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3 Performances financières des finances publiques

a Gestion des finances publiques et de l’équilibre budgétaire communal

Sur un plan théorique, Guengant (1999) considère que les communes peuvent être assimilées à des producteurs d’espace aménagé dans lesquels les équipements et les services publics constituent des prestations d’accompagnement des logements.

Sous l’effet de la concurrence intercommunale, les municipalités sont incitées à « subventionner » l’installation des ménages ou des entreprises jusqu’à hauteur du bénéfice marginal d’un nouvel habitant ou d’une nouvelle entreprise. En pratique, Guengant souligne que le budget communal finance une large part des coûts d’aménagement dans la perspective d’attirer de nouvelles bases taxables.

Guengant considère que la performance financière d’un investissement communal est mesurée par l’élargissement de la base fiscale consécutive. Or, les municipalités décident de leurs investissements en situation d’incertitude sur leur capacité d’amortissement puisqu’elles doivent anticiper le nombre de nouveaux arrivants. Guengant (1999) explique qu’ «en effet,

l’insuffisance du retour sur bases des programmes d’aménagement en cours peut exiger un relèvement de la pression fiscale pour couvrir les dépenses engagées. Dans cette éventualité, l’absence de différenciation des taux suivant la date d’installation dans la commune reporte automatiquement sur les contribuables déjà implantés l’essentiel de la charge supplémentaire exigée par la compensation des moins values de recettes induites par l’arrivée d’un flux trop faible de nouveaux redevables ».

Par ailleurs, nous avons observé que la croissance démographique engendre un accroissement des dépenses de fonctionnement du budget communal. Cette hausse des dépenses de fonctionnement provient pour partie de la diversification des services publics financés par la commune. Lorsque la population s’accroît, les demandes en services collectifs semblent s’orienter vers des services plus exigeants en personnels (diversification du personnel de mairie, crèche, cantines, services aux personnes âgées, services sociaux divers). En outre, Guengant (1992) montre que les dépenses d’investissement entraînent toujours une hausse des dépenses de fonctionnement récurrentes. Au final, les dépenses de fonctionnement s’accroissent plus vite que le montant des investissements (voir tableau précédent sur les dépenses communales) lorsque la taille de la population s’accroît. Or, les communes sont contraintes par les règles de comptabilité publique locale. Elles ne peuvent recourir à l’emprunt que dans le but de financer de nouveaux investissements. De plus, la croissance des dépenses de fonctionnement limite l’épargne brute et la capacité d’autofinancement de la commune. La diminution de la capacité d’autofinancement limite les possibilités de recours à

l’emprunt à long terme. La faiblesse de la trésorerie communale affaiblit la capacité de la commune à entretenir correctement son capital immobilier et à répondre à des évènements imprévus (dégâts, accidents…). Aussi, la croissance démographique s’accompagne-t-elle souvent d’une plus forte tension budgétaire.

Lorsque les municipalités sont prises de vitesse par le développement urbain et que leur capacité d’emprunt ne leur permet pas de répondre aux besoins en équipements publics des nouveaux résidents, elles peuvent décider de stopper leur urbanisation pour bloquer la croissance de la demande en services publics qui s’adressera à elles. Pendant ce répit, les municipalités s’efforcent de retrouver une santé financière (accroissement de leur capacité d’autofinancement et diminution du poids de la dette) ou de combler le retard de leur niveau d’équipement structurant en stoppant les dépenses de viabilisation collective. « De 1980 à

1995, la commune a subi une évolution nette, trop rapide en terme d’habitat. Depuis la municipalité a dû rattraper le déficit en équipements induits (deux écoles, une salle de sport polyvalente, un nouveau stade avec tribune et vestiaire). Parallèlement la maîtrise de l’urbanisation est allée jusqu’au quasi-gel : un petit lotissement de 13 maisons a été construit durant cette période. » in Wiel (2002).

b Arbitrage budgétaire des municipalités

Les municipalités arbitrent comme les agents privés entre les rendements anticipés et les risques d’un investissement en matière de développement urbain. Lorsqu’elles entreprennent un investissement pour favoriser le développement urbain, les municipalités arbitrent entre les coûts et les bénéfices de l’urbanisation pour le budget communal. Au chapitre des coûts les communes reportent les investissements engagés pour renforcer l’attractivité de la commune. Il s’agit d’une part des investissements pour rendre les terrains urbanisables viabilisables (adduction d’eau potable, assainissement) mais aussi du financement de l’aménagement urbain (voirie, éclairage, espaces verts), et d’autre part du financement des équipements d’accompagnement (école, station d’épuration). Les municipalités doivent également prendre en compte les charges récurrentes de l’urbanisation (personnel, entretien des équipements). Au titre des bénéfices de l’urbanisation, les municipalités comptabilisent d’une part l’élargissement de l’assiette des bases fiscales de la commune et d’autre part l’accroissement de la valeur des bases fiscales communales par la capitalisation des investissements publics. L’équilibre budgétaire sur le long terme se déplace au profit de dépenses de fonctionnement accrues et suppose des recettes de fonctionnement plus importantes. Une trop faible croissance démographique supposerait des recettes de fonctionnement insuffisantes pour assurer l’équilibre budgétaire et exigerait un relèvement des taux d’imposition qui affecterait l’utilité des anciens résidents.

c Principe du zonage séquentiel

Le zonage séquentiel consiste à segmenter la superficie destinée à l’urbanisation (NA98) par le POS. La superficie à urbaniser est subdivisée en plusieurs zones urbanisables 1NA, 2NA… Ces dernières sont ouvertes séquentiellement à l’urbanisation par des procédures de modification du POS. Le zonage permet de contrôler le rythme de l’urbanisation en ayant « un pied sur le frein ». Ainsi, le zonage séquentiel (dynamique) permet de contrôler l’adéquation des charges du développement urbain avec les capacités budgétaires de la commune. Les sous-zones, ainsi définies, permettent à la municipalité de réguler finement dans l’espace et dans le temps l’urbanisation. Gleeson (1979) présente le fonctionnement d’un zonage similaire aux Etats-Unis.

d Hypothèses sur les incitations à adopter un POS pour instaurer un zonage séquentiel

• Elargissement progressif de l’assiette fiscale des petites communes (H7)

La gestion des superficies urbanisables par un zonage séquentiel permet d’élargir progressivement l’assiette de la base fiscale communale. A chaque étape, le calcul du taux d’imposition nécessaire à l’équilibre budgétaire intègre l’élargissement précédent de l’assiette fiscale. De cette manière, la hausse cumulée des hausses successives des taux d’imposition est réduite par rapport à une hausse de la population équivalente réalisée en une seule étape. Cette incitation à étaler la croissance démographique intéresse principalement les petites communes. L’évolution de leur taux d’imposition est relativement plus sensible à la croissance urbaine du fait de la faiblesse de la valeur de leur base fiscale initiale. Elles sont d’autant plus sensibles à la taille des opérations immobilières. Aussi peuvent-elles préférer segmenter la croissance des bases fiscales pour amortir la croissance des taux d’imposition. Nous faisons l’hypothèse que les communes qui connaissent un accroissement important du taux de la taxe d’habitation auront plus de chances d’élaborer un POS.

• Congestion des biens publics locaux (H8)

Cooley et LaCivita (1982) montrent que la planification urbaine peut être analysée comme une réaction des municipalités à certaines inefficiences de la production des biens publics locaux. Ces derniers estiment qu’une collectivité locale aura plus de chances d’élaborer un zonage si elle rencontre des coûts marginaux croissants des services publics. De même, Gleeson (1979) porte une attention particulière pour les réseaux d’assainissement comme facteur d’adoption d’un zonage séquentiel. C’est aussi peut-être le cas des coûts de congestion des stations d’épuration. Au-delà d’un certain seuil de population, chaque nouvel habitant est

susceptible d’accroître la congestion de l’équipement et de représenter un coût marginal croissant pour la commune. Nous faisons l’hypothèse que les communes qui ont un réseau d’assainissement collectif seront d’autant plus incitées à adopter un POS. De même, nous faisons l’hypothèse que les communes qui comportent des équipements sportifs congestibles seront d’autant plus incitées à adopter un POS.

• Poids de l’endettement et santé financière de la commune (H9)

Lorsqu’une municipalité relève ses taux d’imposition suite à un aménagement urbain, elle reporte automatiquement par un effet base une part de la charge financière de l’aménagement urbain sur les anciens résidents. En outre, la municipalité peut recourir à l’emprunt pour accroître la taille du projet ou pour reporter une plus large part des coûts de l’urbanisation sur les nouveaux résidents. Lorsque la taille du projet d’aménagement urbain s’accroît, la hausse des taux moyens d’imposition de la commune, nécessaire au financement de l’investissement, peut être amortie par l’étalement du remboursement de l’emprunt. Cependant le risque d’un relèvement de la pression fiscale est également accru pour les anciens résidents lorsque la taille des projets d’aménagement s’accroît. Si le nombre de nouveaux résidents n’atteint pas celui anticipé par la municipalité, les anciens résidents verront nécessairement leur pression fiscale s’accroître pour assurer l’équilibre budgétaire (Guengant, 1999). Si l’emprunt permet de financer des projets plus ambitieux, il accroît également le risque d’une augmentation de la pression fiscale des anciens résidents. Les risques des investissements communaux sont supportés d’autant plus fortement par les résidents que leur contribution fiscale antérieure est élevée. Plus les risques sont élevés, plus les anciens résidents sont incités à exiger des garanties. La planification urbaine est une politique qui permet de gérer les incertitudes associées au développement urbain. Nous faisons l’hypothèse que le niveau d’endettement de la commune devrait accroître la probabilité pour une commune d’élaborer un POS.

• Croissance des dépenses de fonctionnement (H10)

Les municipalités qui connaissent une croissance démographique, connaissent également une croissance de la part de leurs dépenses de fonctionnement dans leurs dépenses totales. Cette augmentation du poids des dépenses de fonctionnement s’explique notamment par la croissance des charges de personnel (voir tableau précédent). Nous faisons l’hypothèse que la diversification de la gamme de biens publics locaux s’oriente vers des services plus consommateurs de personnel. En effet, le tableau sur la structure des dépenses des communes indique que les dépenses de fonctionnement et plus encore les dépenses de personnel s’accroissent avec la croissance démographique. En outre Guengant (1999) explique que même les investissements dans des équipements engendrent des charges récurrentes liées au fonctionnement et à l’entretien. Or la croissance des dépenses de fonctionnement accroît les

risques de déséquilibre budgétaire du fait de la faible autonomie fiscale et de l’interdiction d’emprunter pour financer ce type de dépenses. Aussi, nous faisons l’hypothèse que la croissance du poids des dépenses de fonctionnement et la croissance des dépenses de personnel par habitant incitent les communes à élaborer un POS. Le POS permet, notamment par le zonage séquentiel, de mieux contrôler la croissance des dépenses de fonctionnement et de faciliter la gestion de l’équilibre budgétaire. En coupe statique, nous faisons l’hypothèse que plus le montant des dépenses de fonctionnement par habitant est élevé plus une municipalité devrait être incitée à élaborer un POS.

• Horizons d’investissement public/privé (H11)

Il n’y a pas de raisons de penser que la date optimale de développement urbain des agents privés coïncide parfaitement avec celle des municipalités en matière d’investissements publics. En effet, un investisseur privé (lotisseur, aménageur, promoteur, propriétaire) peut repartir ses acquisitions foncières entre plusieurs communes ou même différentes aires urbaines (et investir dans d’autres produits financiers) afin de maîtriser le risque d’un choc sur la demande résidentielle. L’immobilité d’une commune expose celle-ci plus fortement aux aléas de la demande résidentielle. Plus le risque est faible, plus la date optimale d’investissement est rapprochée, toutes choses égales par ailleurs. Aussi, les investisseurs privés peuvent-ils avoir tendance à vouloir développer les terrains urbanisables plus rapidement que les municipalités. Par ailleurs, les différences d’horizon d’investissement peuvent aussi se fonder sur des rendements économiques différenciés. Les politiques de redistribution des communes ou le fonctionnement des marchés publics tendent probablement à diminuer le rendement économique des investissements communaux par rapport à celui des investissements privés. Plus le rendement est important, plus la date optimale d’investissement est rapprochée, toutes choses égales par ailleurs. Enfin, les investissements publics supposent des coûts irrécupérables qui peuvent être différent de ceux des investisseurs privés. Ces coûts irrécupérables confèrent une certaine irréversibilité aux investissements. Les irréversibilités accroissent le coût d’opportunité d’un investissement. La conjugaison d’un plus faible rendement, de l’immobilité spatiale et de l’incapacité à gérer le risque par un portefeuille, et du coût d’opportunité des irréversibilités contribuent à retarder la date optimale des investissements communaux par rapport à celle des opérateurs privés. Or les investissements publics dans des équipements d’accompagnement sont presque toujours nécessaires pour accompagner un projet de développement urbain privé. Nous faisons l’hypothèse que les municipalités sont, de ce fait, incitées à élaborer un POS pour pouvoir contrôler les dates de développement des terrains viabilisés. Grâce à la planification urbaine les municipalités optimisent leurs propres décisions d’investissement dans les équipements d’accompagnement et la performance financière de ces derniers. Le POS réduit le risque pour

une municipalité de devoir financer les équipements d’accompagnement d’un aménagement urbain alors que les finances publiques ne le permettent pas. Aussi nous faisons l’hypothèse que le niveau d’endettement de la commune devrait accroître la probabilité pour une commune d’élaborer un POS. En outre, la plus grande vivacité de la demande résidentielle devrait également accroître la probabilité pour une commune d’élaborer un POS.