• Aucun résultat trouvé

La PME classique versus Anti PME ou la PME Managériale

1.3.2. Le monde de la PME, entre une extrême complexité et des caractéristiques communes qui forment sa spécificité

1.3.2.2. La PME classique versus Anti PME ou la PME Managériale

L’insatisfaction résultant des modèles précédents à visée statistique ou juridique ou opératoire résulte du fait que d’un côté les explications déterminant les découpages paraissent

75

insuffisantes, d’un autre côté les études s’intéressant à la construction d’un cadre d’analyse homogène tenant compte de la diversité des entreprises de petite et moyenne taille instruisent des cas où ils définissent un modèle qui écrase leur spécificité. Ainsi, entre les années 1975 à 1985 la contestation du modèle unique de PME, jusque-là accepté en sciences de gestion, va donner naissance au « courant de la diversité ». Selon cette approche, il convient d’identifier l’ensemble des facteurs contingents qui exercent un effet sur la nature de l’organisation, ce qui va aboutir à des propositions ad hoc.

Malgré une certaine utilité, la multiplicité des facteurs pris en compte constituait « un frein à l’établissement d’un cadre de référence général ». Plusieurs courants ont essayé d’intégrer les PME dans un cadre d’analyse, se heurtant au problème de la diversité des PME. Le « courant de la diversité » a cherché à simplifier la diversité du champ d’analyse - PME en établissant des types distincts. Alors que le « courant de la spécificité » s’est efforcé au contraire de définir l’objet - PME considérée comme une institution singulière, la prise de conscience de la nécessité d’intégrer la diversité aux travaux relatifs à la spécificité des PME va connaître une expansion à la fin des années 1980.

Les travaux antérieurs ayant déjà souligné cette problématique vont donner naissance au « courant de la synthèse ». Plusieurs auteurs vont alors établir des cadres d’analyse au sein desquels il va être possible d’établir des typologies qui découlent de la prise en compte préalable de certains traits spécifiques aux PME. Le problème se pose quand on regarde ce qui se passe si la PME change de nature (mode de gestion) et ne répond plus au modèle classique. La réponse d’Olivier Torres (1998) est simple, parfois la PME ne peut pas ou ne peut plus être spécifique. Le « courant de la synthèse » répondra par la suite à la nécessité d’intégrer la diversité des PME aux travaux relatifs à la spécificité des PME, et va emmener les chercheurs à la réflexion que la spécificité des PME peut être modulable.

Dans la continuité du « courant de la synthèse » se développera le « courant de la dénaturation ». Cette approche est basée sur l’idée que la PME est spécifique mais admet en même temps qu’il peut exister des firmes de petite taille qui ne correspondent pas à la conception classique de la PME telle que la littérature l’a représentée. Le caractère dénaturant du comportement de la PME est la mondialisation, les travaux de Torres montrent que le management classique de la PME « semble difficilement compatible avec l’adoption d’une stratégie de mondialisation » (Torres, 2004; p. 16). Les résultats empiriques de l’impact de la mondialisation sur le mode de gestion de la PME reposant sur un échantillon de 52 entreprises (Torres, 1997) montrent que les PME mondiales adoptent un mode de gestion opposé au mode

76

de gestion des PME classiques. La mondialisation implique « un mode de gestion à distance qui va à l’encontre d’un mode de gestion de proximité » (Torres, 2004). Des recherches plus récentes de Torres et Julien (2005) vont établir l’antithèse de la conception classique de la PME et proposer le concept de la dénaturation sous l’influence de la mondialisation. Le mode de gestion de proximité de la PME serait dénaturé par les effets de « l’internationalisation des PME qui doivent mettre en place un mode de gestion à distance et sous certaines conditions « d’analyser les entreprises de petite taille à l’aide de représentations théoriques provenant de la grande entreprise » (Torres, 2005 ; p. 22).

Tableau 5: Le concept de PME versus l’ANTI-PME

LE CONCEPT DE PME L’ANTI – PME

Petite taille Petite taille

Centralisation de la gestion Décentralisation de la gestion

Faible spécialisation Forte spécialisation

Systèmes d’information informels et simples Systèmes d’information formels et complexes

Stratégies implicites et à court terme Stratégies explicites et à long terme Marché proche géographiquement ou

psychologiquement

Marché mondial Source : Torres, 2004

La distance nécessite un recours à une formalisation plus importante. De plus, les stratégies de décision ne peuvent plus suivre le schéma de court-termisme intuitif mais nécessitent des processus de planification de long terme. Certains contextes provoquent la mise en place de pratiques qui se traduisent par un changement de nature du fonctionnement de la PME. « Le capital-risque, le système EDI/JAD36, la certification qualité, le réseau, les alliances sont autant d’exemples de situations de dénaturation. L’auteur va nommer cette PME « la PME managériale » puisqu’elle va adopter le fonctionnement managérial de la GE (voir tableau 5). Il va encore plus loin en indiquant que la PME managériale serait la PME grande entreprise miniature dont tant de chercheurs ont refusé d’admettre l’existence. Ces PME mondiales, en s’adaptant au contexte de la mondialisation qui demande un mode de gestion différent ne sont plus conformes au modèle général de la PME classique. Les résultats d’Olivier Torres montrent que dans un contexte global, la PME adopte un mode de gestion totalement opposé au mode de

36 EDI : échange de données informatisé, JAD: Java Application Descriptor, fichier utilisé pour décrire les l’application Java ME. Il s’agit d’une classe de Java qui fournit l’interface entre l’application Java et le système d’exploitation dans MIDP (Mobile Information Device Profile

77

gestion spécifique des PME classiques que ce soit « en matière de décentralisation, de différenciation des tâches, de planification, [ou] de systèmes d’information ».

Par conséquent, la communication orale qui est privilégiée par le dirigeant de la PME classique devient rapidement inefficace dans le cadre international. Dans le cadre de la stratégie de mondialisation, la faible décomposition des tâches va laisser la place à une décomposition de tâches afin de les localiser dans des conditions optimales d’implantation. Les principaux partenaires de l’entreprise qui sont les clients, fournisseurs, employés et partenaires divers qui ne sont plus localisés à proximité obligent le dirigeant à mettre en place un système de collecte d’information plus sophistiqué (rapports d’activité, tableaux de bords, budgets etc.).

Tableau 6: La PME classique versus la PME managériale

La PME classique La PME managériale

Attributs principaux L’intuitif Le processuel L’oral La centralisation L’informel L’isolement L’indépendance La matérialité Le local Le planifié Le procédural L’écrit La délégation Le formel L’ouverture L’interdépendance L’immatérialité Le global

Courant de référence Courant de la spécificité Courant de la dénaturation Source : Torres, 2004

Ainsi la PME managériale en adaptant son organisation et son mode de gestion à ces activités d’exportation, adoptera certaines caractéristiques reconnues aux GE (organisation plus formelle, décentralisation, délégation, fonctionnement par procédures, etc.) tout en gardant des caractéristiques des PME comme par exemple la proximité avec ses clients ou la prépondérance du dirigeant dans la définition de la stratégie de l’entreprise. La nécessité de changement complet du management de l’entreprise en vu des enjeux que représentent les activités internationales peut être vue comme un frein de se lancer dans de telles activités car les habitudes de management éprouvées du dirigeant doivent être radicalement changées.