• Aucun résultat trouvé

et l’action selon la perspective actionnelle ?

1. R apports possibles entre la chanson et l’action

1.2. Dans la classe de FLE

Dans le chapitre précédent, nous avons déjà commencé à esquisser un rapport possible entre la chanson et l’action au sein de la classe. Nous avons alors soutenu l’idée qu’une exploitation réfléchie, adaptée et justifiée de ce document (‘’une bonne chanson au bon moment pour le bon niveau’’) pourrait donner lieu à la mise en place d’actions dont la réalisation se ferait soit en classe soit en dehors de ce contexte. Avant de développer ce plan plus en détail, nous trouvons important de préciser les notions d’action et de tâche qui se trouvent au cœur des actions pédagogiques de la perspective actionnelle.

1.2.1 Les actions pédagogiques : notions d’« action » et de « tâche »

Les actions pédagogiques réfléchies, intentionnelles et préparées, ont forcément lieu dans un cadre institutionnalisé. Elles seront donc opposées à celles qui se déroulent de manière spontanée dans la vie de tous les jours. Toutefois, dans ces deux cadres à priori très différents, sont exécutées des tâches et des activités/actions variées, ce qui « […] suppose la mise en œuvre stratégique de compétences données, afin de mener à bien un ensemble d’actions finalisées dans un certain domaine avec un but défini et un produit particulier. » (CECRL, 2005 : 121) Les tâches se réalisent grâce à la communication, verbale ou non, entraînant de la part des participants la mobilisation de compétences différentes : interaction, réception, production, compréhension ou médiation. Pour les besoins d’apprentissage, les tâches « proches de la vie réelle » ont fait leur entrée en classe et sont choisies en fonction des besoins de l’apprenant hors de la classe. En même temps, nous trouvons, dans ce milieu, des tâches de nature plus spécifiquement « pédagogiques » qui, elles, « sont fondées sur la nature sociale et interactive « réelle » et le caractère immédiat de la situation de classe. Les apprenants s’y engagent dans un faire-semblant accepté volontairement pour jouer le jeu de l’utilisation de la langue cible dans des activités centrées sur l’accès au sens » (Idem.)

Selon Bourguignon (2010 : 16), « La perspective actionnelle c’est inscrire l’acte de parole dans le cadre d’actions à travers l’accomplissement de tâches qui ne sont pas seulement langagières ». Il se pose alors pour nous la question de définition de ces deux termes-clés : « action » et « tâche ». Ce même auteur, faisant référence aux orientations du CECRL, définit une action comme un processus, car « en train de se faire », et l’oppose à une « action accomplie » qui est considérée comme résultat. Bronckart (cité par Bourguignon, 2010 : 16) précisera que « L’action comporte un sens de départ identifié par l’acteur. » et que les contraintes de l’environnement peuvent la modifier. Il mentionne également un décalage possible entre les intentions de l’acteur et la réussite de l’action. Ainsi pourrons-nous résumer l’action comme « […] un processus visant à mettre en relation l’intention de celui qui agit et la réussite de cette action. » (Ibid., p17)

57

Pour ce qui est de la notion de « tâche38 », Beacco (2010 : 62) souligne qu’une tâche est un terme générique qui peut à la fois placer un apprenant en tant qu’utilisateur de la langue ou en tant qu’apprenant. Dans le premier cas, l’apprenant est amené à réaliser une tâche pour laquelle il est outillé linguistiquement alors que dans la deuxième situation, il est impliqué dans une tâche qui donne lieu à un apprentissage. « Tâche est ainsi une catégorie large, pertinente pour décrire toute forme d’organisation de l’enseignement. » (Idem.) Bourguignon précise qu’une tâche « […] sert à mettre l’apprenant en action, à le mettre dans l’action [et] doit permettre de rendre l’apprenant autonome en tant qu’utilisateur de la langue. » (2010 : 19) L’auteure insiste aussi sur l’importance pour l’apprenant de comprendre « […] quelle est sa « mission », quel objectif il doit atteindre et donc quelles connaissances et capacités il devra construire. » afin de devenir responsable de son apprentissage (Idem., 19). Contrairement à l’approche communicative qui comprenait les tâches communicatives comme activités permettant d’accumuler un maximum de connaissances sur un thème, ici, l’auteur, adepte de la perspective actionnelle, voit les tâches communicatives comme des activités qui permettent d’avancer dans l’accomplissement de la mission. Cette approche distingue par conséquent les tâches communicatives de

réception et d’interaction et les tâches communicatives de production. Les premières fournissent des informations pertinentes en lien avec l’objectif à atteindre et les secondes permettent de rendre compte du degré de réussite de la mission (Bourguignon, 2010 : 20).

Griggs (2011), inspiré par le Cadre39, propose une autre nomenclature pour parler des tâches : des tâches « pédagogiques » (ou d’apprentissage) et des tâches « authentiques » (ou d’usage). Les premières permettent simplement de développer les compétences nécessaires pour fonctionner dans des situations communicatives, par exemple, les jeux de rôles. Parmi celles-ci, nous distinguons les tâches de pré- communication pédagogiques des tâches pédagogiques communicatives. Les tâches « authentiques » sont les tâches cibles « proches de la vie » dont les pratiques langagières relevant du monde extérieur (simulations, projets) sont choisies en fonction des besoins de l’étudiant, hors de la classe, dans différents domaines.

Enfin Beacco (2010 : 63-65), différencie les macro-tâches des micro-tâches. Une macro-tâche, toujours ouverte, est une tâche dont la finalité « est de réaliser, au moyen de tâches collectives et individuelles, organisées et synergiques » un produit concret (projet, action principale, mission). Les micro-tâches (ou pseudo-tâches) concernent des activités fermées, des aides linguistiques, qui constituent plutôt un entraînement, avec des exercices formels, et qui cherchent à travailler plutôt la forme que le contenu.

38Long, Norris et Nunan ont développé l’approche par tâche de l’enseignement, dite Task Based Langage Teaching, déjà dans les

années 1980. Celle-ci est fondée sur des analyses de besoins langagiers et a été largement reprise dans l’approche communicative.

39

Les auteurs du Cadre distinguent les tâches authentiques des tâches pédagogiques et ajoutent encore un autre type de tâche, à savoir des tâches intermédiaires « méta-communicative » qui se rapportent aux « échanges autour de la mise en œuvre de la tâche et de la langue utilisée pour la mener à bien » (§ 7.1).

58

Termes proposés par les auteurs cités plus haut et dont les caractéristiques se recouvrent employés dans le cadre de notre cours optionnel.

 La tâche principale (ou macro-tâche, ou tâche authentique) : le projet d’organiser un festival de la

chanson française et de créer son blog

 Les autres tâches intermédiaires « authentiques » qui correspondent aux neuf leçons-actions : faire une

interview, se présenter sur le blog, préparer un plan d’action de mise en place du festival et du blog, préparer le programme du festival et le poster sur le blog, créer une affiche et la poster sur le blog,

préparer une publicité et la poster sur le blog et dans les alentours, créer des cartes d’invitation et les

envoyer, présenter sa sélection musicale sur le blog.

 Les tâches pédagogiques communicatives à proprement parler sont celles qui sont contenues dans les objectifs communic’actionnels et socioculturels de la fiche informative de l’enseignant. Par exemple,

pour la leçon-action n°1, nous avons : parler de ses goûts musicaux, justifier ses préférences, répondre au

questionnaire, présenter et commenter les résultats obtenus lors de l’interview.

 Les tâches de pré-communication que nous trouvons pour la leçon-action n°1 sont les suivantes : élargir

le lexique de la musique, poser des questions et y répondre, comprendre un questionnaire, analyser des résultats obtenus.

Puren (2009 : 127) propose d’utiliser distinctement la notion d’action et celle de tâche. Il réserve donc le concept de « tâche » à l’agir scolaire (ou d’apprentissage) et celui d’« action40» à l’agir social (ou d’usage) ; ce dernier pouvant être « un projet […] [défini] comme une série d’actions finalisées par un objectif terminal ». Dans sa modélisation de différentes interactions, il situe : la société comme domaine de réalisation d’actions réelles (ou d’usage) et la classe tout d’abord comme domaine de réalisation des tâches d’apprentissage, puis lieu d’étayage du processus d’apprentissage, effectué par le professeur, ensuite lieu de conception d’actions, réelles ou simulées, enfin, lieu d’actions simulées et d’actions réelles.

1.2.2 Les chansons : des « actions » authentiques ou des « textes » authentiques ?

Nous venons de définir le terme d’« action » du point de vue sociétal et pédagogique et pouvons le résumer de la façon suivante : pour la société, c’est une action qui a lieu au sein d’une communauté et dont les éléments constitutifs contribuent à la transmission d’un message, qu’il soit communicatif ou stratégique ; pour un enseignant de la perspective actionnelle, une action qui découle de l’intention de l’acteur, peut subir des modifications dues aux contraintes de l’environnement et sa réussite peut ne pas correspondre aux desseins de départ.

Avant de tenter de cataloguer les chansons soit en tant qu’« actions » authentiques, soit en tant que « textes » authentiques, nous devons d’abord préciser ce dernier terme. Selon le Cadre, « Le résultat d’une opération de production langagière est un texte qui, une fois énoncé, devient un objet véhiculé par un canal donné et indépendant de son producteur. Il fonctionne alors comme un objet de réception langagière. » (CECRL, 2005 : 78) Les textes, avec leurs fonctions différentes, sont présentés sur des supports différents et dans des buts différents. Ces différences seront perceptibles tant dans le contexte

40

59

des messages que dans leur structure et leur présentation. « Le texte est au centre de toute communication langagière. C’est le lien extérieur et objectif entre le producteur et le récepteur, qu’ils communiquent en face à face ou à distance » (Ibid, p.76). En situation d’apprentissage/enseignement, il sera utilisé soit comme le document déclencheur soit comme le document produit.

En considérant les correspondances entre la chanson, l’action et le texte, nous parvenons à la conclusion suivante : la chanson c’est à la fois une action authentique et un texte authentique. Toutefois n’oublions pas qu’une chanson reste un document à la fois textuel et musical dans lequel les éléments non linguistiques paraissent aussi importants que les paroles. Peut-on dire ici que l’acte de parole « chanter » s’inscrit dans un cadre d’actions à travers l’accomplissement de tâches qui ne sont pas uniquement langagières ?