie du « monumentalisme éclectique » converti en Musée des beaux-arts au bâtiment moderne de la Fondation Miró de Josep Lluís Sert, en passant par le théâtre grec, le Montjuic accueille effectivement une diversité d’institutions qui font écho à celles de la vieille ville :

La localisation urbaine ne pouvait pas être plus signiicative : au pied de la montagne de Montjuic ou, ce qui revient au même, tout près de l’enceinte du plus important parc d’exposition de la ville [la Fira], non loin de la Fondation Miró et du Musée national d’art catalan et éloignée du noyau urbain du Raval et donc, des institutions telles que le MACBA et le Centre de Culture Contem- porainexxxvi. (Guasch, 2 mars 2002, p. 24)

Un réseau est ainsi tissé à la grandeur de Barcelone, contribuant à son image culturelle à grande échelle. Anna Maria Guasch est d’avis que c’est à l’avantage de « la Caixa » de s’ajouter aux « lieux d’art » de différentes typologies qui se sont ajoutés depuis les dernières années et qui « suivent le sillage des bénéices médiatiques pro- duits par le processus de “culture globale”xxxvii » (2 mars 2002, p. 25). Depuis le début

du projet, le discours institutionnel visait à montrer l’importance de l’implantation de ce type de centre à Barcelone et même, on n’hésite pas à le qualiier d’« équipement de première ligne européenne » (Permanyer, 3 mars 2002).