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Quelle place pour l’enseignement supérieur dans la perestroïka ?

faiblesses de la gouvernance totalitaire de l’enseignement supérieur 1.1 La nécessité d’une révision des missions de l’enseignement supérieur :

3. Le déclin du système soviétique et le secteur de l’enseignement supérieur

3.4. Quelle place pour l’enseignement supérieur dans la perestroïka ?

En analysant le fondement de la stratégie de l’accélération, la résolution du Comité central et le Conseil des ministres du 12 juillet 1985, Hélène Carrère d'Encausse a souligné une certaine ambiguïté de cette politique des pouvoirs publics. « Ils pointent les problèmes du pays, dénotent une impatience, mais ils restent prudents sur le fond. Accélérer ce qui existe n'est pas un moyen révolutionnaire pour changer une situation peu satisfaisante335».

En effet, les premières mesures de Gorbatchev aux fins d’accélération avaient en effet un caractère administratif : elles touchaient uniquement l'économie et elles ne changeaient pas l'essentiel de la société du « socialisme développé ». L’historien Danilov Victor souligne que la perestroïka n’était finalement pas un changement brutal, mais plutôt quelques réorganisations des fonctions et des liens économiques336.

Lors de la première étape des réformes (mars 1985 - janvier 1987), le terme « perestroïka » n'était pas encore utilisé et n'était pas perçu comme étant un concept. L’État a reconnu les manquements du système socio-économique de l'URSS et s'efforçait de corriger la situation par quelques campagnes à caractère administratif - automatisation, informatisation, lutte contre l’alcool, ainsi que contre les revenus « en dehors du travail » et la corruption. La baisse des prix du pétrole et la catastrophe de Tchernobyl ont accéléré la réalisation des réformes. Durant les années 1986 et 1987, l'équipe de Gorbatchev a constaté que les mesures administratives n'étaient pas suffisantes, et a décidé de lancer des changements politiques. Ainsi, au Plénum du PCUS de 1987 la perestroïka a été définie en tant que nouvelle ligne politique. Parmi les résolutions, les plus osées concernaient l'autorisation d'une privatisation partielle via des coopératives qui pouvait intégrer le modèle socialiste existant, ainsi que l'autorisation de la publication de la littérature autrefois interdite et l'assouplissement des relations avec l'Occident337.

3.4. Quelle place pour l’enseignement supérieur dans la perestroïka ?

334 DNEPROV Edouard, Obrazovanie i politika. Noveïchaia polititcheskaia istoria rossiïskogo

obrazovania / L’éducation et la politique. L’histoire moderne de l’éducation russe, t.1 ., Moscou :

2006, 536 p., p. 70.

335CARRERE D’ENCAUSSE Hélène, Six années qui ont changé le monde. 1985-1991, la chute de

l'Empire soviétique, Fayard, 2015, 432, pages, p. 45.

336 DANILOV Viktor, « Iz istorii perestroiki : perezhivania chestidesiatnika-krestjanoveda » /

« Quelques idées à propos de la perestroïka : les inquetudes d’un soixantard et analyste de l’agriculture», Otetchestvennye zapiski, 2004, n° 1. Disponible sur le site de la bibliothéque

numérique des revues : http://magazines.russ.ru/oz/2004/1/2004_1-1_37.html, consulté le 09.10.2017.

À partir de 1985, les autorités politiques étaient de plus en plus conscientes de la nécessité des réformes dans le cadre de la perestroïka et tentaient d’introduire la flexibilité dans les cursus, l’adaptation aux réalités locales, la simplification dans les circuits de décision, l’autonomie administrative et financière dans les établissements. En 1986, au

XXVIIe Congrès du PCUS, l'objectif fut la restructuration de l'enseignement à tous les

niveaux afin de résoudre les problèmes suivants dans l'enseignement supérieur : la baisse de la qualité, le manque d’enseignants et de financements. Il a été décidé de revoir la structure de l'enseignement supérieur et ses relations avec les secteurs d'économie338.

Le 1er juin 1986, le projet du Décret du Comité central du PCUS et du Conseil des ministres de l'URSS « Les directions principales de la restructuration de l'enseignement professionnel dans le pays » a vu le jour, et les débats autour de ce projet ont duré neuf mois. Certaines présentations des membres de la communauté universitaire lors des discussions ont contribué à la prise de conscience de la crise profonde du système universitaire. Le document final a été adopté le 13 mars 1987 et publié le 23 mars 1987 dans le quotidien Pravda339. Ensuite, les autres arrêtés furent adoptés pour concrétiser ces

directions340.

Le terme perestroïka a été utilisé par écrit pour la première fois dans ce document gouvernemental élaboré pour l'enseignement supérieur, ce qui a donné, au final, un nom à la période de 1985 à 1991, à cette tentative de réformer radicalement la société soviétique, à ces « six ans qui ont changé le monde ». Pour la première fois également dans l’arrêté du 13 mars 1987 on a introduit des concepts scientifiques proposés par l'Institut de recherche

338 GORBATCHEV Mikhaïl, « Polititcheski doklad TsK KPSS XXVII s’ezdu KPSS » / « Le rapport

politique du Comité central du PCUS au XXVII Congrés du PCUS », Pravda, le 26 février, 1986, quotidien.

339 Osnovnye napravlenia perestroïki vyschego i srednego spetsial’nogo obrazovania v strane.

Postanovlenie TsK KPSS i Soveta Ministrov SSSR / Les directions principales de la transformation

(perestroïka) de l’enseignement supérieur et l’enseignement professionnel post-sécondaire dans le pay. L’arrêté du Comité central du PCUS et du Conseil des ministres de l’URSS, Pravda, le 21 mars 1987.

340 O merakh po rechitel'nomou ouloutcheniou katchestva podgotovki i ispolzovania spetsialistov s

vyschim obrazovaniem v narodnom khoziaïstve. Postanovlenie TsK KPSS i Soveta ministrov SSSR /

« Sur les mesures pour une amélioration décisive de la qualité de formation et de l’utilisatin des diplômés d’enseignement supérieur pour l’économie du pays. L’arrêté du Comité central du PCUS et du Conseil des ministres de l’URSS, Pravda, le 23 mars 1987.

Voir aussi:

O merakh po ouloutcheniou katchestva podgotovki i ispolzovania naoutchno-pedagogitcheskikh i naoutchnykh kadrov. Postanovlenie TsK KPSS i Soveta ministrov SSSR / Sur les mesures pour

l’amélioration de la qualité de formation et de l’utilisatin des enseignants-cercheurs et des chercheur. L’arrêté du Comité central du PCUS et du Conseil des ministres de l’URSS du 13 mars 1987 n°327,

sur les problèmes de l'enseignement supérieur soutenu par le ministre de l'Enseignement professionnel Felix Peregoudov. On a également mentionné l'intégration de l'enseignement, de l'industrie et de la recherche aux nouvelles formes d'interaction sur les principes d'autofinancement. Le document était innovant parce que les réglementations antérieures se sont limitées à l'objectif d'amélioration de la qualité de la préparation des cadres aux universités, sans dire aux établissements comment réaliser cet objectif.

Essentiellement, le décret a pris en compte la majorité des lacunes dans l'enseignement supérieur soviétique : sa croissance en nombre et pas en qualité, son lien faible avec les instituts de recherche de l'Académie et l'industrie, sa forte spécialisation des formations et son état financier lamentable. Dans l’arrêté, le développement des universités a été lié à l’accélération de l'économie du pays, au développement de la recherche, à l'intégration avec l'industrie et à l'introduction de fonds extrabudgétaires. Ces objectifs correspondaient aux tendances internationales dans le contexte de l’ère de l’information. On a également introduit l'attestation des enseignants et des étudiants, les élections des recteurs et l'auto- gestion des étudiants pour mieux atteindre les objectifs de la transparence et la démocratie341.

Les professeurs ont été autorisés à développer leur cours et à apprendre aux étudiants la pensée critique. Il était enfin possible d'aborder des sujets qui étaient interdits auparavant. Les EES se libéraient progressivement du contrôle du Parti. Le retrait du poids idéologique sur les disciplines, notamment dans les sciences humaines et sociales, a été longtemps attendu pour changer peu à peu la mentalité des jeunes. Ce changement était très attendu, mais n’était pas facile à gérer et à réaliser. Nicolas Werth a souligné de nombreuses difficultés à les quelles se heurta la volonté des intellectuels, notamment des historiens, pour démarrer le processus de réactivation des discussions ouvertes sur le passé et sur l’avenir du pays dans cette période de transition. Parmi ces difficultés nous retrouvons l’existence de « taches blanches » dans l’histoire soviétique, du fossé entre l’histoire dogmatique officielle, l’histoire universitaire et histoires privées à usage familial, ainsi que l’inaccessibilité aux archives (donc sources officielles) dans les années 1985-1986 à 1990-

341 SITCHKARENKO Galina, « Programma peretroïki vyschego obrazovania v SSSR i Oukraïne » /

« Le programme de transformation (perestroïka) de l’enseignement supérieur en URSS et en Ukraine », Almanakh sovremennoï naouki i obrazovania, Tambov : Gramota, 2013, n° 8(75), p. 162- 165. Disponible sur le site officiel de l’édition Gramota : www.gramota.net/materials/1/2013/8/54.html, consulté le 09.10.2017.

1991 pour donner un fondement solide pour les discussions ouvertes et cohérentes entre les enseignants-chercheurs342.

Les universités soviétiques provinciales ont commencé à établir des relations avec des universités étrangères. Les grandes villes auparavant fermées (Saratov, Samara, Perm, Tomsk) ont commencé à s'ouvrir et à accueillir les étudiants étrangers. L'échange international des étudiants et des enseignants a commencé, ce qui a accéléré le processus d’intégration dans le système européen d'enseignement supérieur. Or, dans une certaine mesure, la démocratisation des universités a eu un impact négatif. Sur la vague de la perestroïka les enseignants-chercheurs poussés parfois par des objectifs lucratifs, ont assumé des postes dans l'administration des universités. Avec la montée de l'autonomie universitaire sans contrôle de l’État, ils étaient face à des conditions favorables à la corruption et à la création de clans au sein du pouvoir universitaire. Ainsi, au lieu de renouvellement, les universités ont fait preuve de continuité de la stagnation343.

Une autre initiative de l’État perçue par de nombreux analystes comme étant négative - la transformation des écoles de l'enseignement supérieur spécialisées en universités - n'était pas vraiment bénéfique pour la société. Les écoles d'ingénieur et les instituts pédagogiques ont changé uniquement leurs titres sans embaucher de nouveaux cadres ni transformer leurs méthodes d'enseignement. Pour les établissements, cette transformation était simplement une opération cosmétique afin de gagner en prestige. Au lieu de soutenir des universités classiques pour devenir des centres d'enseignement, de recherche et de culture, l’État a privilégié la multiplication des universités qui ne correspondaient pas à cette appellation. Au final, le niveau de formation universitaire dans le pays a baissé.

Durant la perestroïka, au sein de la gouvernance de l’État et du Parti, beaucoup de gens venants des universités se sont fait connaître. Parmi les leaders de la perestroïka, on trouve les académiciens – Likhatchov, Aganbegian, Petrakov, Zaslavskaia : les chercheurs qui acquirent finalement une partie du pouvoir. Cela ressemblait à la réalisation du rêve des années 1960 – le pouvoir « au visage humain ». En décembre 1986, le chercheur distingué Sakharov a été libéré de son exil à Gorki ; en 1987, on a libéré 140 dissidents qui se sont

342 WERTH Nicolas, « « À partir de quoi pouvait-on reconstruire ? Les turbulences de l’écriture de

l’histoire dans la Russie postsoviétique », l’entretien réalisé le 17 juin 2015 par Gilles Favarel- Garrigues, Brigitte Gaïti, Boris Gobille, Politix, 2015/2 (n° 110), p. 111-135. Disponible sur : http://www.cairn.info/revue-politix-2015-2-page-111.htm, consulté le 25.09.2017.

intégrés tout de suite dans la vie politique du pays. Quelques dizaines d’associations politiques sont entrées en scène, mais présentaient encore une organisation chaotique. Parmi elles, L'Union démocratique se distinguait par ses manifestations anticommunistes en 1988. La perestroïka a ramené en politique des professeurs et des recteurs des universités. Parmi les plus connus : le professeur Anatoli Sobtchak (qui est devenu le premier maire de Saint-Pétersbourg ; il était également, selon Vladimir Poutine, son « maître » en politique), le recteur de l'Institut d'aviation de Moscou Youri Ryjov, le recteur de l'Université de technologie chimique de Moscou de Mendeleïev Guennadi Iagodin (devenu le ministre de l'Éducation de l'URSS), le professeur Youri Afanassiev.

Youri Afanassiev était parmi les premiers hommes politiques qui ont ouvertement critiqué Lénine au Congrès des députés du peuple, à l'époque où les discours officiels de Gorbatchev décrivaient Lénine comme dirigeant fidèle du vrai socialisme. D'ailleurs, l'une des idées de la perestroïka était le retour aux « normes de Lénine » pour « la construction du socialisme au visage humain », contrairement à la politique de Staline « qui avait détourné la ligne politique » 344. L'historien Afanasiev s'opposait à cette idée. Il considérait

qu'entre Lénine et ses successeurs, il n'y avait pas de différence principale, ni dans l'idéologie ni dans les méthodes. Afanasiev a également introduit le terme de « la majorité agressive et obéissante345 », en insistant qu'en URSS même l’intelligentsia universitaire et

scientifique en faisaient partie. Cette appellation, à notre avis, résonne avec l'idée de la « masse » d'Hannah Arendt. Afanasiev a créé l'Université d'État des sciences humaines de la Russie pour permettre, selon lui, aux gens d’évoluer avec un esprit libre et le sens

344 Voir à ce propos :

GORBATCHEV Mikhaïl, le discours du 20 avril 1990.

Source : Slovo o Lénine Presidenta SSSR, General’nogo serretaria TsK KPSS M.S. Gorbatcheva na torjestvennom sobranii, posviatchennom 120 godovchtchine so dnia rojdenia V.I. Lenina / Le

discours du président de l’URSS, du Sécretaire général du Comité central du PCUS lors de la réunion

solennelle dédiée à 120ème année de la naissance de Lénine du 20 avril 1990, M : Politizdat, 1990, 31

p., p. 2.

Voir également :

SOGRIN Vladimir, « Levaia, pravaia, gde storona ? Razmychlenia o sovremennykh polititcheskikh

disoussiakh » / « Gauche ou droite : où est mon côté ? Les réflexions sur les discussions politiques

contemporaines », Kommouniste, 1990, n°3 (février), p. 33-34.

TSIPKO Alexandre, « Perestroïka kak rousski proekt » / « La perestroîka comme le projet russe », Moscou : Algoritm, 2014, 544 p.

SLAVIN Boris, « Perestroïka kak opyt preodolenia totalitarisma : vyvody dlia boudouchego » / «La perestroïka comme la sortie de totalitarisme : les conclusions pour l’avenir », actes du colloque « Gorbatchevskie tchtenia » du 4 mars 2003, Moscou : La fondation Gorbbatchev. Disponible sur : http://www.gorby.ru/activity/conference/show_341/view_27343/, consulté le 10.10.2017.

345 Pervy s’ezd narodnykh depoutatov SSSR / La première sesssion de travail des députés du peuple de

l'URSS du 25 mai au 9 juin 1989. Compte-rendu sténographique, Moscou : Edition du Conseil supême de l’URSS, 1989, t.2, 2987 p., p. 78.

critique afin de soutenir la nouvelle Russie. L'académicien Youri Ryjov a dit à la fin de la perestroïka dans son interview au journal Znamia, que l'enseignement supérieur s’était dégradée, et la classe intellectuelle du pays était en voie de disparition346.

Un certain nombre de professeurs et d'étudiants ont participé au processus de formation de nouveaux partis politiques et d'organisations sociales, d'associations. Certains d’entre eux ont été élus au Parlement de l'URSS et de la RSFSR, ainsi qu’aux soviets locaux. Or, beaucoup n'ont pas pu défendre les intérêts des universités efficacement. La situation financière des universités n'a pas été améliorée lors de la perestroïka. Le paiement des salaires tardait régulièrement, ainsi que le paiement des bourses. Le prestige des universités tombait, le nombre d'étudiants diminuait également : de 50 000 diplômés en 1980 à 45 000 diplômés en 1989. Les années de la perestroïka étaient une période assez difficile et contradictoire pour l'enseignement supérieur. Mais la majorité des enseignants et des étudiants ont salué la perestroïka et soutenu un grand nombre d'initiatives, notamment en matière de développement de la démocratie et de la transparence347.

Désormais, l’on pouvait tout lire et écrire. En 1987-1989, on a créé les premiers journaux et chaînes de télévision indépendants348. Les films, les articles dans les journaux ont révélé la corruption du pouvoir soviétique, les crimes, et le fossé entre la morale et le pouvoir de certains hommes politiques349. À la XIXe conférence du PCUS, en 1988, pour

la première fois depuis 1920, les délégués se sont exprimés ouvertement en critiquant les actions de l'administration du Parti et ces interventions ont été diffusées à la télévision. Lors de cette conférence, à l'initiative de Gorbatchev, l’on a pris la décision de réformer le système politique et de conduire les élections alternatives à tous les niveaux. A la fin de 1988, cette réforme a été officialisée par la loi350.

Le statut des établissements, adopté en 1989, a timidement introduit les nouveaux principes des relations État-EES, mais bientôt la crise économique et politique ont abouti l’ensemble à une transformation beaucoup plus radicale : la transition vers l’économie de

346 RYJOV Youri, « Dva dialoga na odnou temou » / « Deux dialogues à propos de même sujet »,

Znamia, 1990, n° 10 (octobre), 244 p., p.187.

347 AVROUS Anatoli, op.cit.

348 Par exemple : NIKA-Tv, ATV, TCN.

349 Par exemple : OVTCHARENO Georgi, « Kobry nad zolotom » / « Les cobras sur l’or », Pravda,

le 23 janvier 1988, quotidien.

350 Zakon ob izmeneniakh I dopolneniakh Konstitoutsii (osnovnogo zakona) SSSR / La loi de l’URSS

du 1 décembre 1988 n° 953-XI sur les changements et amendements de la Constituion de l’URSS. Disponible sur le site official de la base de données des actes législatives numérisés :

marché et la privatisation partielle de l’enseignement supérieur. Dans les années 1989- 1990, une brusque déstabilisation du contexte politique a eu lieu. Après le premier Congrès des élus du peuple, l'affrontement du Parti communiste avec les nouveaux groupes politiques s'est fait jour à l'issu des réformes démocratiques. Cependant, en 1989, la croissance économique s’est ralentie et en 1990 a commencé à chuter. Les initiatives du pouvoir se heurtèrent aux difficultés économiques, l’ensemble se terminant par une crise de grande échelle. En 1990, l'idée principale des réformes n'était plus le développement du socialisme, mais la construction de la démocratie et l'économie du marché de type capitaliste. Ainsi, en 1990-1991, le régime socio-économique de l'URSS a commencé à présenter les caractéristiques du capitalisme : la propriété privée fut légalisée, le marché de change et le marché boursier furent crées, et la coopération économique se déroulait selon les pratiques occidentales. La doctrine de la « nouvelle pensée » dans les affaires étrangères se réduisait aux concessions unilatérales de l'URSS vis-à-vis de l'Occident, et au final l'URSS perdait ses positions et son statut de superpuissance. Les groupes politiques aux orientations séparatistes prenaient le pouvoir dans la RSFSR et dans d'autres républiques de l'Union et « la parade des souverainetés » a débuté351. Après ces événements, le pouvoir du PCUS a été démis du pouvoir en août - novembre 1991, et en décembre 1991 l'Union soviétique s'est disloquée.

Les événements en URSS après 1985 ont conduit de nombreux analystes à la recherche de nouvelles approches du processus historique en Russie ; la théorie marxiste dans son interprétation par les pouvoirs publics soviétiques n’a pas été réalisée sur le sol de l’URSS. La théorie marxiste des formations socio-économiques supposait un schéma universel d'évolution des pays et des peuples, notamment le changement successif des formations de la société communautaire primitive à l’esclavagisme, puis au régime féodal, passant par le capitalisme, et enfin le socialisme pour atteindre le communisme. La transition du socialisme au capitalisme contredisait ce schéma. Ceux qui sont restés fidèles à l'approche marxiste ont trouvé des explications à l'échec du socialisme par le complot des forces extérieures352. Les adeptes du marxisme occidental tels que Michael Harrington

considéraient que l’interprétation de Marx en URSS était erronée, car à l'origine, Marx

351 CARRERE D'ENCAUSSE Hélène, op.cit., p. 184-185.

352 Voir à ce propos, par exemple :

CHIRONIN Viatcheslav, KGB-TsRU. Sekretnye proujiny perestroïki / KGB, CIA. Les ressorts sécrets

envisageait une transition du capitalisme au socialisme seulement sous réserve de conditions préalables de bien-être matériel et moral du pays. Or, la Révolution en 1917 n'était pas conforme à ce postulat principal du marxisme, et l'échec de l'URSS était la conséquence du saut des étapes historiques dans le « mûrissement » du socialisme353.

Les adeptes d’une autre macro-théorie - celle de modernisation, insistaient que l'URSS avait épuisé toutes ses ressources pour assurer un progrès sur une base socialiste, et que le moment est venu, lors de la perestroîka, d’adopter les mécanismes capitalistes et démocratiques ; le socialisme était battu par le libéralisme354. La multitude des facteurs et

la complexité de la question de la chute du système soviétique expliquent le nombre d’hypothèses concernant les raisons principales de ce changement politique et permettent aux historiens et aux politologues de continuer à débattre à ce sujet. Nous sommes d’accord avec les chercheurs qui insistent que c’est l’ensemble de ces facteurs qui a conduit l’URSS vers sa fin355.

Pour les universités, la perestroïka a signifié la désidéologisation complète des cours et l'affaiblissement du contrôle politique, ce qui a renforcé l'autonomie universitaire et la liberté académique des enseignants – éléments que la communauté universitaire devait apprendre à gérer et assumer après une longue histoire du poids politique. De 1918 à 1991, les ESS en l’URSS ont accordé un diplôme (niveau Bac+5) à environ 25 millions de personnes, c’était donc le bilan historique et social de la construction de l’enseignement supérieur soviétique. Le système de l’enseignement supérieur public préservait largement la structure organisationnelle déjà existante et construite en détails quelques décennies

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