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L’enseignement supérieur prérévolutionnaire au regard des observateurs étrangers

faiblesses de la gouvernance totalitaire de l’enseignement supérieur 1.1 La nécessité d’une révision des missions de l’enseignement supérieur :

L’ ENSEIGNEMENT SUPERIEUR SOVIETIQUE DANS LE CONTEXTE INTERNATIONAL

1. L’enseignement supérieur russe dans l’espace européen avant et après la Révolution

1.2. L’enseignement supérieur prérévolutionnaire au regard des observateurs étrangers

L’université en Russie prérévolutionnaire, qui fournissait la formation fondamentale, était un établissement égalitaire existant à côté des établissements élitaires.

365 CHARLE Christophe, « La seconde transformation : recherche ou ouverture sociale ? (1860-

1940) », dans Histoire des universités. Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2007, p. 87-122., p. 115-116.

366 CHEVELEV Alexandre, Otetchestvennaia chkola : istoria i sovremennye problemy / L'école

russe : l'histoire et les problèmes contemporaines, Saint-Pétersbourg : KARO, 2003, 432 p.

367 CHEVELEV Alexandre, op.cit.

368 FITZLYON Kyril, BROWNING Tatiana, Les Russes avant 1917. La Russie sous le dernier tsar,

« Les grandes familles de Russie », rapporte Thomas Darlington, chargé au sein du ministère britannique de l’Éducation, d’enquêter sur le système russe en 1909, « n'envoient pas, en règle générale, leurs fils à l'université, préférant confier leur éducation à des écoles d'élite à caractère aristocratique - le lycée Alexandre, l’École de droit ou le Corps des pages. Les universités n'ont donc jamais participé de quelque manière que ce soit à la formation de classes dirigeantes, comme c'est le cas d'Oxford ou de Cambridge369 ».

La noblesse russe privilégiait les écoles supérieures militaires et techniques. Cela est dû à la longue histoire du régime militaire-féodal de l'Empire russe avec une forte tradition de la dominance de l’enseignement supérieur militaire. Ces écoles gardaient donc par tradition le privilège de former l'élite de la Russie, et l'université n'avait pas encore sa place d’établissement principal dans le système russe de l'enseignement supérieur, ses capacités de servir d’ascenseur social étaient réelles mais limitées. Son rôle augmentait au fur et à mesure, surtout dans le contexte du besoin de modernisation industrielle et du développement scientifique de la Russie, en retard par rapport à l'Europe370.

Il est intéressant de noter que si les Russes critiquaient volontiers leur système éducatif, en particulier le rôle qu'y jouait le gouvernement, les étrangers en avaient généralement une impression beaucoup plus favorable, comme l'a noté Maurice Baring. Cet observateur de longue date de la Russie a écrit en 1914 que « quelques années avant la Révolution un Russe appartenant aux classes moyennes instruites (…) extrêmement cultivées – tellement plus que notre Anglais moyen que la comparaison en devient idiote371 ». Baring a souligné le fait d'une forte implication des étudiants russes dans la vie politique du pays372. Aux yeux d'un autre analyste, qui a étudié le tsarisme, « Tout porte à croire (…) qu'en dépit de ses échecs dans d'autres domaines (…) le tsarisme accomplissait dans l'éducation de réels efforts, productifs et intelligents, au moment où le désastre militaire le retira de l'histoire373 ».

369 DARLINGTON Thomas, « Education in Russia », Board of Education, Special Report on

Educational Subjects, vol. XXIII, Londres, 1909, p. 431.

370 ZADONSKAIA Irina, « Istoria razvitia ouniversitetskogo obrazovania » / « L'histoire de la

formation universitaire », in ARTEMIEVA T. et MIKECHIN M., Filosofskiy vek, Almanakh, Vypusk

29, Istoria ouniversitetskogo obrazovania v Rossii i mejdunarodnye traditsii prosvechtchenia / L'époque de la philosophie, Almanach, n° 29, L'histoire de la formation universitaire en Russie et des traditions de l'éducation dans le monde, Saint Peterburg, 2005, 321 p., p. 141-148.

371 BARING Maurice, The Mainsprings of Russia, Londres : T. Nelson, 1914, p.191. Le livre scanné

est disponible sur le site officiel de la bibliothèque Internet Archive :

https://archive.org/details/mainspringsofrus00bariuoft. Consulté le 12.10.2017.

372 BARING Maurice, op.cit., p. 258-265.

373 ALSTON Patrick, Education and the State in Tsarist Russia, Stanford University Press, 1969, p.

Kyril Fitzlyon et Tatiana Browning considèrent que le gouvernement russe réussissait dans la réalisation de sa mission d'étendre l'accès à l'éducation à toutes les classes de la population. Ils considèrent le niveau de l'enseignement supérieur russe comme assez élevé. « Dans la sphère de la culture, de l’expérimentation et de l'accomplissement artistiques, la Russie parvint à occuper brièvement, avant d'être submergée par les flots de sa révolution, une place aux premiers rangs du monde européen, si ce n'est la première. Ce bref instant débuta, comme tant de choses semblent l'avoir fait en Russie, dans les années 1890 » témoignent ces auteurs374.

Pas de doute que l'essor de l'enseignement supérieur russe s'explique également par l'essor de l'enseignement supérieur secondaire. Puis, la croissance économique en Russie dans les années 1890 est due au développement rapide de l'enseignement supérieur375. Christophe Charle note l'avancement rapide de l'enseignement supérieur

russe dans la féminisation : avant-guerre (1945-1915), les femmes représentent 30% des effectifs de l'enseignement supérieur russe alors qu'elles partaient de presque zéro en début du siècle376. Les chercheurs russes Froumin et Kouzminov considèrent qu’en

1917 le système d’enseignement supérieur russe a réuni les qualités des universités allemandes et des grandes écoles françaises. Un grand nombre d’auteurs remarquent l’essor de l’enseignement supérieur russe dans les années précédant la Révolution et l’installation des bolcheviks au pouvoir377. Certains auteurs, comme Khanin, sont plus

réservés. Reconnaissant des succès, ce dernier estime que le retard de l'enseignement supérieur russe par rapport à celui de l'Europe n'a pas été rattrapé378.

La période inaugurée par la Révolution de 1917 est marquée par de nombreux changements radicaux et transformations sociales et structurelles. Néanmoins, il est possible de voir la continuité dans les variations de la population étudiante d'auparavant, ainsi que l'élargissement du secteur de l'enseignement supérieur. Le

374 FITZLYON Kyril, BROWNING Tatiana, op.cit., p. 90.

375 MILIOUKOV Pavel, op.cit., p. 300.

KHANIN Grigori, op.cit.

376 CHARLE Christophe, « La seconde transformation : recherche ou ouverture sociale ? (1860-

1940) », dans Histoire des universités. Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2007, p. 87-122, p. 116.

377 FROUMIN Isak, KOUZMINOV Iaroslav, SEMIONOV Dmitri, « Nezaverchenny perekhod : ot

gosplana – k master-planou » / « La transition inachevée : de la planification par l’État à l'adoption

du plan directeur (master plan) », Otetchesvenye zapiski, 2013, n° 4(55) disponible sur : http://magazines.russ.ru/oz/2013/4/7f.html. Consulté le 03.05.2015.

nombre d’établissements d’enseignement supérieur est passé en 1927 de 129 à 600. L'ouverture des admissions décidée par les bolcheviks fait s’envoler les effectifs jusqu'à 216 000 en 1922 (contre 127 000 en 1914) accueillis dans dix nouvelles universités et plus d'une centaine de nouveaux instituts techniques379. Lors du premier

quinquennat de l’Union soviétique, la croissance du nombre d’étudiants était de 2,5 fois. Le nombre d’étudiants augmente encore en 1933-1938 de 31%380. Lors des

premières décennies du nouveau siècle, le monde de l'enseignement supérieur se trouve dans la continuité, la diversification, l'expansion et la professionnalisation en URSS comme en Europe.

Outre ces tendances communes, l’interférence entre la politique et l'enseignement supérieur est à constater dans tous les pays au début du siècle, comme le souligne Christophe Charle. Les enseignants et les étudiants sont observés par les pouvoirs publics pour voir s'ils expriment des idées politiques indésirables. Malgré cela, l'élargissement de la base sociale de l'enseignement supérieur reste commun pour tous les pays occidentaux y compris la France, l’Allemagne et les États-Unis381.

1.3. La continuité de la référence allemande pour les reformes de

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