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Les photographies du catalogue de jouets : typologie Dans le domaine journalistique, la dimension codifiée des photographies

Macro-structure du catalogue de jouets

Chapitre 2 La communication catalogue Le catalogue présente un dispositif particulier par rapport aux textes

2.1. Une communication visuelle

2.1.2. Les photographies du catalogue de jouets : typologie Dans le domaine journalistique, la dimension codifiée des photographies

est une évidence : poignée de main à l'issue d'une rencontre diplomatique, bras levé du sportif, etc. (Lochard & Boyer 1998). Cette « grammaire du corps » captée par le photographe est également présente dans le catalogue. La photographie d’un enfant en pleine activité de jeu ou bien fixant l’objectif avec un sourire ravi relève également d’une codification.

Plusieurs types de photographies cohabitent au sein des catalogues de notre corpus. Une typologie des photographies présentes dans le catalogue permet de mieux décrire le fonctionnement de ce système sémiotique et de mettre au jour les relations qu’il entretient avec les deux autres vecteurs de la communication – le nom de jouet et le texte. On distinguera quatre grands types de photographies, selon que le jouet est photographié seul ou avec d’autres éléments, avec un arrière-plan ou avec un simple détourage17, avec une mise en scène ou non. On distinguera également les cas où la photographie apparaît seule et les cas où des ajouts photographiques complètent le dispositif iconique (photographie(s) de plus petite taille dans le module-jouet). Nous donnons ci-après des exemples des différents types rencontrés.

Le premier type de photographie (type A) est très courant dans les catalogues et prospectus commerciaux. Il s’agit du packshot, une photographie strictement codifiée. Régi par des règles strictes – gros plan avec marge spécifique, éclairage frontal et latéral (sans ombres), ni plongée ni contre-plongée, pas de flou ni de filé ou autre effet, un tirage qui garantit le respect des couleurs d’origines – le packshot peut être considéré comme une photographie exclusivement dénotative18. Il convient d’ailleurs de distinguer photographie commerciale et photographie publicitaire, conformément aux propositions faites plus loin au chapitre 3 (§ 3.1.1.) qui consistent à différencier discours commercial et discours publicitaire.

C’est d’ailleurs la photographie publicitaire et non la photographie commerciale qu’analyse Barthes19. Le jouet est photographié dans son emballage

17 Manipulation réalisée à l’aide d’un logiciel d’infographie (ou de photographie) qui consiste à supprimer l’arrière plan de la photo en traçant les contours précis de l’objet de façon à ne conserver que l’objet.

18 D’ailleurs, il existe même sur le marché un système automatique permettant de réaliser des

packshots. Il suffit d’installer un caisson-studio, de mettre l’objet en place et d’effectuer la vérification du cadrage sur l’écran de l’ordinateur. (source : http://actu.marketingphoto.com/ index.php?act=comment&idnews=155)

19 Barthes, qui a surtout travaillé, en matière de sémiologie de l’image, sur des images publicitaires (entre autres, la célèbre analyse des pâtes Panzani de 1964), considère comme utopique de postuler

(type A1) ou hors emballage (type A2) (illustration 8). La photographie est alors icône et a uniquement une fonction analogique. Si l’on applique au dispositif photographique l’appareil théorique de l’énonciation on parlera d’« énonciation zéro ». La photographie étant produite par un émetteur, il est assez courant de parler d’énonciation pour l’analyse de la production photographique. En revanche, comme pour la communication verbale, il n’y a pas toujours coïncidence entre le locuteur-photographe et l’énonciateur. Le photographe, s’il met en scène la fillette devant sa cuisine ou un garçonnet devant un établi, est bien le producteur du message mais il fait également entendre la parole collective au travers du stéréotype social homme/femme. Nous y reviendrons au chapitre 10.

Type A1 Type A2

Illustration 8 – Dispositif photographique de type A

Le second grand type de photographie (type B) constitue une sorte de description visuelle puisqu’il comporte en plus du jouet lui-même des éléments disposés ostensiblement devant lui (illustration 9). Il s’agit soit d’éléments constitutifs soit d’accessoires. On qualifiera ce type de photographie de « descriptive ». Le texte reprend (ou non) sous forme d’énumération les éléments montrés sur la photographie : peignes, brosse, maquillage… Dans cet exemple, seul le terme englobant accessoires est présent dans le texte (« vendue avec de nombreux accessoires ») alors que dans d’autres textes on peut trouver une véritable énumération. Dans la photographie de type B2, il y a bien une visée descriptive mais les objets posés devant l’emballage le sont selon un ordre précis : il ne s’agit pas tant d’énumérer des objets que de décrire une succession d’actions à accomplir avec ces objets. Dans la succession d’actions qui permet la réalisation d’une poterie, la phase initiale de la réalisation de l’objet est marquée par la présence à gauche de terre glaise sur le tour, ensuite les instruments qui permettent de faire des motifs, puis de peindre sont présentés avant de montrer à l’extrême droite deux pots finalisés. La photographie joue un rôle à part entière dans l’activité descriptive du module. Elle peut décrire non seulement les caractéristiques physiques (couleur, forme) de l’objet mais également des procédures.

Type B1 Type B2

Illustration 9 – Dispositif photographique de type B

Le troisième type de photographie (type C) présente le jouet en situation d’utilisation par des personnes ou personnages (illustration 10). On parlera de photographie « suggestive ». Une mise en scène est explicite à chaque fois et suggère la façon d’utiliser le jouet. On a distingué deux sous-classes selon que des personnages fictifs (type C1) ou humains (type C2) sont mis en scène.

Type C1 Type C2a Type C2b

Illustration 10 – Dispositif photographique de type C

On opérera une distinction entre les photographies faisant intervenir un personnage humain. Dans les photographies comportant un enfant-mannequin, la pose de celui-ci peut faire sens. Soit l’enfant paraît soit absorbé dans son activité ludique (type C2a), soit il est dans une pose frontale avec le regard dirigé vers l’objectif donc vers le « lecteur » (type C2b). Le deuxième type de photographie est beaucoup plus implicante que la première puisque le message est clairement adressé au lecteur. On constate en fonction des catalogues un usage différencié : si

La Grande Récré utilise très peu la photographie à pose frontale, le catalogue

Eveil & Jeux la systématise. Les deux types de photographies sont utilisés dans le catalogue Leclerc. Gavard-Perret (1993) montre que la présence humaine dans l’image est un facteur non négligeable de l’efficacité publicitaire. Même si son corpus est différent du nôtre (corpus de publicités), on peut également considérer

que dans le cadre de cette communication commerciale la présence humaine constitue un élément qui entre dans la stratégie persuasive d’ensemble.

Le quatrième type se présente sous forme d’une photographie principale accompagnée de photographies plus petites. Ces ajouts peuvent montrer une autre possibilité d’utilisation du jouet (types D1 et D2, illustration 11) : le PORTEUR 4 EN

1 peut être poussé au moyen d’une canne amovible et le BEBE GYM EVEIL MUSIQUE

peut être utilisé comme portique avant d’être utilisé en position verticale. Dans le type D3 (illustration 11), l’ajout consiste en un gros plan, comme un effet de zoom qui permet de mettre en valeur ou d’expliciter un détail du jouet. Dans ce module la tête du robot figure en gros plan pour montrer qu’un personnage se cache à l’intérieur. Le type D4 (illustration 11) explicite une opération. Par exemple, la série de quatre photographies montre les quatre étapes permettant de plier le HAPPY BALL. La photographie est alors argumentative et authentifie l’assertion « se plie en un tour de main », elle fait office de preuve en plus de vecteur d’argumentation propre. Les photographies de type D sont toutes « argumentatives » puisqu’elles focalisent l’attention sur un élément vendeur du jouet. On les mettra en relation avec les phénomènes de mise en saillance au plan du texte. Les fonctionnalités sont plus difficilement décrites par la photographie, le texte comporte d’ailleurs une forte fréquence de formes exprimant les possibilités fonctionnelles de l’objet (déverbaux en -ble, pouvoir + passif pronominal, analysés aux chapitres 8 et 9).

Ajouts photographiques

Type D2

Type D1

Type D3

Type D4

Dans le tableau 3, sont présentés les différents types de photographies relevés dans le corpus. La présentation matérielle de la photographie est mise en relation avec sa fonction dans le cadre de la communication catalogue.

Type A photographie « thématisante » Type B photographie « descriptive » Type C photographie « suggestive » Type D photographie « argumentative » présentation

matérielle Jouet seul (dans emballage ou non) Jouet + parties ou éléments du jouet Jouet + éléments extérieurs/arrière-plan Photographie additionnelle

fonctionnalité Poser le thème Décrire le jouet Suggérer l’utilisation du jouet Enoncer des arguments propres A1 A2 B1 B2 C1 C2a C2b D1 D2 D3 D4

Tableau 3 – Typologie des photographies du module-jouet

Nous aurons recours aux éléments de cette classification lors de l’étude du dispositif descriptif (infra 9.3.4) et du dispositif persuasif (chapitre 10).

On constate que les photographies comme les textes (ou comme les dénominations) peuvent faire l’objet de regroupements. En proposant un parallèle entre texte et photographie, on montre la pertinence à admettre l’existence d’un genre photographique non seulement dans le cadre du catalogue mais dans la sphère d’activité humaine. Les typologies photographiques varient en fonction des critères sélectionnés pour la classification : photographie de mode, photographie publicitaire, photographie de catalogue, photographie scientifique, photographie sportive, photographie de reportage (guerre, social, urbain…), photographie animalière, photographie de mariage… Les genres photographiques s’inscrivent comme les genres textuels dans des pratiques sociales et comme les textes sont des systèmes de signes. L’émetteur peut être clairement identifié et on parlera même de style (Raymond Depardon pour le reportage social, Robert Capa pour le reportage de guerre, Robert Doisneau pour le reportage urbain). La photographie peut être caractérisée par une visée : décrire, informer, prouver, choquer, émouvoir… Comme le scripteur utilise les ressources de la langue pour produire son message, le photographe met en œuvre plusieurs moyens pour délivrer le sien : cadrage, point de vue, éclairage, profondeur de champ, mise en scène ou saisie de l’instant, travail de l’image au développement…

La notion de genre photographique nous semble donc pertinente et nous sera utile dans son articulation au genre textuel et au genre dénominatif quand il s’agira de caractériser le genre polysémiotique du catalogue.