• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Le pôle de compétitivité, un « Tiers » dans le soutien à l’innovation par les compétences

2  Stratégie des Pôles de compétitivité : L’accompagnement à l’innovation des entreprises

2.1  Politique publique et orientations stratégiques des pôles de compétitivité

Nous accentuons le travail sur la version 2.0 des pôles qui représente le contexte de départ de notre recherche avant de nous concentrer sur les spécificités des pôles constitués de PME. En fin de section nous étudions plus spécifiquement l’axe de soutien à l’innovation par les compétences qui est une ligne majeure du déploiement de la version 2.0 au sein des pôles. Cet élément constitue le cœur de notre recherche.

2.1 Politique publique et orientations stratégiques des pôles de

compétitivité

La stratégie de Lisbonne de 2000 considère l’innovation comme un des moteurs de la croissance économique à privilégier, afin que les pays européens développent des facteurs de

compétitivité qui leur soient propres. L’objectif est alors double et consiste à développer l’innovation et favoriser la croissance des entreprises (Bassot et al. 2008) pour maitriser l’ensemble de la chaîne de valeur dans un secteur donné afin d’être pro actif sur les marchés mondiaux (Tixier, 2009). En s’appuyant sur les tableaux de bord de l’innovation 2006, Bassot et al. (2008) dressent un bilan des performances de la France en matière d’innovation et considère alors le pays dans une situation « ambigüe ». Pour ces auteurs la France dispose d’atouts solides pour l’innovation au travers d’un niveau élevé de création de connaissances (grandes entreprises internationales, nombreux chercheurs et jeunes diplômés, haut niveau de financement public de l’innovation). Cependant les auteurs expliquent que la France souffre d’un manque généralisé d’innovation en entreprise, en particulier dans les PME. Bassot et al. (2008) relèvent la capacité de ces PME à mobiliser du capital risque ou du capital d’amorçage, mais également le manque de coopération entre elles qui limitent les exportations technologiques françaises, dont la création est pourtant en accélération (220 000 en 2005). La création des pôles de compétitivité en 2004 est à relier au développement d’une conception de l’innovation et de la compétitivité industrielle (Mendez et Bardet, 2009) pour engendrer de nouveaux avantages compétitifs (Defelix et Picq, 2013). Ce projet s’inscrit alors dans une dynamique de croissance soutenue par les politiques françaises qui avaient jusqu’alors fondé ce soutien sur de l’accompagnement individuel dans le financement de projets innovants de types OSEO, crédit impôt recherche, ou ANR (Bassot et al. 2008; Tixier, 2009) permettant ainsi de générer des gains de productivité (Duranton et al. 2008). 

Lancé à l’automne 2004, le concept de pôle de compétitivité a pour vocation principale de soutenir l'innovation par le développement de projets collaboratifs de recherche et développement (R&D) (compétitivité.gouv.fr) sur un espace délimité. Dès leur création les pôles de compétitivité français sont présentés comme une nouvelle forme d’organisation aux objectifs ambitieux et dont les enjeux se situent à plusieurs niveaux (Tixier, 2009)

 National en assurant une visibilité internationale de la recherche et de l’innovation française

 Régional pour assurer une différenciation et une expertise dans les régions

 Au sein du pôle pour développer des synergies autour de projet innovant applicable sur un marché donné

L’objectif est de maitriser l’ensemble de la chaîne de valeur (Fréry, 1996) d’un secteur donné pour pouvoir être réactif et proactif sur le marché mondial (Tixier, 2009) et produire des atmosphères propices à l’échange et à l’innovation Marshall (1890). Leur rôle est donc de renforcer « les synergies et d’améliorer la dynamique collaborative entre les acteurs publics et privés dans le but de renforcer les capacités d’innovation et la compétitivité à long terme des entreprises » (Bocquet et al. 2010). Cette approche fait apparaître le rapprochement territorial des acteurs économiques comme une condition nécessaire à l’amélioration des interactions pour favoriser l’innovation (Bocquet et al. 2010). Ce rapprochement reste néanmoins guidé par les pouvoirs publics qui flèchent les prérogatives des pôles selon des tendances plus ou moins directives. A la création des pôles, les directives étaient fortement centrées sur l’aspect technologique et l’innovation technologique par le financement et l’accompagnement de projet. Les pôles de compétitivité apparaissaient alors comme des instruments technologiques.

2.1.1 Version 1.0 des pôles de compétitivité : Quel bilan de la stratégie de soutien à l’innovation ?

 

Lors de la version 1.0 des pôles de compétitivité, les prérogatives stratégiques imposées par les institutions, apparaissent assez larges mais mettent en évidence le fil rouge des pôles : l’innovation. Ainsi chaque pôle de compétitivité élabore leur stratégie à cinq ans, ce qui lui permet de3 :

concrétiser des partenariats entre les différents acteurs ayant des compétences reconnues et complémentaires ;

faire émerger des projets collaboratifs stratégiques de R&D qui peuvent bénéficier d’aides publiques, notamment auprès du fond unique interministériel (FUI) ;

promouvoir un environnement global favorable à l’innovation et aux acteurs du pôle en conduisant des actions d’animation, de mutualisation ou d’accompagnement des membres du pôle sur des thématiques telles que l'accès au financement privé, le développement à l’international, la propriété industrielle, la gestion prévisionnelle des compétences et les ressources humaines, etc.

        3

Lors de la version 1.0, les pôles sont centrés sur des aspects d’innovation technologique. Ce choix résulte d’analyses en économie industrielle et de comparaisons internationales (Postel-Vinay, 2008) donnant la priorité aux projets de recherche et développement collaboratifs, réunissant entreprises et laboratoires. Ces analyses montrent l’importance, pour la France, d’accroître la R&D orientée vers l’innovation au sein des entreprises, la coopération entre recherche publique et entreprises, et de renforcer les réseaux scientifiques et technologiques (Postel-Vinay, 2008).

Entre novembre 2007 et juin 2008, le gouvernement a commandé auprès du Boston Consulting Group et du CM international, une étude conduite sur la base d’auditions sur chacun des 71 pôles labellisés depuis juillet 2005. Le rapport d’évaluation de cette première version des pôles de compétitivité annonce ce projet comme prometteur. Cependant, il met en évidence quelques points d’efforts à réaliser par les structures notamment autour des sujets liés à la participation dans les pôles des acteurs privés du financement de l’innovation.

Ce rapport va également mettre l’accent sur un second point tout à fait important dans le cadre de notre recherche. Si nous avons vu jusqu’ici que l’innovation était le maître mot du développement des pôles de compétitivité, l’un des objectifs de ces structures était également de soutenir l’innovation par des approches de gestion de l’emploi, la formation et des compétences. Dans la version 1.0, cet objectif arrivait au second plan. Dans le rapport d’évaluation des pôles, la thématique de l’emploi est très peu abordée. Elle reste une thématique annexe au vue de l’approche de l’innovation par un soutien financier et de R&D (Postel-Vinay, 2008). Cette évaluation va alors dans le sens de la création des pôles de compétitivité et confirme la ligne rouge de cette première version c'est-à-dire soutenir l’innovation par les projets et les financements en lien avec la technologie.

2.1.2 Version 2.0, le soutien à l’innovation par les compétences, une nouvelle approche pour les pôles de compétitivité

 

A la suite du rapport d’évaluation de la première phase des pôles, les pouvoirs publics ont choisi d’ajuster le projet des pôles de compétitivité en matière de stratégie et développement autour de trois lignes directrices. Outre la poursuite de l'accompagnement de la R&D, qui

constitue le cœur de la dynamique des pôles, cette nouvelle phase qui s’étend de 2009 à 2012 comprend trois axes4 :

 le renforcement de l'animation et du pilotage stratégique des pôles, notamment par la mise en œuvre de "contrats de performance" et le renforcement du rôle des correspondants d'État ;

 le développement de « projets structurants » (les plates-formes d'innovation) ;

 le développement d’un soutien à l'écosystème d'innovation et de croissance des entreprises des pôles.

Présentant le 24 septembre 2008 le lancement de la version « 2.0 » des pôles, le Premier Ministre français, François Fillon, a souligné les enjeux, déclarant vouloir mettre « l’accent sur la qualité et l’ambition technologique des projets de R&D collaboratifs, bien sûr, mais aussi sur le développement des PME, sur la gestion des compétences, sur l’attraction des talents, et sur la visibilité internationale ». Suivant les préconisations préalables du rapport d’évaluation en matière de soutien à l’innovation par la compétence, cette décision fait suite aux réorientations du projet des pôles de compétitivité fixées par le Président de la République, le 26 juin 2008 à Limoge.

Selon nous, cette version 2.0, des pôles de compétitivité marque un virage important pour les gouvernances et les équipes opérationnelles des pôles. Elle représente une nouvelle approche du soutien à l’innovation marquée par la notion de gestion des compétences et sur le soutien des PME.

L’approche par les compétences et particulièrement en PME devient majeure puisqu’elle devient un critère d’évaluation. Elle passe d’un second plan en première version à un élément clef de la seconde pour les pôles de compétitivité. Elle nécessite donc un ajustement dans la trajectoire des pôles, notamment dans la construction de leur expertise d’intervention au sein des entreprises. Les pôles qui étaient historiquement centrés autour d’une approche technologique de l’innovation doivent intégrer des dimensions de gestion et plus spécifiquement de gestion des compétences.

        4

Source : http://competitivite.gouv.fr/politique-des-poles/la-2e-phase-2009-2012-de-la-politique-des-poles-dite-pole-20-478.html

De plus pour Gadille et Pélissier (2009), si le soutien aux PME fait partie des missions du pôle, l’expérience montre qu’il peut s’avérer difficile, au moins au départ, d’identifier très précisément les actions à mettre en place. Pour ces auteurs les responsables du pôle ne bénéficient pas nécessairement de l’expertise nécessaire en la matière. Or Gadille et Pélissier (2009) énoncent que le manque d’expertise peut alors se traduire par un désengagement de certaines PME qui ne trouvent pas satisfaction par rapport à leurs attentes.

L’enjeu de l’expertise se renforce dans le changement de paradigme des pôles de compétitivité dans lequel la prise en considération des aspects de gestion des compétences prend davantage d’importance. La notion de soutien à l’innovation par les compétences en PME s’annonce comme une problématique pour les pôles de compétitivité dans cette nouvelle version particulièrement pour les pôles composés de PME. Cette approche constitue l’objet de notre travail de recherche et la version 2.0 marque le départ du projet.

2.1.3 Version 2.0 du pôle OPTITEC, le contexte de notre recherche

La mise en œuvre d’un dispositif de soutien aux entreprises et plus spécifiquement aux PME, par les compétences au sein d’un pôle de compétitivité est au cœur de notre travail de thèse. Notre cadre d’observation et d’intervention s’inscrivant à l’aube de la version 2.0, nous nous interrogeons dans le cadre de ce travail sur l’adéquation d’une intervention de soutien à l’innovation par les compétences dans les PME du pôle de compétitivité OPTITEC constitué de PME de hautes technologies.

Initié en 2009, lors d’une rencontre entre le pôle OPTITEC et le Laboratoire d’Economie et Sociologie du Travail d’Aix en Provence, un projet de convention CIFRE a été établit avec le pôle OPTITEC et le laboratoire de recherche. Le projet initial consistait à analyser la mise en pratique de dispositif de gestion des compétences, formation et emploi, pour les PME adhérente au pôle OPTITEC. Ce projet voit le jour à l’aube de la version 2.0 des pôles et s’inscrit dans cette nouvelle dynamique des pôles de compétitivité.

La directrice du pôle n’ayant jamais travaillé auparavant sur cette thématique et ne « disposant pas des ressources au sein de l’équipe opérationnelle » (propos de la directrice

lors de la rencontre pour définir le projet de thèse) a souhaité mettre en place un travail de

constitué à plus de 80% de PME et mettre en place des prestations adaptées au tissu économique local en sachant que l’innovation reste capitale pour ces entreprises ».

L’équipe du pôle était historiquement conçue pour approcher des problématiques liées à l’innovation d’un point de vue technologique5. Les compétences des collaborateurs de l’équipe opérationnelle y étaient donc associées. La direction du pôle a alors constaté la nécessité d’un glissement de l’expertise du pôle concentrée initialement sur l’innovation par les aspects technologique à une approche plus transverse comprenant la technologie mais aussi la gestion. Dans le cadre de notre projet il fallait donc sécuriser l’approche de manière à « ne pas perdre les adhérents» (propos de la directrice lors de la rencontre pour définir le

projet de thèse). Le projet de recherche est alors décomposé en trois phases :

 Une phase théorique et pratique d’analyse des approches de gestion des compétences en PME dans les pôles,

 Une phase d’analyse et de conception d’un modèle des pratiques des PME pour développer l’expertise du pôle,

 Une phase de conception et préconisation pour concevoir conjointement à la ligne de conduite des pôles, une offre de soutien à l’innovation par les compétences pour des PME de hautes technologies.

Si cette nouvelle version s’intègre dans un projet de recherche tel que nous l’avons initié, c’est que la thématique nouvelle soulevée pour les équipes des pôles marque un glissement de leur expertise initiale vers de nouveau domaine d’activité. Les membres opérationnels n’y sentent pas tous prêts et formés6. Il s’agit donc de comprendre cette nouvelle approche de l’innovation par la gestion des compétences tel que préconisée par les institutions publiques dans le cadre de ce projet de recherche.

Documents relatifs