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Macro-structure du catalogue de jouets

PHOTOGRAPHIENOM JOUET

1.4. Les enjeux linguistiques

1.4.2. Caractériser un genre

On discutera au chapitre 3 du catalogue comme genre et du parcours heuristique qui nous a fait opter pour certains choix explicatifs (§ 3.4). On peut néanmoins présenter ici notre objectif de caractérisation du genre catalogue de jouets selon trois axes : une analyse textuelle « systématique » quantifiée, tracer les grands lignes du dispositif descriptif d’un document polysémiotique et mettre au jour les stratégies persuasives à l’œuvre.

Un des enjeux est de proposer une analyse basée sur des données quantifiées, non pour servir de preuve ou valider des hypothèses, mais parce qu’elles peuvent apporter un éclairage à notre démarche descriptive en mettant au jour des régularités de fonctionnement. Il reste à savoir ce qu’il convient de compter, ce qui est significatif ou pas. Certaines unités ou structures linguistiques peuvent être des « marqueurs » même si leur fréquence est très faible. Par exemple, « il était une fois » peut être considéré comme un marqueur du genre

conte (Beacco 2004 : 113) alors que la préposition de est surreprésentée généralement dans tous les corpus et ne peut pas donner lieu à une quelconque interprétation. Aussi avons-nous choisi de nous appuyer pour une étude quantifiée sur une grille d’analyse existante (Bronckart & al. 1985). Ce sera l’objet du chapitre 8. La possibilité de comparer nos données à celles obtenues par Bronckart sur ses textes « architypiques » (discours en situation, narratif, discours théorique) et « intermédiaires » (discours politique, discours pédagogique, éditorial) a également été déterminant dans notre choix. Il existe peu de méthodes quantifiées reproductibles, à moins de pratiquer explicitement une démarche TAL. La possibilité de mettre en œuvre des méthodes d’analyse quantifiée pour un corpus de taille moyenne sera interrogée dans le cadre de ce travail. Cela constitue en soi un questionnement intéressant en permettant de mettre au jour les rapprochements possibles entre linguistique de corpus et analyse de discours.

Selon Adam (1992, 1999 entre autres), tout texte peut se définir par une dominante séquentielle. Le descriptif fait partie (avec le narratif, l’explicatif, l’argumentatif, le dialogal) des cinq séquences prototypiques retenues par Adam (1992). Si cela n’est pas toujours facile à mettre en évidence tant la variété des textes et des genres est grande, il semble que pour le catalogue, la dominante descriptive puisse être posée. De nombreux travaux ont été réalisés sur la description (entre autres : Hamon 1981 ; Apothéloz (1983/199815) ; Adam & Petitjean 1989). Ces modèles explicatifs nous offrent un cadre cohérent pour rendre compte des phénomènes observés dans notre corpus.

Nous nous appuierons sur la structure arborescente (cf. schéma 3) d’Adam & Petitjean (1989 : 72) qui rend compte de la structure globale du texte descriptif (superstructure descriptive). Cette formalisation s’appuie sur les travaux de Grize dont Apothéloz (1998) s’inspire pour proposer les opérations de bases aptes à rendre compte de l’activité descriptive (aspectualisation, thématisation, assimilation, affectation). Adam reprend certaines de ces propositions pour aboutir à un schéma de la super-structure descriptive.

Schéma 3 – Super-structure descriptive (Adam & Petitjean 1989 : 72)

Le schéma d’Adam et Petitjean rend compte du système descriptif en donnant une représentation de la structure globale sous forme de hiérarchisation. Le thème-titre16 (objet décrit) assure l’opération d’ancrage (plan cognitif). Au sommet de la structure arborescente, il active au plan cognitif les savoirs mémorisés par l’individu, en termes de classe-objet et en termes d’aspects de l’objet. La classe-objet est une notion empruntée à la logique naturelle de Grize. La classe-objet regroupe un faisceau d’aspects (Apothéloz 1998 : 18-19).

Une classe non ensembliste dans laquelle peuvent entrer un nombre a priori indéterminé et non calculable d’éléments, qui ont pour seul point commun d’avoir tous quelque chose à faire avec la dénomination générique de la classe. Je nommerai ces éléments les aspects de l’objet.

Au deuxième palier de la hiérarchie, les différents aspects de l’objet sont introduits par une opération d’ASPECTUALISATION. Cette opération se réalise sous la forme d’une macro-proposition descriptive. On distingue deux types de propositions (ou macro-aspect) : (i) les « parties » du tout que constitue l’objet décrit (Pd. PART relations synecdochiques), (ii) ses « propriétés-qualités » (Pd. PROP forme, taille, couleur, etc.). Non obligatoire dans la super-structure, la MISE EN RELATION peut être de deux natures : une mise en relation-situation (Pd. SIT) ou une mise en relation-association (Pd. ASS). Dans la mise en relation-situation, l’objet décrit est mis en contact d’autres objets, le plus souvent dans le cadre d’une dimension spatiale (Sit. Loc) ou temporelle (Sit. Tps) ou bien selon une relation métonymique (Sit. Meto). La mise en relation-assimilation (Pd. ASS), qui consiste à rapprocher des faisceaux d’aspects de deux objets a priori étrangers, peut se réaliser par comparaison (Comp.), par métaphore (Méta.) ou encore par référenciation.

Au troisième palier de la hiérarchie, que l’on se situe sur l’une ou l’autre des branches précédemment définies, une nouvelle THEMATISATION peut s’effectuer. On peut sélectionner une unité apparue dans le champ des macro-aspects lors de l’actualisation pour en faire à son tour une sous-classe-objet (avec son faisceau d’aspects). Par exemple, les parties de l’objet décrit peuvent à leur tour être thématisées (THEMATISATION) et l’on retrouve la configuration du niveau 1 : ASPECTUALISATION et éventuellement MISE EN RELATION.

Nous retiendrons de ces propositions l’existence d’opérations cognitives marquées en surface par des éléments linguistiques. Nous mettrons donc en relation au chapitre 8 les opérations d’ancrage et d’aspectualisation avec des fonctionnements linguistiques spécifiques. Cet appareillage théorique nous fournira des éléments explicatifs pour rendre compte de la construction du sens

dans le module en problématisant notamment la notion de thème-titre qui s’avère être occupée à la fois par la photographie et par le nom de jouet, un relais du thème-titre pouvant figurer ou non dans le texte. L’activité descriptive laisse à la surface du texte plusieurs types de traces que l’on mettra au jour selon le questionnement « quelle forme pour quelle information ? » au sein de la démarche exploratoire évoquée plus haut, qui consiste à relever des régularités formelles et structurelles. Nous élargirons l’application des outils descriptifs aux autres vecteurs de sens – le nom de jouet et la photographie – pour rendre compte de l’activité descriptive en jeu dans le module-jouet.

Le mode de description dans le texte de catalogue apparaît bien plus standardisé qu’il ne l’est dans d’autres types de discours (littéraire, conversation…), tant au plan de la structure de la description que de son contenu thématique. Pour les jeux de société, par exemple, la première information concerne la catégorisation du jeu (jeu de stratégie…), ensuite vient le but ou le principe du jeu, puis le nombre de joueurs, l’âge requis et éventuellement une indication sur les piles (si le jeu fonctionne avec). Bosredon (2000 : 20) a pointé cette régularité des séquences dans son analyse des notices de catalogues d’objets d’art. Il décrit les notices comme étant des textes normalisés puisque l’enchaînement des « rubriques » (type d’information, en fait) est relativement stable.

Pour décrire cette structure, nous avons envisagé un moment d’utiliser la R.S.T. (Rhetorical Structure Theory) développée par Mann & Thompson (1988) et qui permet de mettre en évidence les systèmes de hiérarchie et de relations en jeu dans le texte. Même si nos textes n’ont pas une réelle dimension « rhétorique » (avec, par exemple, un bloc affirmation noyau et un bloc démonstration satellite) sur laquelle la R.S.T. appuie sa description des relations, l’outil semblait néanmoins intéressant et devait permettre de mieux cerner la façon dont se fait la construction du sens du texte (production et réception). L’intérêt était également de pouvoir faire un inventaire quantifié des différents types de structures. Il s’est avéré très vite, après l’étude de quelques modules, que cette méthode était trop coûteuse à mettre en œuvre compte tenu des moyens informatiques à mobiliser pour un corpus de la taille du nôtre. Nous avons donc choisi de décrire la structure des blocs « informationnels » à partir de deux catalogues Leclerc et La Grande

Récré, ces deux sous-corpus pouvant être explorés manuellement.

Nous avons procédé en plusieurs étapes : (i) une exploration du corpus nous a permis de repérer des types d’information récurrents (ii) l’expression de ces types d’information a été observée pour dégager (ou non) des régularités

avons analysé la succession des blocs informationnels (ordre, positions respectives). L’étape (ii) nous a permis d’esquisser une « grammaire » des textes de catalogue, des formes linguistiques étant associées de manière stable à des types d’information. Cela en complément des observations réalisées au chapitre 8 à partir de la grille de Bronckart.

Enfin, le dispositif persuasif sera examiné à plusieurs paliers. A un palier global nous utiliserons les éléments explicatifs issus de la rhétorique et proposés par Charaudeau dans son contrat de communication. Le contrat de communication du catalogue de jouets est présenté au chapitre 2 (§ 2.3). Nous chercherons également à mettre au jour les différents types de stratégies persuasives en les mettant constamment en relation avec des marques formelles repérables à la surface du texte qu’il s’agisse d’une argumentation directe (micro-argumentation) ou d’une stratégie basée sur le recours à d’autres voix ou d’autres discours. La visée persuasive échappe souvent à la caractérisation formelle, on y reviendra plus loin (§ 3.2.3). Ce sera un des enjeux : essayer de rendre compte par des marques de surface de la visée persuasive à l’œuvre dans le catalogue.

Chapitre 2 La communication catalogue