• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Epistémologie et méthodologie de la recherche

1  Présentation de la méthodologie et de l’épistémologie de recherche

1.6  Le positionnement épistémologique

De par la complexité de l’approche méthodologique retenue, une présentation préalable des concepts de la PAR était nécessaire avant d’aborder toutes dimensions épistémologiques. Dans cette partie, nous abordons alors à présent le positionnement épistémologique de ce travail de recherche, c’est-à-dire les questionnements autour de la validité de la connaissance scientifique de cette thèse. En outre, nous pouvons d’ores et déjà spécifier que la PAR dispose d’un statut particulier d’un point de vue épistémologique.

Dans un premier temps nous rappelons brièvement la diversité des paradigmes épistémologiques en sciences de gestion selon la classification de Perret et Séville (2007) que nous avons choisie pour son positionnement généraliste et son implantation dans les travaux en sciences de gestion en France. Cette présentation nous permettra d’appréhender le débat épistémologique présent au sein de la PAR.

Dans un second temps nous nous concentrons sur notre mise en œuvre de l’épistémologie de la PAR et notre positionnement que nous qualifions de « constructiviste pragmatique ». 1.6.1 L’épistémologie de la PAR

Nous avons vu que la PAR disposait d’un statut spécifique dans le paysage méthodologique des sciences de gestion. Ce statut favorise alors le débat épistémologique qui réside autour de la PAR et peut obscurcir son positionnement.

L’objet de cette thèse n’est pas de répondre au débat épistémologique de la PAR mais de comprendre dans un premier temps les courants majeurs identifiés en sciences de gestion pour comprendre les fondements du débat.

1.6.1.1 L’épistémologie en sciences de gestion 

Tout travail de recherche repose sur une certaine vision du monde nécessitant l’explicitation de ces présupposés épistémologiques. L’épistémologie a pour objet l’étude des sciences (Séville et Perret, 2007). Elle permet de contrôler la démarche de recherche pour en accroitre la validité de la connaissance.

Séville et Perret (2007) expliquent alors que l’épistémologie de la recherche s’articule autour de trois questions majeures :

1. Quel est le statut de la connaissance ?

2. Comment la connaissance est-elle engendrée ? 3. Quelle est la valeur de la connaissance ?

Trois paradigmes majeurs des sciences de gestion et de l’organisation identifiés comme des repères épistémologiques permettent au chercheur de répondre à ces questions : le paradigme positiviste, le paradigme interprétativiste, et le paradigme constructiviste.

Le positivisme est considéré comme le paradigme dominant. Il consiste à expliquer la réalité de façon déterministe. L’interprétativisme s’oppose nettement au positivisme et défend la particularité des sciences humaines en cherchant à expliquer la réalité. Le constructivisme, lui, cherche à construire la réalité. Séville et Perret (2007) proposent alors de résumer ces paradigmes au travers d’un tableau récapitulatif répondant à ces interrogations.

Tableau 3: Positions épistémologiques des paradigmes positiviste, interprétativiste et constructiviste (source  ; Séville et Perret, 2007, p15) 

Les paradigmes

Les questions épistémologiques

Le positivisme L’interprétativisme Le constructivisme

Quel est le statut de la connaissance ?

Hypothèse réaliste Il existe une essence

propre à l’objet de connaissance

Hypothèse relativiste

L’essence de l’objet ne peut être atteinte (constructivisme modéré ou interprétativisme) ou n’existe pas

(constructivisme radical) La nature de la « réalité » Indépendance du sujet et de l’objet Hypothèse déterministe Le monde est fait de

nécessités

Dépendance du sujet et de l’objet Hypothèse intentionnaliste Le monde est fait de possibilités

Comment la connaissance est elle engendrée ? Le chemin de la connaissance scientifique La découverte Recherche formulée en termes de « pour quelles causes… » Statut privilégié de l’explication L’interprétation Recherche formulée en termes de « pour quelles motivations des acteurs » Statut privilégié de la compréhension La construction Recherche formulé en termes de « pour quelles finalités… » Statut privilégié de la construction

Quelle est la valeur de la connaissance ? Les critères de validité Vérifiabilité Confirmabilité Réfutabilité Idiographie Empathie (révélatrice de l’expérience vécue par les acteurs)

Adéquation

Par ce tableau, les auteurs mettent nettement en évidence le fait que le constructivisme et l’interprétativisme partagent des hypothèses communes concernant la nature de la réalité et le statut de la connaissance. En effet interprétativistes et constructivistes ont une vision de la réalité comme un objet dépendant de l’observateur. Elle s’oppose alors au paradigme positiviste en démontrant qu’il n’y a donc pas de connaissances objectives de la réalité.

« L’interdépendance sujet/objet et la remise en cause du postulat d’objectivité et d’une

essence propre de la réalité » (Perret et Séville, 2007) amènent donc le chercheur

interprétativiste ou constructiviste à redéfinir la nature du monde social dans lequel tout est possible. En effet, en rejetant le déterminisme du positivisme, l’homme peut choisir (Lemoigne, 1995) de façon intentionnelle et créer un environnement guidé par ses finalités et ses actions. La connaissance sera alors subjective et contextuelle.

Cette distinction entre les paradigmes permet d’appréhender les différents chemins de la connaissance (Séville et Perret, 2007). Les positivistes cherchent à découvrir une réalité extérieure et les mécanismes qui la conditionnent en appréhendant les lois qui régissent cette réalité. Chez les interprétativistes la démarche consiste à « donner à voir la réalité des acteurs

étudiés » (Perret et Séville, 2007) alors que pour les constructivistes, elle participe à la

construction de la réalité des acteurs. Le chemin de la connaissance n’existe pas a priori mais se construit durant la démarche et se trouve lié la finalité du projet de la connaissance donné par le chercheur. Ces démarches vont avoir une influence forte sur la valeur de la connaissance créée par le chercheur. Ce statut est discuté par chaque paradigme selon des critères de validité qui leurs sont propres et qui permettent de répondre à la question de la scientificité des résultats. Pour les positivistes, trois critères se distinguent : la vérifiabilité, la confirmabilité et la réfutabilité. Par ces critères, ils peuvent ainsi distinguer les connaissances scientifiques des connaissances non scientifiques

Pour les interprétativistes et les constructivistes, la recherche de la distinction entre science et non-science ne constitue la validité de la recherche. Les inteprétativistes utilisent alors l’idiographie, qui s’intéresse à la singularité et la mise en situation des événements, et l’empathie pour atteindre les réalités telles qu’elles sont vécues par les acteurs.

Les critères de validité pour le constructivisme sont encore en discussion car ce courant épistémologique refuse de donner un critère unique de validation de la connaissance. Mais certains auteurs présentent néanmoins le critère d’adéquation (Glaserfeld, 1988) et le critère d’enseignabilité (Le Moigne, 1995).

Quelque soit le paradigme choisi la réflexion épistémologique du chercheur est nécessaire car elle lui permet de s’interroger sur la nature de la réalité qu’il appréhende. C’est cette réflexion qui permet la légitimation de la connaissance produite.

1.6.1.2 Le positionnement épistémologique de la PAR 

Pour Reason et Bradburry (2006), lors d’une démarche PAR, le chercheur doit adopter une perspective participative et une vue d’ensemble qui demande à être située et réflexive pour être explicite dans une dynamique de création de connaissance. Elle exige alors la perception de l’enquête comme un process qui vient pour apprendre et servir la pratique.

Pour Reason et Bradburry (2006), il s’agirait alors d’une « épistémologie étendue » donnant droit à diverses formes de connaissances pour informer l’action. Cela représente un challenge scientifique pour une épistémologie suggérant qu’il ne s’agit pas de comprendre le monde mais bien de l’aider à s’améliorer. Car la PAR implique donc qu’une réalité sociale est construite dans laquelle une multiplicité d’interprétation des phénomènes sont possibles par le chercheur et le praticien (Greenwood et Levin, 1998).

Ces différentes postures révèlent qu’il ne faut finalement pas considérer la PAR comme une méthodologie parmi tant d’autres. Pour Kindon Pain et Kesby (2008), elle s’apparente davantage à une orientation (Reason, 2004 ; Kesby 2005) qui nécessite une innovation méthodologique s’adaptant aux besoins spécifiques d’un contexte et d’une démarche de recherche et à la relation chercheur/participant. Elle valorise autant le résultat que le process de recherche. Le « succès » n’est donc pas exclusivement le produit généré mais également les compétences, les connaissances et les capacités des participants développées à travers l’expérience de recherche (Cornwall et Jewkes, 1995). Hagey (1997) explique que le processus et le produit ou la production se confondent dans la recherche participative. Processus, objectifs et finalités se superposent, s’imbriquent et se fertilisent mutuellement. Le problème à résoudre est d’abord identifié dans la communauté (objet ou sujet de la recherche?) et les résultats attendus supposent une nécessaire transformation sociale et l’amélioration des conditions de vie des personnes concernées, lesquelles sont impliquées dans tout le processus (Hall, 1981).

Ainsi il est capital d’identifier les différents stades de collaboration et les niveaux d’implication des chercheurs et participants car cette implication peut significativement variée. L’échelle de participation de Arstein (1969) a été utilisée dans le cadre de la PAR

comme un outil pertinent de l’implication des acteurs mettant en bas de l’échelle la manipulation de l’individu et en haut le contrôle représentant alors une forme de participation. Les questions d’épistémologie sont inévitables dans le cadre de la caractérisation de la PAR. Le débat qu’elle suscite met l’accent sur la difficulté à positionner cette méthodologie dans le champ épistémologique. Nous allons à présent démontrer notre positionnement épistémologique en tenant compte des spécificités de cette méthodologie. 

1.6.1.3 Notre positionnement épistémologique : le constructivisme 

pragmatique 

La recherche participative se construit sur un processus social favorisant les personnes exploitées, opprimées ou tout simplement ignorées (Hall, 1992, cité par Townsend et coll., 2000). Son but est de répondre à des besoins réels, tout en contribuant à accroître les compétences d’une communauté (Mason et Boutilier, 1996) pouvant disposer de la connaissance produite. Le paradigme choisi dans ce travail de thèse relève alors d’une épistémologie constructiviste.

Deux principaux paradigmes épistémologiques constructivistes se côtoient : le paradigme épistémologique constructiviste développé par Guba et Lincoln (1989, 1998, cité par Avenier, 2010) et le constructivisme radical proposé par Glasersfeld (1984, 2001, 2005, cité par Avenier, 2010) qualifié par Avenier et Parmentier-Cajaiba (2011) de paradigme épistémologique constructiviste pragmatique (PECP).

Nous avons choisi de nous positionner sous une épistémologie constructiviste pragmatique par l’analyse de ces fondements constitutifs20 en lien avec notre double rôle au sein du pôle. Dans ce paradigme épistémologique, l’existence d’un réel en soi n’est ni niée, ni assurée. Le réel est construit dans et par l’action. Le savoir est explicitement considéré comme provisoire et a le statut d’hypothèse adapté à l’expérience. L’hypothèse d’ordre épistémique considère que seule l’expérience humaine est connaissable (Mazzilli, 2011). Le processus de connaissance reconnaît une interdépendance entre le sujet et le phénomène (au sens d’objet) étudié, qui existe indépendamment du chercheur. L’abduction est au cœur de ce type d’approche sans pour autant exclure l’induction, c'est-à-dire les savoirs issus du terrain, notamment dans la construction du raisonnement et l’établissement du sujet (Avenier et Parmentier-Cajaiba, 2011). La problématique de soutien à l’innovation par les compétences

        20

dans les PME d’un pôle de compétitivité renvoie alors à des enjeux scientifiques et pratiques que nous avons choisis de co-explorer avec le terrain pour ancrer contextuellement les résultats de la recherche et soutenir le développement de ce type d’intervention.

La validité de la recherche s’effectue via la généralisation des comparaisons et la confrontation successive dans l’action par des propositions relatives à des dynamiques organisationnelles temporairement stables, et des règles. Nous avons établi en effet le projet de cette thèse avec la directrice, présenté le projet au sein du pôle à la gouvernance et l’équipe opérationnelle, fait des points d’étapes régulier à l’équipe opérationnelle et soumis les résultats aux PME et à la gouvernance du pôle lors de notre départ pour enfin réaliser un transfert aux chargés d’animation du pôle OPTITEC.

Synthèse

La méthode PAR s’inscrit ainsi pour notre recherche dans un paradigme constructiviste pragmatique qui repose sur les prémisses de la participation des membres des communautés rendant les recherches et les interventions plus pertinentes, plus significatives et culturellement appropriées (Kindon, Pain, Kesby, 2007).

Tel que nous l’avons souligné, la méthodologie PAR permet d’inclure des méthodes traditionnelles de recherche en sciences de gestion comme les entretiens semi directifs mais également des méthodes moins « conventionnelles » issues d’une exploitation de la pratique. L’objet de la partie suivante est de présenter les matériaux traditionnels (entretiens auprès des dirigeants des PME notamment) mais aussi plus pratiques (tels que l’action collective GPEC menée dans le pôle) de notre recherche-action participative après avoir présenté notre terrain d’études.

Ce que nous retenons de cette partie :

 Notre statut hybride de chargé d’étude/doctorant CIFRE

 Le choix de la méthodologie qualitative PAR (Participatory Action Research)  La PAR, une recherche orientée par l’échange social

 La PAR comme paradigme à part entière reconnu dans les sciences sociales en général et dans les sciences de gestion en particulier

 La dimension « Participation » représentant l’avantage comparatif de l’approche et permettant de distinguer clairement cette méthodologie de l’Action Research

 L’implication de la recherche dans l’activité et de l’activité dans la production de connaissances scientifiques

 Notre positionnement épistémologique de la PAR : le « constructivisme pragmatique »

Documents relatifs