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Chapitre 1 : Le pôle de compétitivité, un « Tiers » dans le soutien à l’innovation par les compétences

3  GRH et pratiques de gestion des compétences dans les pôles composés de PME

3.2  Analyse de la littérature scientifique en GRH dans les pôles de compétitivité

 

Cette analyse de la littérature présentant une homogénéité des pratiques peu s’expliquer au travers d’un phénomène d’isomorphisme en pôle de compétitivité. Ce phénomène rend délicat l’appropriation de ces résultats dans notre recherche qui présente quelques contraintes dans l’opérationnalisation des préconisations faites par certains auteurs (Colle et al. 2009).

3.2.1 L’isomorphisme des pratiques de GRH et de gestion des compétences des pôles de compétitivité

La présente synthèse soulève le paradoxe d’une littérature qui avance l’hétérogénéité des pratiques de GRH et de gestion des compétences, et un phénomène d’isomorphisme dans la pratique des pôles. Nous rejoignons davantage cette deuxième notion d’autant plus qu’elle permet de mettre en évidence l’influence que peut avoir l’environnement (DiMaggio et Powell, 1991), interne par la gouvernance, et externe par les pressions des pôles et des institutions qui évaluent, financent ou assurent la coordination des pôles.

DiMaggio et Powell (1991) proposent trois formes d’isomorphisme reprises dans les travaux sur les pôles de compétitivité (Colle et al. 2009 ; Tixier, 2010) :

- L’isomorphisme coercitif qui résulte de pressions coercitives à la fois formelles et informelles (obligation de faire du reporting, de respecter le cahier des charges et mettre en place des pratiques ‘imposées’ par une institution) dans laquelle par exemple le gouvernement impose de mettre l’accent dans la seconde version des pôles sur la gestion des compétences et le soutien aux PME et favorise fortement les approches inter institutionnelles et multi partenaire;

- L’isomorphisme mimétique qui peut être initié de façon directe par l’échange de bonnes pratiques et indirecte notamment par les comparaisons effectuées par des tiers. Il peut être volontariste comme non intentionnel, et fonctionner à la fois dans les relations des pôles entre eux, mais également avec les instances de financements ou encore avec les clusters ou autres modèles de districts industriels. On peut les retrouver surtout dans un cadre concurrentiel ou les organisations reproduisent les modèles de concurrents les plus rentables.

- Enfin l’isomorphisme normatif issu des pressions normatives peut provenir notamment des demandes d’applications de procédures, de reporting spécifiques, ou de cahiers des charges spécifiques souvent imposés par les institutions qui dictent les normes et comportement acceptable. La quête de légitimité, certes présente dans les trois types d’isomorphismes, revêt un caractère particulier dans le cas de l’isomorphisme normatif (Tixier et Castro Gonçalves, 2007).

Nous avons souligné le manque de différenciation des actions menées dans les pôles et expliqué que ce phénomène était lié à des pressions isomorphiques. Cette réflexion sur l’homogénéisation des pratiques nous amène à interroger la pertinence de ces dispositifs en égard aux travaux de Mendez et Bardet (2009) ou de Bocquet et Mothe (2008) voire de Zanjani et al. (2008). En effet, nous rappelons que pour ces auteurs les dispositifs mis en place pour les PME doivent être spécifique aux caractéristiques des PME particulièrement dans le cadre d’un soutien à l’innovation. Mais Colle et al. (2009) précisent qu’il est difficile pour les pôles de concevoir des offres de services originale en matière de GRH sans se substituer au GRH d’entreprise. Ce constat réalisé par ces auteurs est très fort de sens quand aux possibilités d’intervention sur cette thématique mais les PME de hautes technologies analysées ne disposaient pas de service GRH.

L’homogénéité des pratiques semble perdre tout son sens au vue du manque de pertinence et des difficultés de mobilisation constatées dans les pôles et son inadaptation à la PME. Elle

semble également cloisonner l’innovation à quelques niveaux d’interventions (projet et territoire) et ne pas considérer les spécificités des pôles constitués de PME (Mendez et Bardet, 2009) et les spécificités technologiques et de gestion de celles-ci.

Dans le cadre de notre recherche, nous avons fait alors le choix de repositionner la problématique en partant de l’analyse des pratiques de gestion des PME pour tenter de concevoir au sein du pôle et avec les partenaires des actions tenant compte des spécificités des PME de hautes technologies.

 

3.2.2 Limites pour notre approche du soutien à l’innovation

La littérature a permis de décrire et présenter les pratiques de GRH mobilisées par les pôles de compétitivité. Elle a ainsi analysé la pratique des pôles sans se concentrer sur l’analyse de leur adéquation dans la pratique telle que nous l’envisageons.

Le tableau de synthèse présenté dans la sous-section précédente, nous permet de réaliser un constat qui nous est apparu comme délicat pour identifier des pratiques permettant de soutenir l’innovation en PME pour les pôles de compétitivité. En effet, ce tableau met en évidence deux courants émergents de cette littérature francophone que nous avons énoncée auparavant: une approche par le territoire ou une approche par les projets collaboratifs. Cependant si nous reconnaissons la pertinence de ces travaux dans le cadre d’une analyse des actions d’un pôle, cette approche ne permet pas d’appréhender le soutien à l’innovation par les pratiques de gestion des ressources humaines et des compétences mises en place au sein des PME. En effet, il paraît important de préciser que selon la classification des niveaux d’intervention des pôles (Calamel et al. 2011), ces travaux restent focalisés sur le niveau des projets, et plus spécifiquement des projets R&D accompagnant l’innovation ponctuellement, et un niveau qui semble s’étendre au-delà du périmètre du pôle de compétitivité. Si nous reconnaissons que ces approches peuvent soutenir les PME, nous faisons le choix dans notre travail de nous concentrer sur des pratiques intégrées et propres à la PME choisissant alors des niveaux d’interventions différents. Notre champ d’analyse ne peut se limiter aux approches par les projets collaboratifs ou le territoire et doit mettre l’accent sur la conception de dispositif dont le niveau d’intervention est centré sur la firme. Nous nous concentrons dans la suite de ce

travail sur une approche centrée sur la PME et ses pratiques en matière de gestion des compétences et de GRH dans le cadre du soutien à l’innovation des PME.

Le second point que nous pouvons observer vient des terrains d’études mobilisés dans ces recherches. En effet nous pouvons noter une mobilisation redondante de certains pôles dans les différents travaux et une concentration de ceux-ci sur une région sauf pour le pôle system@tic. Si la région Rhônes-Alpes est qualifiée de dynamique en matière de pôle de compétitivité par ces auteurs (Colle et al. 2009) et se présente alors comme un terrain intéressant. Calamel et al. (2011) précise que le contexte des pôles de compétitivité influe sur la performance de ces activités. Or ces analyses se concentrent sur un seul et même territoire. Il nous faut néanmoins préciser que cette redondance tient aussi au fait que ces auteurs ont fortement collaboré les uns avec les autres dans le cadre de la recherche en GRH et gestion des compétences dans les pôles de compétitivité mettant parfois en regard les différences entre les pôles.

Concernant les pôles observés dans ces travaux, ils ne semblent également pas correspondre au pôle que nous analysons. Colle et al. (2009) précisent que les pôles principalement mobilisés sont des pôles composés de grandes entreprises voire représentés par une firme amirale et l’ensemble de ses co-traitants. L’influence de cette firme apparaît comme majeure notamment dans la gouvernance et l’opérationnalisation du pôle. Dans cette perspective, les pôles de compétitivité apparaissent alors davantage comme des agents qui reflètent une vision de la GRH et de la gestion des compétences de la firme amirale approuvée par les institutions publiques. Il apparait compliqué dans le cadre de notre projet de recherche de nous appuyer sur les résultats et préconisation d’auteurs comme Colle et al. (2009) dans la mesure où notre pôle est composé essentiellement de PME de hautes technologies. L’approche concentrée sur ce même type de pôles limite considérablement l’usage de ce type de travaux pour notre recherche.

Cela nécessite alors d’un point de vue scientifique comme opérationnel de repenser l’approche du soutien à l’innovation par la gestion des ressources humaines et de la gestion des compétences. Il convient donc de repenser ce type de dispositif pour les adapter aux spécificités de la population du pôle et au cadre imposé par les institutions publiques à savoir le soutien à l’innovation par les compétences. Cette approche nécessite d’appréhender le rôle du pôle de compétitivité dans cette démarche.

3.3 Le rôle du pôle de compétitivité en tant que « Tiers » dans le soutien

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