• Aucun résultat trouvé

as I inched sluggishly along the treadmill of the Maycomb County school system (36)

État 5. Les grand-parents éblouis virent bondir un vrai singe.

E. La place de la métaphore et de la comparaison dans TKAM

Il convient d’expliquer pourquoi nous avons choisi d’étudier la traduction des métaphores et des comparaisons et non d’autres figures de style. Comme nous l’avons déjà constaté, tandis que les études portant sur la métaphore sont nombreuses, la recherche effectuée sur la traduction des métaphores reste relativement modeste (Dickens 2005 : 236). Par

conséquent, « la traductologie a trouvé dans l’adaptation des métaphores un champ d’étude fertile » (Henn 2010 : 53). Nous sommes particulièrement intéressés par leurs doubles fonctions. Certes, les métaphores et les comparaisons sont des figures de style décoratives, mais elles ont aussi une fonction explicative. Maintenir ces deux fonctions dans la langue cible est une tâche colossale pour le traducteur. Dans To Kill a Mockingbird, les métaphores et les comparaisons constituent des outils narratifs pour aider le lecteur à comprendre les particularités régionales de l’époque. Outre le lecteur, la narratrice elle- même essaie de comprendre ce qui se passe dans sa ville ainsi que le comportement étrange de ses compatriotes. Le résultat est une abondance de métaphores et de comparaisons enfantines qui invitent le lecteur à entrer dans le raisonnement de la jeune fille.

Depuis les années 80, la métaphore intéresse également les chercheurs en linguistique cognitive, qui, par conséquent, ont apporté leurs propres spéculations (Mol 2004 : 87). Pour les spécialistes dans ce domaine, la métaphore représente beaucoup plus qu’une figure de style. Ils estiment que son usage n’est pas limité aux textes écrits ni à la littérature : « metaphors pervade our everyday life, not merely in language but in both thought and action » (Mol 2004 : 87). En effet, toute métaphore naît et vit dans l’imagination de celui qui l’a conçue. Seulement une fraction des métaphores arrive à être formulée par le langage. Ainsi, selon Schäffner - et Mol (2004 : 87-8) - les métaphores jouent un rôle fondamental dans le cheminement de notre pensée :

metaphors are not just decorative elements, but rather, basic resources for thought processes in human society. Metaphors are a means of understanding one domain of experience (a target domain) in terms of another (a source domain). (Schäffner 2004 : 1258)

Visiblement, les métaphores jouent un rôle beaucoup plus influent que l’on a tendance à penser. D’ailleurs, dans la littérature, il se peut qu’une seule métaphore joue plusieurs rôles à la fois, le rôle cognitif et le rôle esthétique étant les plus courants. Selon Newmark,

The purpose of metaphor is basically twofold: its referential purpose is to describe a mental process or state, a concept, a person, an object, a quality or an action more comprehensively and concisely than is possible in literal or physical language; its pragmatic purpose, which is simultaneous, is to appeal to the senses, to interest, to clarify ‘graphically’, to please, to delight, to surprise. The first purpose is cognitive,

the second aesthetic. In a good metaphor, the two purposes fuse like (and are parallel with) content and form. (Newmark 1988b : 104)

Van Den Broeck nous explique que « the use of metaphor is closely related to its function, i.e., the communicative purposes it serves». Avec cette idée en tête, il conseille vivement que « a distinction should be made between creative metaphor and […] ‘decorative’ metaphor » (Van Den Broeck 1981 : 76). Nous pouvons appréhender les fonctions de la métaphore dans la littérature « à partir de trois fonctions reconnues aux discours par la rhétorique » (Gardes-Tamine 2011 : 227), citées ci-dessous :

- enseigner (docere) - émouvoir (movere)

- plaire (placere)

La fonction d’embellissement - PLACERE et MOVERE

Le genre littéraire est caractérisé par une éternelle quête de beauté et d’élégance. « Depuis toujours on a tenté d’ornementer l’écriture » d’une façon ou une autre (Voisin 2010 : 13), et la métaphore fait partie des outils d’ornementation à disposition de l’auteur . Par 29

conséquent, « L’œuvre littéraire est un réservoir inépuisable de métaphores » (Gillis & Gravet 2010 : 8). Étant donné que la limite entre le langage littéral et figuratif n’est pas toujours bien définie, on peut prétendre, sans exagérer, que plus on lit, plus on en trouve, y compris celles qui n’étaient même pas intentionnelles de la part de l’écrivain.

En dehors des métaphores lexicalisées qui sont courantes dans notre langage de tous les jours, nous trouvons davantage de métaphores (vives) dans les textes littéraires que dans les documents techniques ou scientifiques. Cela indique qu’il existe un lien entre la fonction d’un texte et la fonction de la métaphore. Tandis que le but d’un document technique est d’informer ou d’expliquer, un texte littéraire a pour objectif de plaire au lecteur, de provoquer des émotions, et de créer un impact à travers son style. Selon Dickens, une des fonctions des expressions idiomatiques (mais aussi des métaphores et des

Néanmoins, il faut reconnaître qu’il existe certains auteurs littéraires, quoique minoritaires, qui ne

29

cherchent pas à ‘embellir’ leurs textes afin d’obtenir un style alternatif. Après tout, l’art est subjectif et la littérature est art.

comparaisons, bien évidemment) est d’ajouter « an emotive element to the text » (Dickens 2005 : 268). Si une métaphore n’est pas indispensable pour transmettre le message de l’auteur, le sens pouvant être transmis en utilisant un langage littéral et non figuratif, on peut en déduire que la seule raison d’être de ladite métaphore est l’embellissement. Cela est souvent le cas :

In most cases, the argumentation is based on a traditional understanding of metaphor as a figure of speech, as a linguistic expression which is substituted for another expression (with a literal meaning), and whose main function is the stylistic embellishment of the text. (Schäffner 2004 : 1254)

À propos de ce sujet il y a deux écoles de pensée, présentées par Barfield (1960 : 49).La première est fondée sur l’idée que la seule fonction de la métaphore est celle de l’embellissement et que le sens peut toujours être exprimé autrement en substituant le

comparant. L’hypothèse de cette école est qu’il y a toujours une façon alternative et

littérale d’exprimer le comparé (c’est-à-dire, le sens sous-jacent), quelle que soit la métaphore. Pour les textes littéraires, cette hypothèse s’avère tout à fait plausible :

In quite a lot of fiction, essay, etc., […] we are confronted with metaphors whose function seems to be a more illustrative or decorative one. They do not seem to be used out of necessity […] and in many cases they can readily be replaced by other expressions, metaphorical or not, having a similar effect on the reader. (Van Den Broeck 1981 : 76)

On peut donc dire que le comparant d’une métaphore décorative est parfois superflu, au moins en ce qui concerne la compréhension du texte. Le cas échéant, le fardeau qui pèse sur le traducteur est allégé :

it seems reasonable to assume that ‘decorative’ metaphors (as e.g., in journalistic prose) will impose lower requirements on the translator than ‘creative’ ones (as in poetry); to the degree that they are less relevant for the communicative function of the text - at least in so far as their ‘vehicles’ are concerned - they may often either be substituted by TL-specific equivalents or paraphrased. (Van Den Broeck 1981 : 84)

Cependant, le comparant décoratif fait apparaître une nouvelle réalité, qui n’est pas présente physiquement dans l’œuvre, et grâce à laquelle le texte gagne en profondeur. D’ailleurs, « un langage plein de métaphores donne l’impression d’être plein d’inspiration et peut éveiller de fortes réactions émotionnelles (Kihlström 2006 : 118) » (Akemark 2011 : 11), d’où la fonction movere.

La fonction économique

Si l’embellissement constitue une fonction incontestable de la métaphore, celle-ci est loin d’être la seule. Il en va d’autant plus pour la comparaison. Selon Dupriez, la comparaison qui sert uniquement à embellir est devenue « exceptionnelle » et il estime que « la plupart des comparaisons visent à dégager quelque aspect du sens, à pallier l’absence de terminologie établie, à nuancer la nouveauté des concepts, à communiquer » (Dupriez 1987 : 123). Dans la deuxième école de pensée, présentée par Barfield (1960 : 49), on estime que : « the tenor of a meaningful metaphor or symbol cannot always be expressed literally » Barfield (1960 : 49). Cela est bien la cas lorsqu’il s’agit des métaphores

créatives : « In creative metaphor there is a deep necessary bond between the ‘tenor’ and

the ‘vehicle’ […]. Such is the case, for example, in authentic poetry, creative prose, and other kinds of creative writing » (Van Den Broeck 1981 : 76). L’impossibilité d’exprimer littéralement les métaphores les plus poétiques explique en partie la complexité de la traduction de toute poésie. Si le comparé est inexprimable, la métaphore est nécessaire parce que celle-ci a une véritable fonction informative. Souvent, l’écrivain ne choisit pas consciemment d’utiliser une métaphore ; c’est plutôt la métaphore qui est imposée par la langue. Ici, malgré le double sens de chaque métaphore, seulement le message sous-jacent compte. En outre, « la métaphore est […] une contestation de la capacité des mots à dire le réel » (Milcent-Lawson 2007).

Il serait pourtant irréaliste de prétendre qu’il n’existe aucun autre moyen d’exprimer une idée qu’avec une métaphore en particulier (ou une autre figure de style). En cherchant des synonymes ou en fournissant des explications, on réussit (presque) toujours à faire comprendre un concept dans une langue. Si cela n’était pas possible, on ne pourrait rien apprendre à nos enfants. C’est justement ainsi que la connaissance d’une langue se transmet de génération en génération. Mais si une formulation alternative est bien possible, la concision et l’élégance ne sont pas toujours garanties. Une explication détaillée peut paraître trop verbeuse, voire maladroite, ce qui réduit sans doute l’impact sur le lecteur. Cela explique pourquoi les métaphores mortes et les expressions idiomatiques sont si fréquemment utilisées dans certaines langues vivantes, comme l’anglais, pour des raisons d’économie, que ce soit pour gagner du temps ou pour optimaliser le nombre de mots. Surtout avec les métaphores courtes, il s’agit d’un raccourci pour expliquer une idée

complexe, ou encore plusieurs idées à la fois. Parfois, lorsque l’écrivain se sert d’une métaphore, il se dispense de la tâche d’expliquer sa pensée en détail. La fonction économique de la métaphore est affirmée par Dürrenmatt, selon qui, « les métaphores représenteraient le moyen le plus économique dont dispose un locuteur pour exprimer sa pensée trop complexe pour être énoncée littéralement » (Dürrenmatt 2002 : 13).

La question qui reste à se poser est de savoir si la métaphore apporte des informations supplémentaires aux texte. Visiblement, la réponse est affirmative, étant donné que « le phore évoque une réalité sensible censée faire mieux comprendre le thème » (Gardes- Tamine 2011 : 222). En effet, une métaphore évoque deux réalités au lieu d’une seule, et de plus, en utilisant un minimum de mots elle nous permet de gagner du temps. Ainsi, la métaphore est doublement économique. Sa fonction est comparable au fait de montrer une image culturelle à quelqu’un qui apprend une langue étrangère. Une image vaut mille mots, et une métaphore en vaut autant.

La fonction pédagogique - DOCERE

Comme nous le verrons plus tard, le traducteur est parfois obligé de recourir à une explication s’il ne trouve pas de métaphore (ou d’autre figure de style) appropriée dans la langue cible. Une explication s’avère souvent nécessaire quand il s’agit d’un concept inconnu ou étranger. L’écrivain de la langue source se trouve dans la même situation lorsqu’il communique un nouveau concept à travers une métaphore ou une comparaison, afin d’expliquer ce concept au lecteur. Parmi les nouveaux concepts se trouvent des pensées inédites, de nouvelles émotions ressenties par le narrateur ou le personnage concerné, ou des notions inconnues aux yeux du lecteur. Par exemple,

In trying to express an emotional state for which non-metaphorical language seems inadequate, […] one may have recourse to a quite striking non-lexicalized metaphor. A hearer or reader may be satisfied that they at least have a clear intuitive understanding of what this metaphor means. (Dickens 2005 : 235)

Dans To Kill a Mockingbird les notions géographiques ou culturelles sont abondantes, et étant donné la particularité du Deep South, une maîtrise de la langue anglaise n’est pas toujours suffisante pour apprécier entièrement l’ambiance et le mode de vie dépeints par

Harper Lee. Si ces références culturelles rendent perplexe le lecteur étranger, leur utilisation en tant que métaphores a pour but de clarifier la pensée de la narratrice. Voici une sélection de métaphores qui nous rappellent les particularités sudistes :

- The remains of a picket drunkenly guarded the front yard (9)

- he “bought cotton” (10)

- I looked down and found myself clutching a brown woollen blanket I was wearing around my shoulder, squaw-fashion (79)

- She was bullet-headed with strange almond-shaped eyes, straight nose, and an Indian-bow mouth (131)

- Those unable to sit were strapped papoose-style on their mother’s backs (136)

- it seemed to me that he’d gone frog-sticking without a light (195)

- it might lose ‘em a nickel (260-1)

Ces métaphores et comparaisons ont été choisies judicieusement par la narratrice, qui s’adresse au lecteur de manière assez intime, comme si elle s’adressait à un ami. Les comparants font partie de son propre système conceptuel, celui qu’elle partage avec ses contemporains, mais pas forcément avec le lecteur étranger. Lorsque l’écrivain emploie une métaphore pour expliquer un nouveau concept au lecteur, on parle d’une « métaphore pédagogique » : « la métaphore pédagogique, utilitaire, est le type même de la métaphore

prosaïque; elle conduit de l’inconnu au connu » (Morier 1989 : 679). Nous savons déjà que

«new things are learned by being related to things already known» (Miller 1993 : 357). Il s’agit d’un processus cognitif qui s’appelle l’aperception : « mental processes whereby an attended experience is brought into relation with an already acquired and familiar conceptual system » (Miller 1993 : 357). Dans ce cas, l’élément connu sert d’instrument pour aider le lecteur à comprendre ce qui lui est inconnu. Par l’usage des métaphores et comparaisons au sein de son roman, Harper Lee transporte le lecteur vers la culture de son univers sudiste (l’inconnu). Le but de certaines métaphores est donc d’aider le lecteur à s’identifier avec le texte et les nouvelles idées qui y sont présentées. Une métaphore est considérée d’autant plus efficace qu’elle reste dans la pensée du décodeur après la lecture. Selon Kihlström (2006 : 118), « l’utilisation des métaphores […] est efficace pour la mémoire parce que nous sommes facilement fatigués par des expressions usuelles », mais pour qu’une métaphore soit mémorable, il faut qu’elle soit comprise par le lecteur. Une fois assimilée, « une bonne métaphore peut faire merveille parce qu’elle rend les domaines

abstraits plus faciles à comprendre et que les choses deviennent plus claires » (Akemark 2011 : 11). Néanmoins, nous estimons que si le lecteur ne connaît pas le comparé, il doit à tout prix connaître le comparant pour pouvoir assurer la compréhension. Une métaphore ou comparaison est inutile si le comparant ne représente rien pour le lecteur.

* * *

Nous avons examiné les fonctions les plus communes de la métaphore et la comparaison mais cette liste n’est nullement exhaustive. Le raisonnement d’un écrivain est tellement complexe qu’il ne peut pas se résumer à une volonté d’embellir ou d’expliquer. D’ailleurs, selon Wikberg :

The orthodox view is that metaphors are descriptive, in literature often ‘decorative’. That of course is a crude simplification because languages also have other means of describing. If a metaphor is used instead of a literal expression, the author must be describing with a purpose and has made a deliberate choice. (Wikberg 2004 : 259)

Cela s’applique à toutes les figures de style : « l’énonciateur en choisissant la figure dit exactement ce qu’il veut dire et propose son expression comme la plus juste en contexte » (Gaudin-Bordes & Salvan 2009 : 121). Concernant certains tropes, comme les métaphores vives, qui sont des inventions de l’auteur, il est indiscutable que le choix de ce dernier a été fait avec un but très précis. Il n’est pas toujours qu’une simple question d’embellissement, d’économie ou de pédagogie. Pour conclure cette partie, nous proposons que la métaphore a rarement une seule fonction, et qu’en même temps « la métaphore peut être explicative et didactique, descriptive et pittoresque, esthétique et « sensuelle», éclairante et profonde » (Morier 1989 : 679).