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La chanson en tant que document mal perçu

Pourquoi utiliser la chanson dans une classe de FLE ?

3. La chanson en tant que document mal perçu

Nous venons de présenter les apports bénéfiques de l’introduction de la chanson en classe de langue que ce soit sur le plan linguistique, didactique ou actionnel. Ce document d’une extrême richesse représente en effet plusieurs atouts pour les pratiques pédagogiques de l’enseignant de FLE. Cependant, il n’est pas toujours aisé d’approcher la chanson tant pour les enseignants que pour les apprenants. Nous nous interrogerons maintenant sur les obstacles qui pourraient décourager certains enseignants ou apprenants réticents face aux productions musicales proposées en classe.

3.1. Les réticences des enseignants

Plusieurs enseignants évoquent le manque du temps comme l’une des raisons principales pour ne pas pouvoir introduire la chanson dans leurs cours de langue. Souvent obligés de suivre le programme imposé par l’école et ses contraintes, ils ne disposent pas de plages horaires libres pour exploiter des documents supplémentaires. Conscients des apports positifs de cet outil pédagogique, les enseignants sont aussi réalistes quand ils disent que c’est un travail sans fin qui « […] demande, de la part de l’enseignant, un travail de préparation considérable, sans compter […] qu’il sera nécessairement conduit à ``remplacer ses documents fréquemment par des nouveaux plus récents``. » (Boiron & Hourbette cités par Pasquelin, 2013 : 72) De plus, il n’est pas toujours évident de pénétrer dans le monde de la chanson et tout ce qu’il représente, d’une part, à cause de ses ressources infinies et d’autre part, pour le contenu qui s’y trouve. C’est pourquoi,

On comprendra le sentiment d’insécurité ressenti par les enseignants qui, après n’avoir prévu que les aspects divertissants de la chanson en FLE/FLS, se trouvent confrontés au dur labeur d’enseigner cette compétence constituée de connivences implicites, d’imaginaires collectifs où s’imbriquent mentalités,

croyances, valeurs, visions du monde, préjugés, mythes, idéologies ou stéréotypes. (Paradis & Vercollier, 2010 [en ligne])

En outre, l’enseignant doit opérer des choix musicaux. Va-t-il chercher à satisfaire ses goûts ou les besoins pédagogiques de son cours, au risque de désintéresser les participants ? Nous savons pourtant que c’est en réponse aux intérêts et aux attentes de l’apprenant que s’opèrent le cours et l’attitude de l’enseignant. Par conséquent, ce dernier se verra parfois contraint à travailler à partir de chansons qui ne correspondent pas à ses habitudes musicales.

En somme, pour recourir à la chanson, comme à tout autre outil, l’enseignant doit être prêt à bousculer ses habitudes, professionnelles et parfois personnelles, à innover et à varier ses supports, à se

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Cf. Volume 2 : De la chanson à l’action. Livret Enseignant : fiche de l’action n°4, pp78-79.

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remettre en question et à rechercher constamment la satisfaction et la motivation de ses étudiants pour que l’enseignement donne envie.

3.2. Les obstacles pour les apprenants

Proposer aux apprenants de travailler sur un document authentique, c’est les exposer à un « texte » qui n’est pas toujours facile à saisir au premier abord. Pour qu’il reste authentique et pas pédagogique, il est présenté dans son état original, alors il « […] montre la richesse et la pluralité des voix francophones dans des contextes d’usage […] » différents (Aslim-Yetis, 2010 : 3), exercice qui peut parfois déstabiliser certains étudiants. Confrontés plutôt au français standard contenu dans la majorité des manuels de FLE, les apprenants n’ont pas l’habitude de cette richesse de la langue française. Par conséquent, ils peuvent aussi se montrer réticents par rapport aux chansons. Dans ces conditions, c’est seulement par leur usage régulier en classe qu’on peut permettre de « […] faire gagner de la pratique, d’initier les apprenants à ce type de document, de réduire leur peur de ne pas comprendre et d’entraîner à la maîtrise des différents aspects de la langue. » (Ibid., p. 10)

Il reste toutefois le côté musical de la chanson qui n’est pas négligeable non plus. Une classe est composée non seulement d’individus différents aux goûts musicaux variés, mais aussi de leurs attentes parfois divergentes. Nous trouverons toujours des personnes qui n’aimeront pas certains styles de musique et n’éprouveront aucun plaisir à effectuer des activités s’y rapportant. D’autres, en revanche, apprécieront les morceaux proposés, mais n’auront aucune envie de « décortiquer » leurs chansons préférées ; ces dernières étant premièrement destinées à être écoutées.

Dans ces conditions, ce sera à l’enseignant d’être à l’écoute de ses étudiants et de se montrer ouvert, flexible, innovant afin que tout le monde puisse y trouver son compte et surtout du plaisir. Lorsque les apprenants se verront entendus, compris et respectés dans leurs différences, ils s’investiront plus facilement dans cet échange mutuel que représente l’espace scolaire et seront aussi mieux « armés » pour explorer le monde réel en y participant activement.

4. Synthèse

Malgré les inconvénients et les obstacles que les protagonistes d’une classe de FLE peuvent rencontrer lors de l’utilisation de la chanson dans ce cadre, il semble que le recours à ce document varié et authentique trouve un bon terrain d’exploitation pour plusieurs raisons :

 La chanson, c’est un véritable document authentique, à la fois musical et textuel, qui a déjà sa place en cours de FLE.

 La chanson, où la langue est inséparable de la culture, favorise à la fois l’introduction du français authentique et la découverte de l’état et de l’évolution de la société française. Ainsi, elle fait aussi évoluer les représentations des élèves sur la culture francophone.

 Elle est accessible sur différents supports qui continuent à être modernisés et, par là, à offrir des accès variés à la langue cible, et des pratiques pédagogiques innovantes.

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 Elle peut plaire, distraire, capter l’attention des apprenants, les motiver en contribuant positivement à la vision de la langue en cours d’apprentissage ainsi qu’à la mise en place de nouvelles stratégies développées en classe et réinvesties dans la vie de tous les jours.

 Les éléments qui la composent (musique, paroles, instruments, voix, interprétation, etc.) offrent différentes entrées possibles à ce document (lexicale, grammaticale, culturelle, communicationnelle, actionnelle).

 Selon le plan actionnel, une chanson bien sélectionnée, proposée au moment adéquat et aux personnes concernées, pourra favoriser une communication fructueuse et une meilleure compréhension, puisqu’elle suscitera une coopération active entre ses apprenants ainsi qu’avec Autrui.

Après avoir décrit les caractéristiques de la chanson et après avoir énuméré ses apports bénéfiques pour une classe de FLE, désormais, nous nous pencherons, plus en détail, sur ses possibilités d’exploitation dans le but de susciter des actions de type scolaire et social. C’est cette articulation entre la chanson et l’action ainsi que leur portée qui constitueront le centre de nos réflexions dans le chapitre suivant.

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Chapitre 5