1.1 Rappels et compléments de géométrie rigide
1.1.5 Points en géométrie rigide
Comme dans le paragraphe précédent, la valuation de ksera supposée non triviale etπdésignera un élément non nul dek∨. Étant donné unk◦-schéma formelX, on noteraXσ le˜k-schémaX/k∨.
Les points fermés d’unek-variété rigide ne suffisent pas pour décrire les propriétés locales. Il est naturel d’introduire (suivant [FP04, Chapter 7]) la notion suivante.
Definition 1.1.32 — SoitX unek-variété rigide quasi-compacte et séparée. On poseP(X) = LimX∈Mdl(X)Xσ
où la limite est prise dans la catégorie des espaces topologiques. On notered :X // P(X)l’application évidente. Les éléments deP(X)sont appelés les points rigides (ou simplement les points) deX.
Étant donnés p, q ∈ P(X), on écrit p ≺ q si p appartient à l’adhérence {q} du point q. L’ensemble des points maximaux pour cette relation est notéM(X). Les éléments deM(X)seront appelés les points maximauxdeP(X).
LorsqueU est un ouvert quasi-compact d’unek-variété rigide quasi-compacte et séparéeX, le morphisme évident P(U) // P(X)est l’inclusion d’un ouvert de P(X). Ceci est une conséquence directe du théorème 1.1.30. On peut alors définir par recollement un espace topologiqueP(X)pour toutek-variété rigide. Comme avant, on noteM(X)⊂ P(X) le sous-ensemble des points maximaux. Remarquons que si Y ⊂ X est une sous-variété fermée, P(Y) est naturellement une partie fermée deP(X).
Proposition 1.1.33 — 1-Si xest un point fermé deX, alors red(x)est un point maximal deP(X).
2- SoientY ⊂X une sous-variété fermée etp∈P(X). Sip /∈P(Y), alors {p} ∩P(Y) =∅.
3- Un point p ∈ P(X) est contenu dans l’adhérence d’un unique point maximal m(p). On obtient ainsi une applicationm:P(X) // M(X)qui est une rétraction à l’inclusion évidente.
Demonstration Le premier point découle facilement du second. Soit p∈ P(X)tel que {p} ∩P(Y) 6=∅. Pour un modèle Xde X, on notepX l’image de p dans Xσ et ZX son adhérence. On note aussi YX l’adhérence schématique deY dans X. On a donc (YX)σ∩ZX6=∅pour tout modèle X. Sip6∈P(Y), il existe un modèleXtel que l’inclusion (YX)σ ∩ZX ⊂ ZX est stricte. Quitte à remplacer X par un voisinage affine de pX, on peut se ramener au cas où X = Spm(A) est unk-affinoïde etX= Spf(A◦) un schéma formel affine (une norme résiduelle étant choisie surA).
On a dansSpec(A◦)deux sous-schémas fermésZXetSpec(A◦/I)avecI l’idéal du sous-schéma formelYX. Ce dernier étant essentiel,Iest de type fini. SoitJ ⊂A◦un idéal de type fini ayantZXpour lieu d’annulation. On peut supposer que J est ouvert de sorte que I+J est le centre d’un éclatement admissible X0 de X. Les transformés purs YX0 et ZX0 dansX0 sont disjoints par le lemme 1.1.34 ci-dessous. OrpX0 est forcément le point générique deZX0 . Ceci est une contradiction.
La dernière partie se démontre de la même manière. Soient en effet deux pointsp1 etp2 deP(X)tels que {p1} ∩ {p2} 6=∅. Nous allons montrer quep1≺p2 oup2≺p1. En effet, si ce n’était pas le cas, il existe un modèleXde X tel que (Z1)X∩(Z2)X est un sous-schéma strict de (Zi)X pour i ∈ {1,2} (où l’on a noté (Zi)X l’adhérence Zariski de (pi)X). On choisit un idéal ouvert et de type fini Ii ⊂OX ayant pour lieu d’annulation la partie fermée (Zi)X. En éclatant l’idéalI1+I2 on obtient (par le lemme 1.1.34 ci-dessous) un modèleX0 avec(Z1)X0∩(Z2)X0 =∅. Ceci
contredit l’hypothèse{p1} ∩ {p2} 6=∅. c.q.f.d.
Lemme 1.1.34 — SoientX un schéma etI1,I2⊂OX deux idéaux quasi-cohérents de type fini. SoitX0 l’éclaté deI =I1+I2 dans X. On note Ii0 = (Ii·OX0)·(I ·OX0)−1 le transformé faible de Ii pour i∈ {1,2}. On a alorsI10+I20=OX0. En particulier, les transformés purs des fermésX/I1 etX/I2 sont disjoints dansX0.
Soit X une k-variété rigide. Étant donné un point p ∈P(X), on note Flt(p) l’ensemble des ouverts admissibles U de X tel que p ∈ P(U). C’est un ensemble ordonné cofiltrant. De plus, le sous-ensemble de Flt0(p) ⊂ Flt(p) formé des ouverts affinoïdes est cofinal. On pose OX,p = ColimU∈Flt(p)Γ(U,O), OX,p◦ = ColimU∈Flt(p)Γ(U,O)◦ et OX,p∨ = ColimU∈Flt(p)Γ(U,O)∨ (voir la notation 1.1.13). L’anneauOX,ppossède une semi-norme définie par
(1.8) kfkp= inf{|f0|∞; f0∈Γ(U,O), U ∈Flt(p) etf = (Γ(U,O)→OX,p)(f0)}.
On notemp ⊂OX,p l’idéal des f aveckfkp = 0. On a clairement mp ⊂OX,p∨ ⊂OX,p◦ . On a le résultat suivant (voir [FP04, Proposition 7.1.8]).
Proposition 1.1.35 — L’anneau OX,p est local hensélien d’idéal maximal mp et la fonction k·kp définit une valuation sur le corps résiduel k(p) = OX,p/mp. De plus, si k(p)ˆ désigne le complété de k(p) pour la valuationk·kp, alorsk(p)est séparablement clos dans ˆk(p).
Demonstration On divise la preuve en deux parties.
Partie A : Montrons quemp est l’unique idéal maximal de OX,p. Soitf ∈OX,p et supposons quekfkp >0. On sait que |f0|∞ ≥ kfkp pour tout relèvement f0 ∈ Γ(U,O) de f à U ∈ Flt(p). Soit λ ∈ |k| tel que 0 < λ < kfkp. On peut écrireU comme la réunion admissible de deux ouvertsD(f0|λ)∪D(λ|f0). Étant donné que la norme infinie de la restriction def0 à D(λ|f0)est strictement inférieure àkfkp, on déduit queD(λ|f0)∈/ Flt(p). On a donc forcément D(f0|λ)∈Flt(p). Mais la restriction def0 à D(f0|λ)est inversible. Ceci montre quef est inversible.
Pour voir quek·kpdéfinit une valuation surk(p)il suffit de montrer l’égalitékakp· ka−1kp= 1poura∈k(p)− {0}.
Soit g ∈ Γ(U,O) un relèvement de a à U ∈ Flt(p). Soient λ1 et λ2 dans p
|k×| tels que 0 < λ1 < kakp < λ2. Alors, D(λ1|g) 6∈ Flt(p) et D(g|λ2) 6∈ Flt(p). On a donc forcément D(λ2|g|λ1) = D(λ2|g)∩D(g|λ1) ∈ Flt(p). Mais
|g|D(λ2|g|λ1)|∞≤λ2 et|g−1|D(λ
2|g|λ1)|∞≤λ−11 . Ceci montre quekakp· ka−1kp≤λ2λ−11 . En faisant tendreλ1 et λ2 vers kakp, on obtient l’inégalité kakp· ka−1kp ≤1. Or,kakp· ka−1kp ≥ k1kp = 1 car k · kp est une semi-norme. D’où le résultat recherché.
Partie B :Dans cette partie on montre simultanément queOX,pest hensélien et quek(p)est séparablement clos dans ˆk(p). On peut pour cela supposer X réduit quitte à le remplacer parXred. Soit P ∈OX,p[T] et f¯∈k(p)ˆ une racine
séparable de la réduction P¯ ∈ k(p)[T] ⊂ˆk(p)[T] de P. Il suffit de montrer que P admet une racine dans OX,p. On
Soit M ≥ 1 un réel qui majore strictement les normes des coefficients de P(T) et R(S, T). (Remarquons que cela entraîne queM majore strictement les normes des coefficients de ∂R
∂T(S, T).) On fixef0∈OX,ptel quekf0(p)−f¯kp <
3. les normes infinies des coefficients deR˜ sont majorées parM, 4. |P˜( ˜f0)|∞≤ λ2
2M.
Quitte à raffinerU une deuxième fois (afin de se débarasser des composantes irréductibles ne contenant pasp), on a également la relation
(1.10) P(S˜ +T) = ˜P(S) + ˜P0(S)T+ ˜R(S, T)T2. On considère alors la suite récurrente (de Newton)( ˜fn)n∈Ndéfinie par
(1.11) f˜n+1= ˜fn− P˜( ˜fn)
P˜0( ˜fn).
Notons qu’à priori, cette suite est à valeurs dans les fonctions méromorphes sur U puisque f˜n peut avoir des pôles.
Montrons par récurrence les trois propriétés suivantes : (i) f˜n ∈Γ(U,O)et|f˜n|∞≤1,
(ii) |P˜0( ˜fn)(x)| ≥λpour toutx∈U, (iii) |P˜( ˜fn)|∞≤ λ2
22nM.
Lorsque n = 0 les trois propriétés ci-dessus sont vraies. On suppose que ces propriétés sont prouvées pour n. Il vient quef˜n+1∈Γ(U,O)puisqueP˜0( ˜fn)est inversible. Comme |P˜0( ˜fn)(x)| ≥λpour toutx∈U, on déduit que
De la formuleP˜0(S+T) =∂P˜ est un point maximal, alorsk◦(p)coïncide avec l’anneau de valuation de la norme k·kp définie par (1.8). Il est donc de hauteur1 et son idéal maximal est k∨(p) =OX,p∨ /mp. deux des anneaux de valuation de hauteur1, ils sont forcément égaux.
Supposant toujours que p est maximal, le fait que k◦(p) est de hauteur 1 montre que l’idéal maximal de k◦(p) estp
k∨(p)(puisquek∨(p)est non nul). Mais par construction, k◦(p)/k∨(p)est isomorphe à la colimite des algèbres réduitesΓ(U,O◦)/Γ(U,O∨) pourU ∈Flt(p). Elle est donc elle même réduite. Ceci prouve quep
Demonstration On suppose queX= Spm(A)avecAunek-algèbre affinoïde munie d’une norme résiduelle. On peut supposer que fi ∈A◦. On note X l’éclaté deSpf(A◦)en l’idéal(f0, . . . , fn)⊂A◦. Dire que p∈M(D(f0|f1, . . . , fn)) revient à dire qu’il existe une factorisation du morphisme évidentA◦ // k◦(p):
A◦ //
k◦(p)
A◦[t1, . . . , tn]/(f0t1−f1, . . . , f0tn−fn).
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Notonsfi(p)l’image de fi dansk(p). Une telle factorisation existe si et seulement sif0(p)6= 0 etfi(p)/f0(p)∈k◦(p) pour 1 ≤i ≤n. Par le lemme 1.1.36 et l’hypothèse que pest maximal, cela revient à dire que kf0kp ≥ kfikp pour 1≤i≤n. (Remarquer que cette condition entraîne que kf0kp6= 0.) c.q.f.d.
Corollaire 1.1.38 — Soient X une k-variété rigide, U ⊂X un ouvert quasi-compact et p∈M(X) un point maximal. On suppose quep6∈M(U). Alors, il existeV ∈Flt(p)tel queU∩V =∅.
Demonstration La question est locale en U et autour de p. On peut donc supposer que X = Spm(A) est un k-affinoïde et U = D(f0|f1, . . . , fn) est un domaine rationnel associé à des générateurs f0, f1, . . . , fn de A en tant qu’idéal. Par la propostion 1.1.37, la conditionp6∈M(U)entraîne l’existence d’un1≤i0≤n tel quekf0kp<kfi0kp. Soientλ, λ0∈p
|k×| tels quekf0kp< λ < λ0<kfi0kp. L’ouvertV = D(λ|f0)∩D(fi0|λ0)convient alors. c.q.f.d.
Proposition 1.1.39 — Pour p∈M(X) un point maximal, l’anneauOX,p◦ est local hensélien d’idéal maximal OX,p∨ . Sik(p)˜ désigne le corps résiduel de l’anneau de valuationk◦(p), on a des isomorphismes naturels
˜k(p) =OX,p◦ /OX,p∨ 'ColimXk(p˜ X) avec pX l’image de pdansXσ pourX∈Mdl(X).
Demonstration L’anneauOX,p◦ est local d’idéal maximalOX,p∨ . En effet, soitf ∈OX,p◦ −OX,p∨ et notonsf¯sa classe dans k◦(p). Comme f 6∈ mp, il admet un inverse f−1 dans OX,p. La classe f¯−1 de f−1 dans k(p) est l’inverse de f¯. Étant donné quef¯∈ k◦(p)−k∨(p), son inverse est dans k◦(p) (on utilise ici le lemme 1.1.36). Ceci montre que f−1∈OX,p◦ (on utilise ici que OX,p◦ est l’image inverse dek◦(p)⊂k(p)par le morphismeOX,p //// k(p)).
Montrons maintenant queOX,p◦ est hensélien. SoitP ∈OX,p◦ [T]un polynôme etf˜une racine simple de la réduction P˜ ∈ k(p)[T˜ ]. Grâce au lemme 1.1.36, la maximalité de p entraîne quek(p) = Colim˜ U∈Flt(p)Γ(U,O◦)/Γ(U,O∨). On peut donc supposer queP est l’image d’un polynômeQ∈Γ(U,O◦)[T]et que la racinef˜provient d’une racineg˜deQà valeursΓ(U,O◦)/Γ(U,O∨). Comme(Γ(U,O◦),Γ(U,O∨))est un couple hensélien, du moins si l’ouvertU est affinoïde, on peut releverg˜en une racineg∈Γ(U,O◦). L’imagef ∈OX,p◦ deg est bien une racine deP.
Il reste à montrer la dernière assertion. On peut pour cela supposer queX est unk-affinoïde réduit. Montrons que sous cette condition, les deux morphismes évidents
Colim
X∈Mdl(X), pX∈U⊂XΓ(U,O)/p
(π) (1) // Colim
X∈Mdl(X), pX∈U⊂XΓ(Uη,O)◦/Γ(Uη,O)∨ (2) // Colim
U∈Flt(p)Γ(U,O)◦/Γ(U,O)∨ sont inversibles. Pour le morphisme (2), on remarque que le foncteur qui associe à un couple (X, pX ∈ U) l’ouvert admissible Uη ∈Flt(p)est cofinal par le théorème 1.1.30. Considérons maintenant le morphisme(1). Soit U⊂X un voisinage affine de pX. La Γ(U,O)-algèbre Γ(Uη,O)◦ est entière et complète pour la topologieπ-adique. Elle s’écrit donc comme une colimite filtrante de ses sous-Γ(U,O)-algèbres topologiquement de type fini et essentielles. Il vient queΓ(Uη,O)◦'ColimX0∈Mdl(X)/XΓ(U׈XX0,O)ce qui entraîne le résultat recherché.
Il est maintenant aisé de conclure. D’après la discussion précédente, on dispose d’un morphisme évident OX,p◦ /OX,p∨ ' Colim
X∈Mdl(X), pX∈U⊂XΓ(U,O)/p
(π) // Colim
X∈Mdl(X)
k(p˜ X),
qui est clairement surjectif. Or, d’après le lemme 1.1.36, le membre de gauche s’identifie à ˜k(p) qui est un corps.
Puisque le membre de droite est non nul, le morphisme ci-dessus est un isomorphisme. c.q.f.d.
On termine le paragraphe avec le résultat suivant.
Proposition 1.1.40 — Soient p ∈ P(X) et q = m(p) le point maximal tel que p ≺ q. Alors, il existe une inclusion naturelle isométriquek(p),→k(q)induisant un isomorphismeˆk(p)'k(q).ˆ
Demonstration Puisquep∈ {q}, on a l’implication(U ∈Flt(p))⇒(U ∈Flt(q)). On dispose alors d’un morphisme canoniqueOX,p // OX,qqui est contractant pour les normesk·kpetk·kq. Ce morphisme est donc local et induit une inclusion sur les corps résiduelsk(p),→k(q). Cette inclusion est encore contractante ce qui entraîne aussitôt qu’elle est isométrique.
Il reste à montrer que k(p)est dense dans k(q). Pour ce faire, on se donne U ∈ Flt(q) et g ∈ Γ(U,O). On peut supposer queU = D(f0|f1, . . . , fn)est un domaine rationnel. D’après la proposition 1.1.37, on akf0kq ≥ kfikq pour tout1≤i≤n.
Soita∈k, avec|a|>1, et montrons queD(af0|f1, . . . , fn)∈Flt(p). En utilisant une deuxième fois la proposition 1.1.37, on trouve que q 6∈ P(D(fi|af0, f1, . . . , fn)) pour 1 ≤ i ≤ n. Étant donné que p ∈ {q}, on a également p6∈ P(D(fi|af0, f1, . . . , fn)). Or, D(af0|f1, . . . , fn) et les D(fi|af0, f1, . . . , fn), pour 1 ≤ i ≤n, recouvrent X. On a donc nécessairementp∈P(D(af0|f1, . . . , fn))comme souhaité.
Il est maintenant aisé de conclure. En effet, le morphismeO(D(af0|f1, . . . , fn)) // O(D(f0|f1, . . . , fn))est d’image dense, ce qui entraîne que la classe deg dansk(q)appartient à l’adhérence dek(p)dansk(q). c.q.f.d.