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L’impact de la politique de recherche des années 1940-1950 sur l’enseignement en URSS

faiblesses de la gouvernance totalitaire de l’enseignement supérieur 1.1 La nécessité d’une révision des missions de l’enseignement supérieur :

1.2. L’impact de la politique de recherche des années 1940-1950 sur l’enseignement en URSS

Il convient ici d’évoquer deux événements qui ont eu un impact sur le développement de la recherche soviétique et l'enseignement des disciplines concernées dans les universités. Par décision de l’État, le développement des disciplines scientifiques a été déformé, et une véritable discussion scientifique pour changer la situation ne pouvait pas avoir lieu dans une société totalitaire.

Il s’agit de deux sessions de discussions au sein des établissements sur la gouvernance de la recherche et l’adéquation des disciplines scientifiques avec l'idéologie officielle de l’État du marxisme-léninisme et la détermination du développement de ces disciplines en fonction de la décision prise à la fin des discussions. Les discussions ont été organisées avec la participation des académiciens, des dirigeants politiques du Parti sous l’égide personnel du chef de l’État, Staline, qui a suivi la préparation de ces sessions. Il a également été établi que le Secrétaire général corrigerait personnellement les discours des intervenants de la partie -« accusatrice » de ces discussions.

Le premier événement était la Session du mois d’août de 1948 de VASKhNIL253

(connue dans les recherches francophones sous le nom « L'affaire Lyssenko ») organisée du 31 juillet au 7 août 1948 par le président de l'Académie centrale de l'agriculture, Lyssenko Trofim, et ses soutiens contre les chercheurs en génétique. Leur objectif était de déclarer la génétique comme une pseudoscience. Cet événement est considéré comme un moment-clé de la confrontation entre la « biologie mitchourinienne254 » (celle développée par Mitchourine) et la génétique classique,

avec pour conséquence l’interdiction de la génétique en URSS car cette « science bourgeoise contredit au marxisme-léninisme ». Le sténogramme de la session255 est aujourd’hui déclassifiée et disponible, ainsi que d'autres sources documentaires256, les

documents préparatifs de la session avec les notes et les corrections apportées personnellement par Staline. De nombreux ouvrages analysent la Session du mois d’août de 1948 de VASKhNIL du point de vue de son organisation, de la participation des chercheurs et du pouvoir public, des personnalités impliquées, des caractéristiques des doctrines scientifiques des parties prenantes au conflit, du rôle du chef de l’État et des conséquences graves pour le développement de la recherche et de l'enseignement supérieur soviétique257.

253 L’Académie centrale de l'Agriculture au nom de Lénine » (Vsesoyouznaia akademiia sel'skogo

khoziaïstvennykh naouk imeni Lenina, VASKhNIL) est organe suprême de coordination de 150

établissements de recherches scientifiques en agriculture, économie forestière et économie hydraulique de l'URSS. VASKhNIL était dirigée par un président de l'Académie.

254 A propos de la biologie mitchourienne voir :

STOLETOV Vsevolod, Principes élémentaires de biologie mitchourinienne, Éditions en Langues étrangères, Moscou, 1951.

255 STOLETOV Vsevolod (éd.), O polojenii v biologitcheskoï naouke. Stenografitcheski otchiot sessii

Vsesoyouznoï akademii sel'skokhoziaïstvennykh naouk imeni Lenina / Sur l'état de la science de la Biologie. Le compte-rendu de la session de l'Académie pan-soviétique de l'agriculture de Lénine du 31 juillet au 7 août 1948. Moscou : OGIZ-SEL'KHOZGIZ, 1948, 520 p. disponible sur le site de la

bibliothèque électronique : http://lib.ru/DIALEKTIKA/washniil.txt, consulté 06.07.2016.

256 TCHERNOBAEV Alexandre (éd.), Na priiome ou Stalina. Tetradi (journaly) zapiseï lits,

priniatykh I.V. Stalinym. Spravotchnik / Au rendez-vous avec Staline. Les cahiers (journaux) des

notes relatives aux personnes reçues par Staline (1924-1953), Moscou : Novy khronograf, 2010, 784 p.

Iz besedy s Y. Jdanovym 18 oktiabria 1947 goda / Conversation avec Y. Jdanov du 18 octobre 1947,

p. 259-261.

257 Voir à ce propos:

SOIFER Valeri, Vlast i naouka. Istoria razgroma genetiki v SSSR / Le pouvoir et la science.

L'histoire de l'écrasement de la génétique en URSS, Moscou : Lazour, 1993, 326 p.

ESAKOV Vladimir, « Novoe o sessii VASKhNIL 1948 goda » / « Le nouveau sur la session de VASKhNIL 1948 », Repressirovannaia naouka / La recherche sous les repressions, Saint- Pétersbourg : Naouka, 1994, p. 57-75.

ROSSIIANOV Kirill, « V. Stalin kak redaktor Lyssenko. K predystorii avgoustovskoï (1948) sessii

VASKhNIL » / « Staline était le rédacteur de Lyssenko. Sur la préparation de la session de mois d'août

(1948) de VASKhNIL », Voprosy filosofii / Les questions de la philosophie, 1993, n° 2, p. 56. MEDVEDEV Jaurès, Grandeur et chute de Lyssenko, Paris, Gallimard, 1971, p. 40-43.

Du point de vue des relations État-enseignement supérieur il convient ici de résumer : l’État a dépassé son rôle de coordonnateur dans la détermination des sciences enseignées dans les universités en devenant le procurer et le juge ainsi dans cet échange avec des conséquences négatives pour la société civile. La communauté scientifique et universitaire était soumise et n'avait pas les moyens de défendre sa vérité scientifique. Les universités ont dû suivre les directives inhibitrices concernant ces disciplines et les idées imposées par les chercheurs finalement incompétents soutenus par le pouvoir public. L'expression le « Lyssenkisme » est devenue idiomatique pour signifier la manipulation et la substitution du processus scientifique pour arriver à une conclusion prédéterminée liée à un objectif ou à une doctrine politique.

Les bureaucrates de l’enseignement supérieur ont interprété les conclusions de la session VASKhNIL comme le soutien officiel de Lyssenko par Staline, et ils ont commencé à agir. En 1948, l'ordre fut donné par le ministre de l’Enseignement supérieur Kaftanov du 23 août 1948 n° 1208 « Sur l’état de l’enseignement des disciplines en biologie dans les universités et sur les mesures de renforcement des facultés de biologie avec les cadres qualifiés des biologistes-mitchourinistes258 ». En

vue de cet ordre, les commissions spéciales ont été créées au sein des EES pour vérifier le cursus en matière de conformité avec la politique de l’État et changer les thématiques des thèses. Également, de nombreux manuels en biologie ont été retirés des bibliothèques des EES. 3 000 biologistes ont été licenciés y compris des recteurs et des doyens ; les mots « gène » et « chromosome » ont été interdits à l'utilisation dans les universités. Les chercheurs-biologistes ont donc travaillé sur ces sujets en clandestins : ils se sont réfugiés dans les départements des sciences proches (chimie, physique) pour conduire des recherches en biologie, loin des chercheurs comme Lyssenko259. Chnol témoigne que cela était possible au centre de recherche

Pouchtchino à 100 kilomètres de Moscou ou encore plus loin à Novossibirsk. L'Université d’État de Novossibirsk, fondée en 1958 et rattachée à la Division

258 Prikaz « O sostoianii prepodavaniia biologitcheskikh distsiplin v ouniversitetakh i o merakh po

oukrepleniiou biologitcheskikh fakoul'tetov kvalifitsirovannymi kadrami biologov-mitchourintsev » /

L'ordre n° 1208 Sur l’état de l’enseignement des disciplines en biologie dans les universités et sur les mesures de renforcement des facultés de biologie avec les cadres qualifiés des biologistes-

mitchourinistes du 23 août 1948. Disponible sur le site officiel de l'Université d’État de Moscou : http://letopis.msu.ru/content/letopis-biologicheskogo-fakulteta. Consulté le 20.08.2017.

sibérienne de l'Académie des sciences de Russie, était assez éloignée pour travailler avec une certaine liberté et moins de contrôle du Parti qu’à Moscou.

Ce conflit montre encore à quel point la position d’un enseignant-chercheur et même du collectif universitaire était fragile face au pouvoir. Dans la société totalitaire, le bilan de la confrontation des chercheurs avec le pouvoir public est encore plus grave. En fait, la confrontation entre la recherche fondamentale et le pouvoir public est toujours possible, parce qu’elle réside dans la nature des relations. Les acteurs des pouvoirs publics, n’étant pas des experts dans les domaines scientifiques, ont pour vocation de transmettre à une communauté scientifique les besoins de l’État. La communauté scientifique constitue un ensemble d’experts qui produisent, dans un délai difficilement défini, des choses préalablement inconnues mais probablement utiles pour l’État et pour la société civile. L'équilibre maximal et la productivité dans ces relations sont normalement garantis par la liberté de choix des méthodes de travail des chercheurs, avec la nécessité de rédiger des rapports sur les résultats acquis et sur les moyens dépensés. Dans le cas de la session de VASKhNIL, l’État s’est positionné en tant qu’expert en déterminant et en imposant les méthodes de travail pour les chercheurs, en interdisant des méthodes alternatives et des disciplines entières de recherche et d’enseignement.

La session de VASKhNIL a été un événement parmi les plus influents sur la recherche et l’enseignement de la période soviétique, mais ce n'était pas le seul épisode dans la poursuite contre les chercheurs dans les années 1950 pour des raisons de non-conformité avec la politique de l’État. L'appareil répressif de l’État continuait à lutter contre « les ennemis du peuple » dans toutes les disciplines. Parallèlement, certains chercheurs dont les directions de recherche convergeaient avec le cap du Parti, recevaient une attention particulière : le pouvoir public a stimulé et poussé « la ligne marxiste » de la recherche jusqu'au changement de fond des directions d'origine de recherche.

La session scientifique consacrée aux problèmes de la théorie physiologique de I. Pavlov de l'Académie des sciences de l'URSS et l’Académie des sciences médicales de l'URSS du 28 juin au 4 juillet 1950, et la session plénière du présidium de l’Académie des sciences médicales de l'URSS (avec l’assemblée plénière de la Société soviétique des neurologues et des psychiatres) du 11 au 15 octobre 1951, sont

connues dans l'historiographie soviétique comme les sessions de Pavlov (Pavlovskie sessii) ou, en singulier pour les deux sessions - la session de Pavlov (Pavlovskaia sessia). Elle présente un autre événement symbolique qui illustre de façon tragique le danger qu'il y a à transposer des doctrines politiques au système de recherche et d’enseignement. La discussion, organisée lors de ces sessions sous le prétexte d'impulser le développement des théories de Pavlov pour le mémoire du chercheur dans son jubilé (100 ans après sa naissance en 1949), est devenue, sous la direction de Staline260, un débat entre un groupe d’élèves de Pavlov contre un autre pour

déterminer qu’elles étaient des recherches qui s'écartaient des théories de Pavlov. Le Gensek Staline a participé à l'organisation de cette session, qui s'est terminée par l'exclusion de la physiologie soviétique du monde académique pour les années suivantes261.

Si l’on résume la discussion262 qui a eu lieu lors de la session, on peut dire que

certains chercheurs ont été verbalement attaqués par d'autres pour prouver qui avait le mieux compris comment poursuivre les doctrines du chercheur Pavlov. La partie soutenue par le Gensek Staline a montré un zèle particulier pour prouver que Pavlov n'a pas été influencé par les chercheurs étrangers (malgré le fait qu'il a travaillé avec Rudolf Heiden-hain et Karl Ludwig), et son génie était donc propre à l'URSS. Ce groupe de chercheurs a également essayé de trouver les contradictions dans les travaux de certains élèves de Pavlov avec sa théorie et les doctrines du Parti de Lénine et de Staline. Lors de la session de nombreux chercheurs qui s'occupaient des problématiques proches de celles développées par Pavlov ont été accusés de monopolisation du savoir et du diktat scientifique263.

260 KOSOLAPOV Richard (éd.), GRATCHIOV Mikhaïl et alii, Staline Joseph, Polnoe sobranie

sotchineni / Les œuvres complets, Volume 18, Tver' : Ed. Informatsionno-izdatel'ski tsentr Soyouz,

2006, 400 p., « Pis'mo Y. A. Jdanovou 6 oktiabria 1949 » / « La lettre [de Joseph Staline] à Youri Jdanov du 6 octobre 1949 », p. 303-305.

261 SOIFER Valeri, Staline i mochenniki v naouke / Staline et les escrocs dans la science, 2e édition,

Moscou : Ed. Dobrosvet, Gorodets, 2015, 479 p., p. 381-401.

BLOCH Sidney, REDDAWAY Peter, Diagnosis : Political Dissident, an Abridged Version of

Russia's Political Hospitals, The Abuse of Psychiatry in the Soviet Union, London : Overseas

Publications Interchange, 1981, p. 29, 220.

262 ASRATIAN Ezras (éd.), Naoutchnaia sessiia, posviachtchennaia problemam fisiologitcheskogo

outcheniia akademika I. P. Pavlova : Stenografitcheski otchiot / La session scientifique dédiée aux questions de la doctrine en physiologie de l’académicien I. V. Pavlov. Le compte-rendu

sténographique de la session, M : Édition de l'Académie des sciences de l'URSS, 1950, 734p.

263 ARCHAVSKI Ilia, « O sessii dvoukh Adademi » / « A propos de la session des deux Académies »,

in IAROCHEVSKI Mikhaïl (éd.), Repressirovannaia naouka / La science sous les répressions, Saint- Pétersbourg : Naouka, 1994, p. 239-249.

Finalement, la majorité des chercheurs critiqués ont été licenciés ou ont subi une mutation en province. Les « accusateurs », en revanche, ont obtenu des postes importants dans les structures de recherche, notamment, le rapporteur central de la session de Pavlov, A.V. Snezjnevski, qui s’est trouvé au somment de la hiérarchie médicale en URSS. D’autres personnes « du groupe -accusateur » de la session ont également réussi à monter l’échelle sociale. K. M. Bykov est devenu directeur de l'Institut de la physiologie en 1950 et lauréat de la médaille de Pavlov en 1951 ; Ivanov-Smolenski est devenu membre de l'Académie des sciences médicales et lauréat de la Prime de Staline en 1950. Ces évolutions de carrière sont encore une preuve supplémentaire qu'au fond de la démarche des chercheurs soutenant la ligne directrice des pouvoirs publics était la lutte pour des avantages socio-économiques264.

Le président de l'association indépendante de la psychiatrie, Youri Savenko, remarqua que la session VASKhNIL de 1948 et les sessions de Pavlov en 1950 et 1951 ont freiné pour plusieurs décennies le progrès de la génétique, de la physiologie et de la psychiatrie en URSS, impactant ainsi le développement économique du pays. Elles ont empêché les enseignants à enseigner en liberté et les étudiants à connaître les conquêtes des sciences importantes, en somme, d’accéder librement au savoir265.

Ces deux événements démontrent, en effet, la difficulté du développement de la recherche dans une société totalitaire qui impose des contraintes sur les enseignants- chercheurs qui ne peuvent pas exprimer leurs avis professionnels sans avoir peur de perdre leur liberté et endommager leur carrière. L'absence de dialogue ouvert, de discussion constructive, même de polémique qui est parfois nécessaire entre les enseignants-chercheurs et l’État ont eu un effet négatif sur le système universitaire et la communauté scientifique.

Les sciences qui ont eu la chance en URSS de se développer relativement librement sont la physique fondamentale et la mathématique utiles pour l’État à l'époque de la guerre froide, même si il y avait toujours un risque en cas de non- obtention de résultats nécessaires. Les mots de Staline adressés à Kourtchatov sont exemplaires : « Demandez tout ce qu'il vous faut [pour créer la bombe]. On ne

264 ARCHAVSKI Ilia, op.cit, p. 239-249.

265 SAVENKO Youri, « 60-letie Pavlovskoï sessii 1951 » / « Le jubilé de 60 ans de la session de

Pavlov de 1951 », Nezavisimy prikhiatritcheski journal / Le journal indépendant de la psychiatrie, 2011, n° 3, p. 5-7.

refusera pas266 ». Ou bien une autre citation de Staline de sa conversation avec Beria :

« Laissez l'équipe de Kourtchatov travailler pour l'instant...On aura toujours le temps après pour les fusiller267 ».

L’État investissait dans les établissements d'enseignement supérieur où ses disciplines avaient à leur disposition les moyens nécessaires pour se développer. Les deux instituts prestigieux inaugurés dans les années 1950 à Moscou - l'Institut de physique et de technologie de Moscou et l'Institut d'ingénierie physique de Moscou - avaient des facilités pour accueillir les enseignants et les chercheurs. Ces instituts d'enseignement supérieur recevaient des subventions du ministère de la Défense, et leur base matérielle était plus riche, plus évoluée que celles des universités, à l’exception des universités d'importance nationale comme l'Université de Moscou et l'Université de Leningrad, qui avaient également des possibilités d'avoir des laboratoires, des enseignants-chercheurs honorés et un équipement moderne.

Les sciences humaines et sociales n'avaient pas de moyens pour se développer autant que la physique ou la mathématique. Le poids idéologique du marxisme- léninisme était présent pour ces nombreuses disciplines pendant toute la période dite stalinienne. L’État contrôlait toute l'expression sur la vie politique, économique et sociale des enseignants-chercheurs et des étudiants. Une telle situation pour les sciences humaines sociales a déterminé l'évolution asymétrique des disciplines et des méthodes d'enseignement. Cela a également influencé la formation supérieure et l'éducation des élites politiques en URSS.

L'ouvrage Histoire du Parti communiste Bolchevik de l'URSS268, rédigé en 1938 sous la direction de Joseph Staline, décrivait l'histoire mondiale comme le processus de mûrissement des conditions préalables pour la Révolution de 1917 et pour la construction d'une société communiste. Dans l'enseignement de l'économie, la place centrale était occupée par l'économie politique marxiste, et dans l'enseignement de la

266 « Prosite vsio, chto ougodno. Otkaza ne boudet » cité de OUTKIN Anatoli, Mirovaia kholodnaia

voïna / La guerre froide mondiale, Moscou : Eksmo, 2005, chapitre X : «Potsdamskaia

konferentsiia » / « La conférence de Potsdam », p. 114-178.

267 Cité de LOUR'E Lev, MALIAROV Leonid, Lavrenti Beria. Krovavy pragmatik / Lavrenti Beria.

Un pragmatique sanglant, Saint-Pétersbourg : BHV-Peterbourg, 624 p., p. 518.

268 Texte intégral de l'ouvrage rédigé par une commission du PC (b) de l'URSS sous la direction de

Joseph Staline en 1938 et approuvé par le comité central du P.C. (b) traduite en français par Vincent Gouysse à partir de la réédition de l’Institut d’Études Marxistes disponible sur :

http://www.communisme-bolchevisme.net/histoire_du_parti_communiste_russe.htm. Consulté le 02.07.2017.

philosophie, le matérialisme dialectique. Ces concepts méritaient l'attention des analystes, mais ils ont été déclarés les seuls corrects et possibles à enseigner. Les autres concepts étaient déclarés par les pouvoirs publics comme étant des recherches et enseignements obsolètes ou fausses. Par exemple, la philosophie de l’idéalisme allemande a été critiquée en 1947 comme un concept « réactionnaire ». Beaucoup d'enseignants philosophes ont émigré. L’essai de Staline Sur le matérialisme dialectique et historique, à l’issue de sa publication en 1938, est devenu la base de l’enseignement de la philosophie269.

En raison de cette politique, les couches importantes des connaissances en sciences humaines et sociales ont été soit absentes dans le système soviétique d'enseignement, soit versées à petites doses et uniquement dans le cadre de la critique de « la science bourgeoise ». L'histoire du Parti communiste, l'économie politique et le matérialisme dialectique étaient des cours obligatoires dans les EES soviétiques, malgré le fait qu'ils étaient dans la plupart des cas éloignés du cœur des spécialités, détachés de la réalité et complexes à étudier. Ainsi, le processus d’apprentissage de ces disciplines présentait souvent la récitation de phrases toutes faites et des énoncés idéologiques.

L'enseignement de l'histoire dans les EES se caractérisait par l'aberration des orientations et des valeurs morales du régime tsariste voire la diabolisation des périodes présoviétiques. Après la période de 1917 à 1934, quand l'enseignement de l'histoire dans les EES était supprimé dans le cadre de la lutte contre le « chauvinisme », le « patriotisme cocardier » et « l’impérialisme russe » (velikoderjavnost’) au nom de « l'internationalisme prolétaire », Staline a décidé de faire revenir l'histoire dans le cursus universitaire pour remonter le patriotisme des jeunes, mais l'enseignement de la science a subi des modifications politiques. De nombreux hommes d’État, des agents publics de la période impériale de la Russie, ont été déclarés comme étant les « serveurs du tsarisme », leurs noms ont été rayés des manuels de l'histoire ou commentés de façon négative. Par contre, les personnages comme Stenka Razine, le chef d'un soulèvement contre la noblesse et la bureaucratie tsariste effectué via des moyens quasiment du banditisme, ont été déclarés des « héros

269 OGOURTSOV Alexandre, « Marksistsko-leninskaia filosofiia. Diskussiia 1947 goda » / « La

philosophie marxiste-léniniste. La discussion de 1947 » in FROLOV Ivan (éd.) et alii, Vvedenie v

filosofiiou / L'Introduction à la philosophie. Manuel pour les établissements d'enseignement

du peuple » ; les assassins d'Alexandre II, ont été appelés les « soldats de la liberté » et les « personnes progressistes ». Le résultat du poids politique sur l'enseignement de l'histoire était l'oubli de nombreuses personnalités et la perte des traditions historiques270.

1.3. L’échec de l’État dans la formation et l’éducation de l'élite politique

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