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et l’action selon la perspective actionnelle ?

2 Place de la chanson dans la perspective actionnelle

2.2 Sur le plan communic’actionnel

L’action se trouve à l’origine du processus en tant que cadre et moteur de l’apprentissage ; l’apprentissage

a en même temps pour finalité de produire des acteurs capables d’utiliser la langue dans divers contextes

sociaux en dehors de la classe. […] La tâche orientée vers un but social constitue […] [le] moteur de l’appropriation langagière en ce qu’elle amène l’apprenant à mobiliser des compétences langagières afin d’atteindre ce but. La communication verbale s’inscrit comme moyen dans une action sociale. (Griggs,

2009 : 81)

Nous trouvons dans ce passage de Griggs, un résumé de l’approche communic’actionnelle qui révèle le lien étroit entre la communication et l’action. Qu’elle soit verbale ou pas (par exemple, hochement de la tête), toute action passe par la communication. Bourguignon propose un schéma comprenant les différentes étapes qui passent de l’apprentissage d’une langue à son usage effectif. Elle y distingue différents types d’activités, en partant des exercices réalisés autour de la langue (les « sous- tâches »), passant par des tâches simples visant le développement des capacités (les « tâches communicatives ») et se terminant par des tâches complexes qui « […] intègre[nt] plusieurs tâches communicatives, donc plusieurs capacités langagières en vue d’atteindre un objectif non langagier. » (Ibid., 2010 : 27) Nous reproduisant le schéma tel que Bourguignon le propose.

Schéma n° 3 : Les différentes étapes pour accéder à la compétence (Bourguignon, 2010 : 28)

Qu’en est-il de l’exploitation de la chanson selon ce type de tâche ? En créant notre cours optionnel en accord avec la perspective actionnelle, nous avons cherché à introduire les sélections musicales de sorte à les utiliser comme un support aux échanges entre les apprenants. Cependant, pour que la communication se réalise au cours des actions ou débouche sur celles-ci, il est nécessaire d’aller au-delà de l’aspect communicatif. C’est pourquoi, nous avons choisi d’ajouter une visée actionnelle à la communication. Cette entreprise n’a bien sûr pas été faisable pour toutes les tâches, c’est pourquoi nous proposons de distinguer des tâches communicatives des tâches communic’actionnelles en précisant que

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les deux restent fortement imbriquées les unes dans les autres, comme le décrit aussi le passage ci- dessous.

Une tâche se situerait ainsi sur un axe entre un pôle authentique et un pôle pédagogique selon qu’elle se rapproche d’une pratique langagière relevant du monde extérieur de la classe (simulations, projets qui sortent du cadre scolaire) ou qu’elle permet simplement aux élèves de développer les compétences

nécessaires pour fonctionner dans des situations communicatives du monde extérieur (jeux communicatifs axés sur le principe de déficit d’informations, jeux de rôle focalisés sur des formes

d’usage sociolinguistique. (Griggs, 2009 : 83)

Nous parlerons par conséquent des tâches communicatives pédagogiques, lorsqu’elles se déroulent dans le cadre scolaire et des tâches communic’actionnelle lorsqu’elles sont prolongées au-delà de celui- ci. Partant de cette distinction, nous présenterons, en premier lieu, les deux catégories de tâches et en deuxième lieu, nous en donnerons des exemples concrets tirés du cours que nous avons créée.

2.2.1 Les « tâches communicatives pédagogiques »

Robert & al. (2011 : 147-148) définissent les tâches communicatives pédagogiques comme celles qui « […] permettent à l’apprenant d’acquérir plus de savoir-faire que de connaissances […] ». Ils précisent également le rôle de l’enseignant qui consistera à « […] aider l’élève à se doter de stratégies qu’il met en œuvre quand il écoute et parle, quand il lit et écrit, quand il traduit à l’oral et à l’écrit […] ». Ces tâches, réalisées dans le cadre scolaire, répondent aux objectifs didactiques de l’enseignant et sont évaluées tant sur le fond que sur la forme. Lorsque les apprenants accomplissent une tâche, ils sont donc confrontés à la fois à sa dimension communicative et didactique puisque derrière chaque activité communicative se cache un objectif d’apprentissage. En outre, opérant dans une langue en cours d’apprentissage, ils vont focaliser leur attention sur les moyens linguistiques. Par conséquent, nous dirons avec Griggs (2009 : 83) que « […] le rôle des tâches communicatives consiste à fournir un cadre interactionnel permettant à l’apprenant de construire des compétences langagières adaptées à des situations de communication authentique. »

2.2.2 Les « tâches communic’actionnelles »

Pour Bourguignon (2010 : 23-24), la démarche communic’actionnelle constitue une véritable approche par compétences comme le préconise le CECRL. L’entrée dans l’apprentissage se fait par l’action et non par le thème, puisque « […] le développement des capacités à communiquer est toujours un objectif majeur ; simplement, il se fait à travers des tâches communicatives qui sont au service de la réussite d’une tâche qui met l’apprenant en action. » (2010 : 38) En outre, une tâche communic’actionnelle envisage l’apprentissage comme un processus qui mène vers un niveau de compétence. Le but de ce type de tâche est d’amener les élèves, à travers les activités de production, à mobiliser les connaissances qui ont fait l’objet, à chaque étape, d’un apprentissage dans le cadre de la restitution d’informations. En accomplissant ce genre de tâches, les apprenants vont développer des stratégies d’action, c’est-à-dire vont devoir faire des choix pertinents, mobiliser les connaissances

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nécessaires, qui ne seront pas fournies, mais activées, voire développées au cours de leur réalisation. Devenus ainsi apprenants-usagers d’une langue, ils « […] développer[ont] une capacité à communiquer en la mettant au service de la réussite d’une tâche […] » (Ibid., 49) En somme,

L’apprentissage de la langue a non seulement toute sa place dans la démarche communi’actionnelle, mais en plus elle est au cœur de cette démarche. C’est , en effet, en entrant dans l’apprentissage par l’action et en lui rendant du sens que l’élève comprendra POURQUOI il a besoin d’avoir des connaissances et que

ces connaissances feront sens elles aussi. (Bourguignon, 2010 : 49)

A ce stade de mon analyse, naturellement viennent les questions suivantes : quelles tâches communic’actionnelles pourrons-nous proposer afin de générer des actions à partir des chansons ? Est- ce réalisable de manière ponctuelle ou pérenne ? Quelles connaissances, capacités et compétences les apprenants vont-ils devoir mobiliser en réalisant ce type de tâches ? Pour essayer de trouver les réponses à ces interrogations, nous nous référerons aux exemples de tâches que nous avons proposés lors de notre stage. Nous avons introduit neuf tâches intermédiaires et une tâche transversale qui, toutes, comprenant des exercices et des activités réclamant d’une part, la mobilisation de connaissances et de capacités langagières et d’autre part, le développement de compétences et la mise en place de stratégies44

, car « L’action est stratégie. La stratégie est indispensable pour une bonne action. […] et permet de faire des choix et des choix pertinents par rapport à la tâche à accomplir. La stratégie est liée au traitement de la connaissance. » (Bourguigonon, 2010 : 21)

A l’intérieur de chacune de ces tâches, nous avons proposé une ou plusieurs chansons qui en tant que « texte » « […] n’est pas au cœur de l’apprentissage. […] [mais] au service de la tâche. » (Ibid., 39) Utilisées dans les activités de réception, les chansons seront pourvoyeuses d’informations pour la tâche, et utilisées dans les activités de production, elles permettront de rendre compte de la tâche réalisée. Il va de même pour le thème des chansons qui « […] est toujours présent mais il sert de toile de fond à la tâche. » car on le découvre à travers la réalisation d’une tâche et non pas en en parlant (Idem.). Pour illustrer nos propos, nous présenterons ci-dessous, l’exploitation d’une chanson lors d’une des neuf séquences. Elle comporte les étapes successives qui permettent d’abord d’introduire les apprenants dans le thème de la chanson (étape 2), ensuite de découvrir le but de la chanson (invitation) et de préparer la liste de leurs invités pour le festival ainsi que le texte pour les cartons d’invitation (étape 3). L’enseignant met à leur disposition des liens d’accès aux aides linguistiques comportant des modèles de textes et de cartes d’invitation. Enfin, en travail de sous-groupes effectué à l’extérieur de la classe, les participants sont invités à réaliser (créer et imprimer) leur cartons d’invitation (étape 4). Lors du cours suivant, le groupe-classe comparera toutes les propositions, les appréciera et choisira celle qui sera

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Bourguignon fait une distinction claire entre les termes suivants : connaissance, capacité, compétence, stratégie. La connaissance est liée au code linguistique, au savoir linguistique ; il s’agit de la grammaire, des connaissances culturelles, littéraires liées à une thématique. La capacité est liée au savoir-faire et se définit en terme de « être capable de… » ; par exemple, les activités de réception et de production font appel à des capacités. La compétence est liée au degré d’autonomiedans l’action et elle dépend de l’aptitude à

utiliser la langue d’une manière plus ou moins autonome ; il s’agit de pouvoir mobiliser de façon pertinente les connaissances de la

langue et de savoir-faire langagiers de base. La stratégie ne s’apprend pas, elle se construit, elle se développe en confrontant

l’apprenant à des tâches qui l’obligent à effectuer des choix au travers des contraintes imposées, comme lors d’une action sociale ; c’est entrant dans l’apprentissage par la stratégie que l’on bascule d’une approche communicative à une logique actionnelle et qu’on parle d’apprenants-usagers de la langue et plus seulement d’apprenants.

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envoyée aux invités qu’ils auront choisis. C’est lors de ces échanges d’appréciation que la réussite de la tâche réalisée est évaluée à la fois par le groupe et par l’enseignant, ainsi que par les invités lorsqu’ils viendront remercier pour l’invitation.

Exemple d’exploitation d’une chanson

Séquence 8 Inviter quelqu’un : Qui inviter au festival et quelle invitation préparer ?45 Etape 2 Venez !

Les apprenants vont d’abord écouter (en audio) la chanson Je t’emmène au vent de Louise Attaque pour décrire le

style de musique, le rythme et le caractère de la chanson.

Etant donné les paroles faciles et les nombreuses répétitions, ils pourront aussi trouver le thème et essayer de

s’imaginer le vidéo-clip de cette chanson. Ils regarderont ensuite le vidéo-clip original et confronteront leurs hypothèses. Pour mieux s’approprier les paroles, on propose aux apprenants de chanter la chanson soit avec le clip

sous-titré, soit en audio avec le texte affiché. Etape 3 Nous vous invitons !

Comme les paroles de la chanson constituent une invitation que le chanteur fait à une fille, les apprenants seront à

leur tour invités à faire une liste d’invités pour le festival de la chanson (en groupe-classe) et à concevoir un texte pour les cartons d’invitation à cet événement (en sous-groupes). Dans les aides linguistiques proposées par l’enseignant, ils trouveront des modèles de textes et de cartons d’invitation.

Etape 4 A l’action ! (réalisée à l’extérieur de la classe)

Les apprenants créent leurs cartes d’invitation et les impriment (en sous-groupes).

Lors du cours suivant, chaque groupe présentera sa carte d’invitation. Elles seront comparées et appréciées par

tout le groupe qui ensuite choisira ensemble celle qu’ils trouveront la meilleure. Enfin, ils décideront du jour de

l’envoi.

Dans cet exemple, la chanson est utilisée lors de la phase de réception où il s’agit de chercher des informations pertinentes (invitation, de la part de qui, pour qui, comment, etc.) pour la suite de la tâche. Avant de passer à la phase de production, il faut recourir à des aides linguistiques pour y trouver des modèles concrets de cartons d’invitation. Dans ce cas, la chanson sert de document déclencheur pour la phase de réception. Nous donnerons maintenant un autre exemple de tâche, dans laquelle la chanson sert de source d’inspiration pour une activité de production.

Exemple d’utilisation de chanson pour une phase de production.

Séquence 7 Promouvoir un événement et une région : Comment faire de la publicité pour notre festival et pour

notre région ?46

Etape 2 Promouvoir notre festival

Les apprenants discutent et réfléchissent d’abord sur les différentes formes textuelles (en plus de l’affiche et du

blog) pour faire de la publicité pour le festival. Ensuite, ils cherchent des endroits stratégiques pour poster les documents publicitaires.

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Cf. Volume 2 : De la chanson à l’action. Livret Enseignant : fiche de l’action n°8, p145.

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Etape 3 : Promouvoir notre région

Cette étape est réalisée en deux temps. Premièrement, les apprenants résument brièvement l’histoire des Champs-

Elysées et de Collonges-sous-Salève47. Deuxièmement, ils regardent (sans le son) le clip de Joe Dassin Les

Champs-Elysées et énumèrent différentes activités à y faire et différents lieux à visiter. Ensuite, ils écoutent la

chanson et résument ses paroles en regardant les images d’un autre vidéo-clip. Enfin, ils chantent la chanson en karaoké. Le but de cette étape consiste à préparer un tableau comparatif pour les Champs-Elysées et Collonges- sous-Salève en y insérant des informations pertinentes.

Etape 4 : A l’action48 ! (réalisée à l’extérieur de la classe)

Les étudiants vont composer une chanson publicitaire pour Collonges. Pour ce faire, ils vont d’abord lire les paroles d’une chanson composées par des étudiants de l’I.fle (Cf. Livret Enseignant, Séquence 7, Annexe 7.2) qui

ont voulu faire de la promotion pour les cours de français sur le campus de Collonges. Ensuite, ils composent une

chanson sur l’air de la chanson de Joe Dassin en l’adaptant au contexte collongeois et en y faisant référence au

festival. Enfin, ils choisissent un moyen d’enregistrement (mp3, téléphone portable…), décident de la présentation (images, mini-vidéo…) et postent leur chanson sur le blog du festival.

Ces deux exemples comportent des tâches de communication et des tâches communic’actionnelles, ces dernières bien sûr emboîtant la communication et l’action, qui permettent aux participants de devenir de vrais apprenants-usagers. Ce sont les actions finales de chacune de ces tâches qui constituent le cœur de la perspective communic’actionnelle, car le message (inviter quelqu’un ou promouvoir une région) est transmis lors des actions effectives, comme envoi des invitations, remerciements des invités, leur participation au festival, enregistrement de la chanson, son édition sur le blog, son interprétation au festival.