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Macro-structure du catalogue de jouets

Chapitre 3 Le catalogue de jouets comme genre

3.3. Genre et analyse du discours

Dans le domaine de l’analyse du discours comme dans celui de la linguistique de corpus et du traitement automatique du langage, toutes sortes de textes sont soumis à l’analyse. Tous les domaines de l’activité humaine sont concernés : les médias, avec les talk shows (Charaudeau 2005 ; Burger 2005), le journal télévisé (von Münchow 2004), les commentaires sportifs à la télévision (Deulofeu 2000) ; les textes techniques à usage domestique avec les recettes de cuisine (Manno 1998) ou les notices de montage (Adam 2001) ; les productions du secteur professionnel avec les lettres commerciales du secteur bancaire (Alberola Colomar 2002), les lettres de réclamation (Branca-Rosoff 1997) ou divers textes professionnels (Avias 1998), les guides touristiques (Rebeyrolle 2004) ; les « nouveaux » genres du Web : courriel, chat, pages Web (Askehave & Nielsen 2005) ; etc.

De nombreux travaux sont régulièrement consacrés à la question du genre, soit pour envisager les conditions d’une typologie, soit (mais cela est lié) pour définir des critères de classification. Sans être exhaustif on peut citer parmi les revues de linguistique différentes parutions de numéros thématiques consacrés à la question du genre : Ethnolinguistique de l’écrit (Langages n° 105 : 1992), Types,

modes et genres de discours (Langage et Société n° 87 : 1999), Genres de la

presse écrite et analyse du discours (Semen n° 13 : 2000), Les genres de la parole (Langages n° 153 : 2004).

Plusieurs cadres d’analyse sont possibles lorsque l’on envisage la description d’un genre de texte. On peut choisir d’opérer un repérage systématique d’un ensemble de traits linguistiques prédéfinis. D’autres approches consistent à limiter le repérage à certains traits qui seraient des marqueurs d’un genre textuel. La description d’un genre suppose donc comme pour toute activité descriptive des choix qui peuvent se situer à différents niveaux.

25 Poudat (2006) emploie ce terme à la suite de Malrieu qui utilise celui d’analyse différentielle des genres.

3.3.1. Caractérisation focalisée

Certains abordent la description du genre en focalisant l’étude sur un ou quelques fonctionnement(s) spécifique(s) des textes appartenant au genre considéré. L’objectif est de relever des « marqueurs » de genre. Sonia Branca-Rosoff (1999 : 115), par exemple, s’attache à repérer des « micro-particularités de langue » (néologismes, locutions, constructions spécifiques…) pour marquer l’appartenance à un genre. La description peut également porter sur des constructions syntaxiques à fréquence « remarquable », ce que propose Deulofeu (2000) dans son étude du genre commentaires sportifs télévisés.

L’intérêt est de ne pas limiter le repérage des « marques » du genre à des éléments strictement formels dont on a vu la difficulté d’interprétation à l’usage. L’articulation entre l’unité linguistique et la fonction ou le mécanisme langagier (ou discursif) est soigneusement théorisée. Même si le repérage se fait sur des éléments formels il y a en amont une hypothèse interprétative forte. La volonté n’est pas de tendre à l’exhaustivité de la description d’un genre, mais de pointer un fonctionnement qui sera mis en relation avec le genre.

La nature de ces « marqueurs » de genre peut être très diverse et relever de différentes parties du système de la langue et de différents paliers explicatifs. On peut citer entre autres : catégories morphosyntaxiques, lexique, constructions syntaxiques, structures informationnelles, type de dialogisme (cf. les contributions au colloque de Cerisy 2005), éléments polyphoniques (FlOttum 1999), types de points de vue (Rabatel 2005), intonation et gestuelle (Morel 2004)… Outre le choix des unités linguistiques, la prise en compte de leur position dans la linéarité du texte (début, fin, fil du texte, indifférent) peut se révéler indispensable. Enfin, il importe de clarifier leur mode de comptabilisation : présence vs absence, seuil de fréquence pour en faire une fréquence « remarquable », comptabilisation seule ou en corrélation avec d’autres unités…

Genre textuel et morphologie lexicale ne sont généralement pas rapprochés. On utilise pourtant généralement la notion de domaine ou de langue de spécialité pour nommer le cadre dans lequel certaines études morphologiques sont réalisées. Par exemple, l’article de Corbin & Paul (2000) Aperçus sur la

créativité morphologique dans la terminologie de la chimie utilise comme mots- clés : Lexicologie ; Terminologie ; Langue de spécialité ; Morphologie lexicale ; Créativité lexicale ; Formation des mots ; Affixation ; Etude comparative ; Langue commune ; Dérivation morphologique ; Français ; Chimie. L’ordre est significatif : lexicologie et terminologie sont liées par l’existence d’un domaine de spécialité (langue de spécialité) et les outils de la morphologie lexicale sont

convoqués pour rendre compte de la formation des dénominations produites dans un contexte spécifique. La prise en compte du domaine est donc bien réelle : le terme langue de spécialité renvoie à la conscience d’un fonctionnement spécifique à un domaine particulier et à un ensemble de situations de communication particulières. Etudier un genre ce n’est donc pas, pour nous, seulement étudier les « textes » au sens strict mais également le système dénominatif qui a cours dans le type de communication considéré.

3.3.2. Caractérisation séquentielle

Adam considère que les textes peuvent être décrits par une structure séquentielle et il s’attache à décrire les prototypes de schémas séquentiels de base (narratif, descriptif, argumentatif, explicatif, dialogal). Les séquences ou types de textes sont des catégories de base que l’on retrouve dans toute composition textuelle, et qui sont donc constitutives du texte. L’auteur propose un « modèle de la structure compositionnelle des textes » (Adam 1999 : 83) et non une typologie des textes.

L’unité « texte » étant trop complexe et trop hétérogène pour présenter des régularités linguistiquement cernables, j’ai situé les faits de régularité dits « récit », « description », « argumentation », « explication » et « dialogue » à un niveau linguistique que j’ai proposé d’appeler séquentiel. J’ai défini les séquences comme des structures relationnelles préformatées d’empaquetage de propositions et comme des unités compositionnelles plus complexes que la période, mais très inférieures au texte comme unité globale – mis à part le cas très rare des textes brefs mono-séquentiels. (Adam 2001 : 20-21)

Il considère donc que les séquences prototypées ne sont qu’un des niveaux dans les différents niveaux d’organisation de la textualité. Il considère même que les formes linguistiques observables sont déterminées à un niveau plus haut que la séquence c’est-à-dire par les genres discursifs donc par les données de l’interaction socio-discursive (action langagière inscrite dans un lieu social). Les genres du discours s’inscrivent dans des formations discursives (par exemple, le genre prière s’inscrit dans le discours religieux, le genre fait divers dans le

discours journalistique, etc.). Plus précisément, les discours correspondent à des « pratiques discursives propres à une formation sociodiscursive », les pratiques prenant la forme des divers genres du discours (Adam 1999 : 85).

La notion de séquentialité est également prise en compte dans les travaux de Sueur (1982) sur la Résolution Générale du congrès de la CFDT (1976). Il s’attache à décrire les régularités linguistiques en prenant en compte la place occupée dans la linéarité du texte. Plusieurs « séquences » composent une

Résolution : analyse (discours théorique), principes stratégiques (discours injonctif)… Chaque partie comporte des unités spécifiques : verbes non contrôlables à sujet animé, verbes non contrôlables sans sujet animé, par exemple, pour les deux premières séquences (Habert 2000).

Dans les travaux sur l’anglais (articles scientifiques du domaine médical), Biber et Finegan (1994) relèvent des différences linguistiques entre les différentes séquences d'un article scientifique : introduction (pronoms de première personne), méthodes (passifs sans agents, passé plutôt que présent), résultats (modaux de possibilité, présent), conclusion (pronoms de première personne).

Un texte est donc un ensemble hétérogène constitué de différents types de textes homogènes. On peut identifier ces types de textes tels qu’ils sont décrits par Adam (récit, description, argumentation, explication et dialogue). Mais si l’on affine la notion de séquence on peut aussi poser le type : introduction, conclusion… Les sous-types ainsi posés sont caractérisables au plan linguistique comme le sont les séquences d’Adam. C’est également l’opinion de Bronckart qui au fil de ses travaux finit par considérer que les seules équivalences possibles sont celles que l’on peut poser entre unités linguistiques et types de textes (séquences) ce qui remet (partiellement) en question ses travaux de 1985.

3.3.3. Caractérisation « globale »

On regroupe sous le terme caractérisation « globale » les propositions qui visent à une description d’ensemble en faisant varier les paliers d’analyse pour mieux circonscrire le genre. L’entreprise peut se doubler ou non d’une volonté typologisante. On évoquera les travaux de Maingueneau, Moirand et Charaudeau. Les propositions de Maingueneau témoignent du souci de prendre en compte la diversité des productions textuelles. L’auteur propose d’étudier les textes et les genres auxquels ils se rattachent dans le cadre d’une scène

d’énonciation (Maingueneau 1998). La scène d’énonciation est une notion plus large que la situation de communication. Elle se subdivise en trois niveaux : (i) une scène englobante qui renvoie au type de discours dont relève le genre (discours religieux, politique, publicitaire…) ; (ii) une scène générique qui est spécifiée par les paramètres du genre : rôle entre partenaires, circonstances de l’échange (espace/temps), support et mode de diffusion, finalité, etc. ; (iii) une scénographie qui est « instituée par le discours lui-même » et qui est la scène (presque au sens propre) construite par le texte, avec un lieu, un moment et des « acteurs » (représentation des énonciateurs/énonciataires). Par exemple, dans un roman par lettres, les lettres relèvent d’une scénographie construite par le texte, la

scène générique étant le roman et la scène englobante la littérature. La scénographie est donc plus ou moins contrainte selon le genre de discours. Elle peut être absente de certains genres comme l’annuaire téléphonique ou le formulaire administratif, alors que d’autres – ceux qui appartiennent au discours publicitaire, par exemple – comportent obligatoirement une scénographie. En lien avec la finalité persuasive, les scénographies utilisées permettent le plus souvent d’assigner un rôle valorisé au co-énonciateur (Maingueneau 1998 : 73).

Maingueneau a d’abord proposé une classification en trois catégories de genres : genres auctoriaux ; genres routiniers ; genres conversationnels. Il propose plus récemment de ramener à deux catégories sa classification : les genres

conversationnels et les genres institués (regroupant genres routiniers et genres

auctoriaux) (Maingueneau 2004). Les genres institués sont à leur tour divisés en sous-classes sur la base de leur degré de « normativité », c’est-à-dire selon le degré de contrainte qui s’exerce sur le genre. La scénographie est un élément clé dans cette classification.

• Les genres institués de mode (1) : les plus normés (annuaire téléphonique, fiches administratives, actes notariés).

• Les genres institués de mode (2) : présence d’un « cahier des charges » définissant l’ensemble des paramètres de l’acte communicationnel, mais avec une certaine « marge de manœuvre » laissée aux locuteurs (journal télévisé, fait divers, guides de voyage).

• Les genres institués de mode (3) : possibilité d’innovation (publicités, chansons, émissions de télévision).

Les genres institués de mode (4) : genres proprement auctoriaux dans lesquels l’auteur définit lui-même le statut de son œuvre.

Maingueneau a clairement et prudemment différencié les genres conversationnels des genres institués/institutionnels. Dès qu’il s’agit des genres de l’oral, l’appareil descriptif se complexifie en partie parce que le discours se construit dans l’interaction et que ces genres sont beaucoup plus sujets à variation, du moins en apparence. Ou encore, les études sur l’oral étant assez « neuves », la description des faits langagiers y est moins stabilisée. Moirand (2004) propose une grille d’analyse pour rendre compte des genres de l’oral. Cette grille comporte trois paliers de description.

• au niveau « macro », l’événement de communication qui se décompose en cadre physique, cadre participatif, rôles des interactants, finalités de l’interaction, etc. ;

• au niveau « meso », la mise au jour des sous-unités, séquences ou modules qui se construisent au fil de l’interaction soit autour d’activités cognitivo-langagières (les « types » textuels comme l’explication, la description, la narration), soit autour de fonctions pragmatiques qui combinent des actes de langage directeurs ou subordonnés dans des interventions monologales ou des tours conversationnels ;

• au niveau « micro », les marques formelles (d’ordre linguistique, pragmatique, sémantique, prosodique, kinésique). L’étude de leur réitération, combinaison et distribution est à mettre en relation avec les niveaux meso et macro (qui s’actualisent dans les marques formelles).

Ces niveaux rejoignent les trois niveaux (situationnel, discursif et sémiolinguistique) proposés par Charaudeau, qui considère également que les catégories et sous-catégories définies pour l’analyse doivent s’envisager dans leur articulation aux différents niveaux. Charaudeau a déjà été présenté plus haut (§ 2.3.1). A partir du contrat de communication qu’il fait évoluer depuis 1983, il propose un modèle explicatif qui permet de mieux appréhender (et classer) les genres. S’intéressant plus particulièrement au domaine et au discours des médias au fil des dernières années, le modèle s’est un peu complexifié pour rendre compte des réalités de ce type de communication.