• Aucun résultat trouvé

Pourquoi utiliser la chanson dans une classe de FLE ?

2 La chanson en tant que document élargissant les pratiques pédagogiques

2.2 Sur le plan didactique

Un enseignant désirant introduire la chanson en cours de langue s’interrogera sur ses qualités « exploitables » en classe. S’il garde à l’esprit que ce document authentique n’a pas été créé à des fins pédagogiques, il pourra disposer d’un support très souple, un outil qui s’adapte aux divers aspects de l’enseignement d’une langue étrangère. Nous passerons donc en revue quelques-unes de ces caractéristiques qui nous semblent importantes dans le contexte du FLE. Nous déclinerons cette description en trois temps : la chanson et la mémorisation, la chanson et la communication, et enfin, la chanson au croisement de la langue et de la culture.

2.2.1 La chanson et la mémorisation

La musique peut nous aider car elle active de nombreuses structures cérébrales, notamment l’hippocampe

et les structures limbiques impliquées dans la mémoire et se grave dans le cerveau avec une prodigieuse facilité. […] [Elle] n’est pas qu’un son, mais aussi un stimulus sonore complexe qui fait travailler de concert de nombreuses régions du cerveau. (Bekker, 2008 : 17)

La chanson c’est de la mélodie, des paroles, du texte, des images. Avec ses strophes ou ses refrains, c’est aussi une structure régulière, qui met en scène les répétitions de mélodie et de paroles. En conséquence, la forme et le contenu rendent attractives les chansons, de manière sonore et visuelle, attirant de ce fait l’attention de ceux qui les écoutent et les regardent. La perception de textes chantés, mis en images, stimulerait différentes parties du cerveau, activé en plusieurs zones. Cette écoute « active », « […] faciliterait l’accumulation et l’intégration définitive d’un nombre conséquent d’informations. » (Pasquelin. 2013 : 62) Généralement, l’apprenant assimile plus facilement mots, phrases, expressions ou structures entendus dans une chanson. Par surcroît, les répétitions, le retour régulier du refrain et la mélodie vont concourir à ancrer ces éléments dans la mémoire à long terme. L’envie d’apprendre croîtra chez les participants, lorsqu’ils se rendront compte qu’ils pratiquent spontanément certaines de ces formes et que leur apprentissage, grâce à la chanson, peut devenir une partie de plaisir.

2.2.2 La chanson et la communication : les quatre compétences langagières

La chanson […] se présente d’emblée comme un document authentique optimal, dans la mesure où, tout

en inscrivant la langue dans un cadre actuel et vivant, elle appelle à la mobilisation de plusieurs sens et

s’avère tout indiquée pour l’exploitation des quatre principales compétences langagières. (Paradis &

44

L’approche communicative recentre l’enseignement sur l’apprenant, sur ses intérêts et ses besoins. Elle se donne comme objectif principal l’apprentissage de la communication et l’acquisition par l’apprenant de la compétence de communication, car « c’est en communiquant qu’on apprend à communiquer » (Robert & al, 2011 : 91). Il existe différentes façons de décrire cette dernière compétence. Bérard en propose cinq composantes : linguistique, sociolinguistique, discursive, référentielle, stratégique. (Bekker, 2008 : 11). Le Cadre (CECRL) parle de compétences langagières : compréhension orale, compréhension écrite, expression/interaction orale, expression/interaction écrite.

En fonction des objectifs visés, l’enseignant présentera la chanson sous sa forme sonore, textuelle et/ou visuelle. Lorsque la chanson constitue le seul document central d’une séquence didactique, toutes les activités proposées sont articulées autour de ce support. Dans cette situation, nous trouvons, chez différents auteurs, des étapes qui sont plus ou moins similaires30. Le but ultime de chacune de ces démarches pédagogiques est d’amener les apprenants à communiquer dans la langue entendue lors de l’exploitation de chansons. Or, selon la logique actionnelle, il faut joindre à la communication langagière des actions sociales, afin de devenir un acteur et usager social. Pour cette raison, dans le cadre de notre travail, nous allons combiner la communication et l’action en proposant une « perspective communic’actionnelle » (terme de Bourguignon). Selon cette logique, la chanson sert de point de départ pour différentes activités et/ou tâches, et n’est exploitée que de façon intermédiaire, comme le dit aussi Bekker : « La chanson n’est pas un document isolé mais s’insère dans l’étude d’autres documents, dans la progression d’un cours [et/ou d’un projet] ».

En résumé, nous pouvons dire que la chanson s’avère un excellent moyen de combiner les activités de compréhension et de production, « qui ne cessent en réalité de coexister » activités proposées dans le but de favoriser la communication. (Paradis & Vercollier, 2010 [en ligne]) L’enseignant veillera toutefois à

[…] laisser un espace suffisant à l’expression individuelle […] [et créatrice de l’apprenant]. Les apprenants ont [aussi] besoin d’être placés dans des conditions de première écoute proches de l’authenticité, sans que les enjeux d’apprentissage ne soient d’emblée prioritaires. (Rassart, 2008 : 4-5)

2.2.3 La chanson au croisement de la langue et de la culture

Il est vrai que communiquer ne signifie pas seulement comprendre et savoir utiliser les structures lexicales et grammaticales. Il est également essentiel de comprendre les attitudes, les systèmes de valeurs, les points de vue de ses interlocuteurs en se référant au contexte culturel de ces derniers. (Windmüller, 2011 : 9)

30Rassart (2008) parle d’« une valse à trois temps » et distingue trois étapes suivantes : découverte, compréhension et expression.

Paradis et Vercollier (2010 [en ligne]), quant à elles, proposent d’exploiter la chanson selon le modèle en six temps : mise en route,

compréhension orale, compréhension écrite, expression orale, expression écrite, pour aller plus loin. Cette dernière est proche de

l’exemple donné par Boiron du Cavilam (2005) qui distingue : mise en route, découverte de la chanson, avec les paroles, créativité

(expression orale et écrite) et pour aller plus loin. Ainsi que Lenoble (2009) qui reprend les mêmes étapes que le Cavilam en les nommant différemment : sensibilisation, compréhension, expression personnelle, création, prolongement.

45

Parler une langue, ce n’est pas uniquement manier correctement les éléments linguistiques, mais aussi y intégrer des composantes socioculturelles puisque, plusieurs auteurs le diront, la langue et la culture sont indéniablement liés (Courtillon, Boiron, Windmüller, Bekker).

Apprendre une langue, c’est donc intégrer la culture de cette langue, c’est s’ouvrir à des expériences culturelles nouvelles (CECRL), car « La langue est un moyen d’apprentissage qui tend vers […] la communication avec les membres d’une culture étrangère. » (Windmüller, 2011 : 23)

La chanson est définie par Barreiro « […] comme l’un des éléments de la personnalité collective française […] » (Dumont, 1998 : 58). Le recours à ce document authentique en classe permettra par conséquent, d’introduire l’image d’une langue vivante qui, lieu de découverte d’un univers culturel et linguistique différent de celui de la culture d’origine de l’apprenant (Boiron, 2005). Ce sera également l’occasion d’amener les apprenants à développer leur « conscience interculturelle31

» qui pourra les aider à surpasser les obstacles à la communication interculturelle. Ces obstacles se situent essentiellement au niveau cognitif (manque de connaissance des autres cultures, absence de prise de conscience de la relativité culturelle) et au niveau affectif (peur de l’autre, subjectivité, stéréotypes, refus de la différence). En définitive, la chanson, de par son universalité, « […] peut être un outil qui aide à surmonter ces obstacles […] [et] dans lequel ils [les apprenants] peuvent se reconnaître, ne serait-ce qu’au niveau musical [puisque] c’est une expression culturelle proches des étudiants » (Bekker, 2008 : 20).