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Le comportement des PME innovantes versus PME classiques

1.3.2. Le monde de la PME, entre une extrême complexité et des caractéristiques communes qui forment sa spécificité

1.3.2.3. Le comportement des PME innovantes versus PME classiques

Les analyses classiques ne concédaient aux PME qu’un rôle réactif et non proactif dans la planification stratégique de leurs activités. La planification stratégique proactive est réservée aux GE et à quelques PME qui ne la pratiqueraient que de manière sporadique et incomplète et

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de façon plutôt réactive et informelle. Fernandez et al. (1993) montrent, en plaçant les PME dans leur environnement concurrentiel, qu’il existe deux métamodèles ² de contrôles des activités qui dépendent de la façon dont est perçue l’incertitude et la réaction face à cette incertitude. Ils développent un modèle autour des PME innovantes qu’ils vont appeler PME schumpétériennes et des PME traditionnelles appelées smithiennes.

Les PME innovantes sont caractérisées par une intensité de recherche de base élevée qui les met dans une forte incertitude quant au succès du produit de leurs recherches et de la rentabilité qu’elles peuvent en tirer. Les firmes vont anticiper les formes de concurrence et de technologie en mettant en place des stratégies d’organisation de la production. De même, elles constitueront l’interface entre la science et le marché au moyen d’innovations de procédés et de produits et vont restructurer les marchés par l’intermédiaire d’alliances de formes diverses notamment en R&D (ibid.). Ainsi, en établissant ces stratégies, l’engagement des firmes est forcément de long terme et nécessite un contrôle prospectif de son environnement. Elles utilisent des procédures de planification et de pilotage. La régulation ou la rationalisation se fait ex ante et le pilotage vient de s’insérer naturellement dans le procédé.

Les PME traditionnelles s’orientent plutôt à répondre à l’exigence de la demande, le produit est conçu selon le cahier de charges du client. Elles pratiquent donc un contrôle plutôt ex post des activités de la firme. Le pilotage est utilisé pour réguler les activités et la prévision correspond à une procédure d’ajustement à l’incertitude radicale par rapport au positionnement de la firme sur le marché et vis-à-vis des concurrents. L’incertitude est limitée par un contrôle adaptatif des variables essentielles d’un contexte concurrentiel plus classique ou encore en liant des collaborations les plus stables possibles ou en s’installant dans des niches. La problématique concernant les PME innovantes dans la conduite des affaires concerne également l’incertitude sur la rentabilité des investissements et de ce fait, la difficulté du financement de l’innovation. En conséquence, elles ont des grandes difficultés à recourir à des crédits bancaires traditionnels et doivent recourir à d’autres types de financements. En revanche, pour les PME traditionnelles le financement des activités est un moindre problème en raison de la plus grande pérennité et d’une prévisibilité plus élévée de leur chiffre d’affaires prévisionnel.

En résumé selon ces métamodèles, il existerait deux types de PME avec des stratégies différentes. La PME innovante, plus proactive orientant ses actions vers une modification de l’environnement par l’innovation. L’autre PME mettra en place une stratégie de type traditionnel, qui réagira aux évolutions qui proviennent de son environnement par le moyen de l’adaptation de l’organisation interne et externe de ses activités. Cette catégorisation permet de

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voir comment sont organisées les activités des PME innovantes et les difficultés plus importantes qu’elles rencontrent dans la réalisation de ses affaires innovatrices. Elles sont multiples et concernent par exemple l’accès aux financements adaptés, la gestion de l’incertitude de l’innovation et de prévision de l’offre. L’intérêt que ces entreprises représentent par rapport aux PME traditionnelles est une croissance beaucoup plus rapide que ces dernières.

Tableau 7: Les PME innovantes et traditionnelles, deux stratégies opposées

Source : Auteur inspiré de Fernandez et al. (1993)

Après une première distinction globale qui met en évidence les caractéristiques spécifiques des entreprises innovantes par rapport à celles des entreprises traditionnelles, il est possible d’affiner le portait des premières.Les enquêtes de la Commission européenne (1994, 1998) et l’IRDAC (1998) ont conduit des enquêtes à grande échelle pour déterminer les différents types de PME innovantes. Ces enquêtes ont permis de distinguer trois grandes catégories de PME, catégorisation présentée par Clarisse et Duchêne (2000) :

▪ Les créateurs de technologies, qui représentent entre 1 à 3 % de l’ensemble des PME. Cette catégorie d’entreprises peut être décomposée en deux sous-catégories supplémentaires.

La PME « innovante » La PME « classique ou traditionnelle »

Contrôle ex ante des activités, dynamique orientée par l’offre, forte intensité de recherche de base

Contrôle ex post des activités, dynamique orientée par la demande

La prévision correspond à des anticipations de la dynamique des formes de la concurrence et de la technologie

La prévision correspond à une procédure

d’ajustement à l’incertitude radicale par rapport au positionnement de la firme sur le marché et vis-à-vis des concurrents

Dynamique renvoiant aux déterminants de l’offre Dynamique renvoiant aux déterminants de la

demande

Processus de planification-pilotage Processus de planification-pilotage

Le pilotage a une logique plutôt proactive Le pilotage sert plutôt la régulation des activités et suit une logique adaptive

Interface entre la science et le marché assurée par l’innovation de procédés et de produits

L’organisation interne et externe s’adapte aux changements.

Marchés restructurés au moyen de formation d’alliances diverses et de leur innovation

Contrôle de l’incertitude par des collaborations stables, en se positionnant sur des niches concurrentielles qui correspondent à leur flexibilité et à la qualité et fiabilité de leurs produits.

Stratégie à moyen ou long terme Stratégie à court terme

Le financement des activités est rendu difficile par la nature même de l’activité innovante

Le financement des activités est plus facile par les voies traditionnelles du crédit bancaire

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a) Les entreprises de pointe, qui sont des entreprises à fort potentiel de croissance et les entreprises de conseil orientées vers la recherche (services d’ingénierie et de conseil technologique)

b) Les boutiques de R&D, la population de cette catégorie de firmes est formée d’entreprises qui sont plutôt jeunes (voir tableau 25).

▪ Les premiers utilisateurs de technologies, qui représentent entre 10 % à 15 % des PME. Cette catégorie peut également être décomposée en deux catégories :

a) Les PME ayant des compétences suffisantes en matière de R&D pour mener elles- mêmes des projets de R&D.

b) Les PME qui n’ont pas les compétences pour mener des projets de R&D.

▪ Les suiveurs, la catégorie des PME la plus importante qui compte 80 % à 85 % de la totalité des PME. Deux sous-catégories peuvent existent également pour cette catégorie de PME :

a) La moitié de ces PME n’innoveront jamais. Elles vont plutôt utiliser des procédés de fabrications anciens, sont rarement enclines à la collaboration avec d’autres entreprises, n’ont pas intégré l’innovation dans leur stratégie commerciale et, de ce fait n’ont pas introduit de produits ou services innovants sur le marché.

b) L’autre moitié est constituée d’innovateurs potentiels. Elles ont introduit sur le marché au moins un produit nouveau en moyenne, disposent de salariés d’un niveau d’instruction élevé, sont disposées à former des partenariats mais sont rarement dépositaires de brevets (OCDE, 2000).

Par conséquent, les PME forment une population importante et hétérogène qui investit et utilise les innovations de manière variée. Moins de 20% d’entre elles entreprennent effectivement des activités d’innovation (créatrices de technologies et primo-utilisateurs de technologies). Contrairement aux 80% des PME qui se comportent comme des suiveurs en matière de technologies, seulement la moitié de ces PME est considérée ayant le potentiel nécessaire pour évoluer dans le domaine de l’innovation. Par conséquent, pour favoriser l’accroissement de la capacité des PME, il est nécessaire de prendre conscience de l’hétérogénéité des PME quant à leurs objectifs stratégiques qui nécessitent des mesures ciblées selon la catégorie dans laquelle elles se trouvent.

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Tableau 8: Les PME innovantes

Source : Clarysse et Duchêne (2000) cité par OCDE

*(comprenant les PME dotées de capacités de R&D et celles qui en sont dépourvues)

La distinction entre entreprises traditionnelles ou classiques et innovantes ou managériales réside dans le fait de vouloir faire ressortir les fonctionnements singuliers qui apparaissent en raison de leur activité traditionnelle, innovante ou internationale. Par conséquent, les modèles développés autour de la PME classique ou traditionnelle, la PME managériale et des PME innovatrices permettent de comprendre l’impact des activités innovantes ou internationales sur l’organisation et le management de l’entreprise. L’analyse du Mittelstand allemand et de son fonctionnement versus les PME françaises pourra s’appuyer sur ces modèles pour une compréhension améliorée des différences entre ces entreprises pourtant appartenant à la même appellation commune, celle des PME.