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Chapitre 3 – Les traces d’une ferveur religieuse

II. Iconographies funéraires et bibliques

1. La pleureuse et la pietà

« La mémoire du conflit telle qu’elle s’incarne dans les monuments aux morts est symptomatique du prolongement de la culture de guerre dans l’après-guerre – patriotisme et esprit de sacrifice y sont toujours aussi présents – et de la nouveauté due au deuil immense : le pacifisme. »136.

En effet, si la fonction première de ces constructions est l’hommage aux morts, elles participent également au relèvement du pays ainsi qu’à la consolation des familles endeuillées. Le drame se poursuit dans l’après-guerre à travers les pleurs de la France entière. Les sculpteurs tentent ainsi de rendre compte de cette douleur nationale qui embaume tout le pays. En cela, ils se tournent vers des thématiques bien connues de la sculpture : les pleureuses et les Mater

Dolorosa. Si ces sujets ne sont pas novateurs, ils étaient pourtant oubliés de la statuaire de la

fin du XIXe siècle. L’ampleur du deuil réactualise donc ces thèmes iconographiques qui sont utilisés sur les monuments aux morts de type pacifiste.

Dans le cimetière militaire Saint-Acheul d’Amiens, Albert Roze propose un monument aux morts [fig.74] en parfaite adéquation avec son emplacement. Commandé par l’Association du Souvenir Français, le mémorial est inauguré le 27 juillet 1924 en présence du maréchal Joffre et l’ancien ministre de guerre, André Lefèvre. Il prend la forme d’un obélisque tronqué aux

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quatre cotés formant ainsi une croix sur chaque face. La construction est coiffée d’un pot à feu et est ornée de deux bas-reliefs en médaille ainsi que deux épées ciselées dans la pierre [fig.75]. Au-devant du monument, Albert Roze dispose une figure féminine assise ajoutée à la suite de l’inauguration137 [fig.76]. Erigé en l’honneur des soldats décédés dans les hôpitaux de la ville138,

le monument répond également au besoin de la population amiénoise de se recueillir. Effectivement, en 1924, la capitale picarde n’a toujours pas décidé la construction d’un monument aux morts spécifique aux amiénois décédés durant la guerre. En cela, le mémorial de la nécropole militaire fait office durant plusieurs années de monument aux morts communal. Le discours de Monsieur Pujol lors de l’inauguration du monument aux morts d’Amiens, le 14 avril 1929 explique ainsi :

« le monument élevé au cimetière Saint-Acheul par le Souvenir Français nous permet de nous recueillir en rendant à ceux, nombreux, qui déchiquetés, enfouis par les obus n’ont pu recevoir la sépulture qui méritait leur sacrifice et qui eut été une suprême consolation pour leur famille. »139.

Par son emplacement, mais également selon les dires de Monsieur Pujol, le monument du cimetière militaire Saint-Acheul doit retranscrire le caractère funéraire. Il n’est donc pas surprenant que le sculpteur picard utilise de nombreuses références à cet art mortuaire. Le pot à feu, la pleureuse mais aussi les portraits en médaillon sont des ornementations habituelles des tombeaux. Le médaillon du poilu peut ainsi rappeler les portraits des défunts sur leur tombe. Ce dernier est mis en relation avec un autre médaillon, de l’autre côté du monument. Il représente une femme voilée les yeux fermés. La figure féminine pourrait effectivement être mise en lien avec le soldat, elle pleure son décès. Le sculpteur joue ainsi sur le contraste entre le mort et les survivants. Si le médaillon du soldat est décoré de feuille de chêne et de laurier, celui de l’autre côté est sobre [fig.75]. Pourtant, dans le modèle original le sculpteur avait prévu la même ornementation140 [fig.77]. En supprimant celle-ci, il appuie davantage l’hommage aux combattants. Les deux autres faces de l’obélisque renforcent cette symbolique en représentant une épée couronnée de ces mêmes rameaux.

137 Elle est datée et signée : ALBT ROZE 1925.

138 « … ce ne sont pas les enfants d’Amiens que le « Souvenir Français » a l’intention d’honorer, ce sont les 700

ou 800 malheureux qui ont été évacués sur les hôpitaux d’Amiens, qui sont morts en notre ville et qui sont réunis aux Cimetière Saint-Acheul. ». Délibération du Conseil Municipal, séance du 17 mai 1921. (AM Amiens : 1M20/12).

139 Le Journal d’Amiens, 15 avril 1929, n.p.

140 Le plâtre, retrouvé par les frères Foucart dans l’atelier du sculpteur est aujourd’hui conservé au Musée de

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Le monument aux morts de la nécropole nationale semble amplement faire référence à son commanditaire, Le Souvenir Français. La devise de l’association « à nous le souvenir, à eux l’immortalité » est symbolisée dans cette construction à travers différents ornements. L’idée de l’immortalité est représentée par la figuration d’un soldat en buste. Ainsi tout comme les portraits funéraires, il pérennise l’image des hommes morts pour la patrie. La figure en buste de la veuve exprime quant à elle l’idée du souvenir. L’opposition des deux médaillons semble donc illustrer le diptyque proclamé. La flamme en haut du monument est également un symbole du souvenir. Sculptée, la flamme est ainsi éternelle et renforce cette volonté de ne pas les oublier. Cependant la figuration de la mémoire perpétuelle trouve son apogée dans la figure féminine assise au-devant du monument. La jeune femme voilée et drapée, les mains jointes, le regard triste, est « une allégorie de la France en deuil »141 [fig.76]. Avec cette sculpture ajoutée en 1925, Albert Roze marque davantage son œuvre d’une émotion. Située au-devant de la tombe symbolique des combattants, elle rappelle le monument funéraire de Pierre Gareau [fig.78]. La

Douleur, sculptée par François Milhomme, placée devant le tombeau au Cimetière du Père

Lachaise, représente l’affliction de la famille nombreuse du défunt. Même si Albert Roze figure une femme à l’expression plus sobre, il n’enlève en rien l’émotion de son œuvre. Il est également possible d’établir un parallèle avec un autre monument aux morts, celui de Saint- Florent-le-Vieil [fig.79]. Les deux mémoriaux illustrent une femme assise au-devant d’un obélisque ornée d’un médaillon représentant un soldat. Les deux figures féminines présentent la même position : assisent, la tête vers le bas, elles posent leurs mains sur leurs genoux. L’œuvre de Georges Chesnaux, inaugurée en 1922 représente une femme « méditant dans la tristesse »142. Tandis que la sculpture de Maine-et-Loire est vêtue d’un costume traditionnel, celle de la Somme appuie davantage sur l’idée du deuil par son voile. En cela, l’artiste picard opte pour une représentation intemporelle et impersonnelle. Ce choix différent est certainement dû à la fonction du monument. Si celui de Saint-Florent-le-Vieil est érigé en l’honneur des morts de la commune, celui du cimetière Saint-Acheul d’Amiens honore les soldats décédés dans les hôpitaux de la ville. Le monument de la Somme est donc une construction en souvenir des combattants de différentes régions et différents pays. Ainsi, chaque femme endeuillée peut s’identifier à la veuve de la nécropole nationale.

En représentant une jeune femme, l’artiste amiénois peut également faire référence au rôle de l’association. Durant la Grande Guerre le Souvenir Français

141 VERDIER 1999, p.88.

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« aide les familles à retrouver les corps des soldats tués et les soutient dans leurs démarches. […] En 1918, ce sont 200.000 tombes qu’il entretient tant dans les cimetières du front que dans ceux de l’intérieur. »143.

La figuration de la veuve se recueillant dans le cimetière militaire symbolise ainsi le deuil qui peut commencer grâce à l’action du Souvenir Français. Le monument aux morts de la nécropole nationale « parle sans doute plus à notre âme que les multiples représentations de soldats en armes »144.

Le monument de Saint-Valery-sur-Somme [fig.27] exploite également le thème du deuil. En dessous des deux combattants, le socle affiche l’image en bas-relief d’une femme éplorée [fig.30]. Cependant si le maire de la commune la compare à « une mère dont la douleur embellit les traits »145, elle est bien « une figure allégorique de la ville de St Valery »146. Les

armes de la commune, ciselées à côté de la femme, justifie l’interprétation donnée par le sculpteur. Vêtue d’un drapé et d’un voile – à l’image des autres figures féminines civiles rencontrées jusqu’alors – elle tient un bouquet de fleurs dans sa main, tandis que l’autre lui sert à sécher ses larmes. La sculpture théâtralise la douleur. Avec cette figure, Albert Roze revient à une représentation plus conventionnelle, mais moins touchante. L’émotion semble être davantage représentée dans le haut du monument. Le marin soutenant son camarade blessé pourrait, à l’image du monument de Préveranges [fig.80], être inspiré de l’iconographie religieuse de la piéta147.

Ce thème de la vierge de pitié à beaucoup inspiré l’artiste picard. Il est effectivement possible d’en retrouver des références dans quatre autres monuments aux morts. Ceux des églises Saint-Acceul d’Ecouen [fig.81] et Saint-Martin de Revelles [fig.82] proposent une composition semblable. Un soldat mourant – dans la même position que ceux rencontrés à Cysoing et Albert – est soutenu par une figure féminine agenouillée derrière lui. Si dans l’église du Val-d’Oise la femme présente les attributs d’une sainte, celle de Revelles paraît davantage

143 http://le-souvenir-francais.fr/notre-histoire/. 144 VERDIER, op.cit., p.88.

145 Lettre du Maire de Saint-Valery-sur-Somme de 1939. (AD(80) : KZ 2571).

146 Devis du monument aux morts de Saint-Valery-sur-Somme dressé par Albert Roze. (AD (80) : 99R 334037). 147 Claude Dupuis évoque dans son essai l’image de la Vierge de pitié et analyse les monuments de Préveranges

(Cher), Billom (Puy-de-Dôme), Mandeure (Doubs), Lamballe et Lannion (Côtes-d’Armor) comme des interprétations de ce thème iconographique. Ces derniers ne figurent que des combattants. DUPUIS 2014, n.p.

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illustrer une simple civile. Le combattant tient son fusil posé au sol et montre de l’autre main, sculpté en très faible relief, un arbre, une palme et le drapeau. Il semble indiquer à la femme éplorée qu’il faut se réjouir de son sacrifice car il a mené à la victoire. Le drapeau symbolise le pays victorieux, la palme évoque le martyr du soldat et l’arbre est l’image de la vie qui continue. La figure féminine, habillée d’une robe nouée dans le dos et coiffée d’un voile, peut autant représenter une femme en deuil qu’une infirmière. Toutefois la proximité des deux protagonistes tend vers l’émotion et semble donc représenter l’amour familial. Les deux êtres sont une dernière fois réunis. En cela, l’œuvre peut être mis en lien avec le monument aux morts de Rollot [fig.83]. Inauguré en 1926, le groupe sculpté par Albert Roze s’intitule L’Adieu148. Il représente une jeune femme debout qui semble soutenir un soldat en train de tomber. L’œuvre ne figure aucune arme, seul l’uniforme et le casque rappellent que l’homme a combattu. Les deux personnages se tiennent la main et s’embrassent [fig.84]. Le monument illustre ainsi la tendresse des époux ou de la mère et de son fils. Contrairement au bas-relief du monument de Proyart, l’œuvre d’Albert Roze semble figurer un soldat mourant. Les titres sont par ailleurs différents, si le premier est nommé Le départ, celui de Rollot s’intitule L’Adieu. Le sculpteur picard illustre ainsi le décès du soldat qui semble être davantage accepté par la présence de la figure féminine. Les monuments de Revelles et de Rollot s’inscrivent donc dans la tradition iconographique de la pietà. Ce thème correspond effectivement aux attitudes des survivants dans l’après-guerre. « Les malheurs des temps […] infléchissent la piété des fidèles vers des dévotions où domine l’idée de souffrance et de mort, comme si la méditation sur la Passion du Christ et les tortures morales de sa mère offraient un recours et une consolation »149.

Effectivement si le poilu est assimilé au Christ, la Vierge peut être comparée aux mères des soldats morts aux champs d’honneur. Ainsi de nombreux monuments aux morts dans la France réutilisent le sujet religieux de la Mater Dolora. Le monument de l’église d’Ecouen [fig.81] semble s’inscrire davantage dans cette lignée catholique. La figure féminine soutenant le soldat est effectivement vêtue de manière plus intemporelle. Elle porte une longue robe drapée et arbore une auréole au-dessus de sa tête. La Vierge Marie pleure ainsi les combattants tout comme elle a pleuré son fils. La présence d’une sainte ainsi que la palme du martyr peut évoquer la reconnaissance de l’Eglise envers le dévouement des soldats. L’épitaphe du monument « Dieu – Patrie. Aux enfants d’Ecouen morts pour la France 1914-1918. La paroisse

148 Il est ainsi nommé dans la lettre d’engagement entre la municipalité et le sculpteur, datée du 17 octobre 1925.

(AD (80) : 99R 334036).

149 Si François Souchal évoque ici l’époque de la Guerre de Cent ans, il est possible de rapprocher cette période à

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reconnaissance » semble justifier cette interprétation. Par ailleurs, ce groupe sculpté peut également s’interpréter comme la promesse du salut. En effet, la Sainte pourrait soulever le soldat comme en signe de résurrection. Albert Roze retranscrit en cela les sentiments de la paroisse et les valorise en promettant aux familles catholiques l’accès de leurs proches au paradis, au même titre que les saints martyrs.

Tout comme le bas-relief d’Ecouen, le monument aux morts d’Airaines [fig.85] fait référence à la récompense suprême du martyr. Seulement si le mémorial de l’église Saint- Acceul affiche pleinement des symboles religieux, celui d’Airaines, situé sur une place publique montre davantage l’iconographie civile. Pourtant, il semble que la composition [fig.86] s’inspire de sujets catholiques. Le combattant couché, les yeux mi-clos, semble s’éteindre doucement en acceptant son sort. Une victoire ailée vole au-dessus du soldat et lui apporte les attributs du vaillant combattant : la palme du martyr et la couronne de la victoire. Le poilu montre de son bras une scène de vie quotidienne : une fileuse et une mère au foyer. Le relief intitulé « la vision du soldat mourant »150 montre les dernières pensées des combattants pour

leur famille. Albert Roze illustre ainsi une scène émouvante, il réunit à distance les civils et les soldats dans une dernière illusion. En repensant à ceux qui l’aiment, le combattant oublie un instant les horreurs de la guerre et meurt en paix. Effectivement rien ne montre ici le contexte guerrier excepté l’uniforme et le fusil du soldat. En cela, l’artiste apaise également la douleur des familles en deuil. Physiquement il était au front, mais dans son cœur il n’a jamais quitté sa ville et ses proches. La figuration de l’église Saint-Denis et des Tours de Luynes, paysage patrimonial d’Airaines, renforce cette interprétation [fig.87].

La présence d’une famille devant une maisonnette peut également être mise en lien avec l’épitaphe du monument : « La voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau »151. Cette

dernière, tirée des Chants du Crépuscule, insiste encore sur le caractère funéraire qu’adopte le monument aux morts. La famille sculptée pourrait donc être l’illustration du peuple évoqué dans l’inscription.

Cependant, si le relief aborde une vision joyeuse du décès, il semble qu’il puise son inspiration dans l’iconographie religieuse de la déploration du Christ. Claude Dupuis dit en cela :

150 Devis rédigé par Albert Roze, 6 septembre 1922. (AD (80) : 99R 334021). 151 Victor Hugo, « Hymne », Les Chants du Crépuscule, 1835 [1831 pour le poème].

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« Les variations autour du modèle de la pietà ou de sa version plus large, celle de la déploration du Christ, témoignent de la vivacité de la ferveur religieuse dans la France du premier quart du vingtième siècle. Toutes sont basées sur la figure du soldat agonisant accompagnée d’une allégorie (Victoire, France…), d’une femme voilée, symbole du veuvage ou bien encore d’une figure ailée (ange ou Nikê). »152.

Le monument d’Airaines semble effectivement correspondre à cette description. La figure allégorique debout, en vol, contraste avec le soldat mourant, couché à terre. Cette composition en triangle rappelle effectivement les images de la pietà. Pourtant si ces dernières renvoient à la douleur terrestre, le monument d’Airaines semble davantage illustrer l’acceptation de la mort. Le combattant mourant paraît s’élever avec l’ange afin d’accéder à la récompense de son martyr : la vie éternelle. Avec ce relief, la sculpteur picard répond ainsi à la demande de la municipalité « d’élever d’un monument digne du sacrifice par les enfants d’Airaines morts pour la Patrie »153.

Le monument aux morts de la paroisse Saint-Vulfran d’Abbeville [fig.88] est également attribué à Albert Roze154. Il s’agit de l’unique mémorial de son corpus utilisant le thème religieux de la vierge de pitié de façon manifeste. Selon le catalogue édité par les imprimeries Yvert155, le sujet est imposé à l’artiste par l’architecte des monuments historiques, Henry Moreaux. Albert Roze qui a déjà traité ce thème dans la Basilique d’Albert connaît parfaitement les enjeux de cette représentation pour un monument aux morts. L’œuvre de la basilique [fig.89] placée dans la chapelle des morts s’accorde effectivement avec son emplacement. Mais pour le monument de la paroisse d’Abbeville l’artiste va plus loin. Si dans son œuvre d’Albert daté de 1899 il s’inspire déjà de la Pietà de Michel-Ange [fig.90], pour celle d’Abbeville, il en propose une copie. La sculpture de la Basilique Saint-Pierre de Rome semble avoir fasciné l’artiste picard. Ayant séjourné dans la ville éternelle durant deux ans pour parfaire sa formation, il est fort probable que le sculpteur en apprentissage ait observé cette œuvre déjà célèbre. De surcroît, en tant que professeur d’histoire de l’art, l’artiste connaît parfaitement l’œuvre du Vatican. Ainsi il sculpte fidèlement la pietà tout en changeant l’expression de la Vierge. Albert Roze adapte l’œuvre à son temps et à son propre style. En copiant le groupe de Michel-Ange, l’artiste

152 DUPUIS 2014, n.p.

153 Délibération du Conseil Municipal, 20 juin 1919. (AD (80) : 99R 334021).

154 Le catalogue édité en 1946 référencie cette œuvre comme étant de la main de l’artiste. En nous reposant sur

cette unique source ainsi que sur des critères esthétiques nous suggérons possible cette attribution. [S.A.] 1946, p.13.

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picard montre davantage l’acceptation de la mort que la souffrance. En supprimant toutes références à la guerre le monument aux morts ne révèle que son caractère funéraire et devient certainement moins douloureux. Les familles en deuil retiennent ainsi plus aisément le salut promis à leurs proches.

Dans les années vingt, la loi de 1905 est encore récente et les français sont encore nombreux à pratiquer le catholicisme. Albert Roze, faisant partie de ces fervents religieux, retranscrit dans ses œuvres son bagage culturel. Ainsi l’iconographie de la pietà et de la déploration du Christ apparaissent de manière moderne dans ses monuments aux morts. Parfois laïques et d’autrefois ostentatoires ces vierges du XXe siècle tentent d’apaiser les souffrances des familles endeuillées.

2. La mise au tombeau

Les monuments aux morts de la Cathédrale d’Amiens [fig.49] et de Friville-Escarbotin- Belloy [fig.69] adoptent une forme similaire. On remarque une composition équilibrée de part et d’autre d’un soldat gisant enveloppé du drapeau. Cependant, si les deux s’inspirent fortement du thème sacré de la mise au tombeau, l’un se trouve dans un espace religieux l’autre dans la sphère publique. Cette différence influence profondément l’utilisation de symboles particuliers.

Le monument dédié aux combattants de la paroisse Notre-Dame d’Amiens présente effectivement des signes religieux comme la croix portée au coup de la pleureuse à droite [fig.70], le geste de la prière effectué par la femme de gauche ainsi que l’apparition d’une sainte au-dessus du soldat gisant. Albert Roze tente ici de moderniser ce thème en le simplifiant. Il convoque quatre personnages organisés en groupes de part et d’autre du combattant et y ajoute