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2 Les avantages du zonage

a Une intervention publique moins coûteuse à spatialiser

En pratique, le développement de la fiscalité incitative est très limité notamment au niveau des collectivités locales alors que les exemples de recours au zonage pour rationaliser le développement urbain sont innombrables. Un système de taxes pigouviennes apparaît comme une solution plus efficace que le zonage toutes choses égales par ailleurs, puisque les taxes ne provoquent pas d’effets de frontière. Willis et Garrod (1999) défendent cette idée à propos de l’opportunité de la régulation des carriers par les quantités ou par des taxes. Ils défendent que

“Where individual abatement costs and pollution costs differ between quarries, a tax would

have an efficiency advantage over CAC [Command and control] if the tax varied between quarries”47. En pratique, la différenciation des taxes pigouviennes est très coûteuse à mettre en oeuvre et parfois même impossible à cause de contraintes légales. Mais lorsque les pouvoirs publics doivent renoncer à instaurer un système de taxes incitatives au profit d’une taxe uniforme, l’efficacité et l’intérêt de la fiscalité incitative s’en trouvent considérablement réduits. C’est pourquoi, Garrod et Willis admettent que la régulation par les quantités et notamment par la planification peut être une forme de régulation plus adaptée. “Planning

controls can be tailored to the characteristics and externalities of a specific site; and are thus more spatially differentiated than a uniform tax.” Nous proposons de faire le parallèle avec la

régulation des externalités du développement urbain. Comme dans le cas des carrières, les externalités foncières du développement urbain sont localisées et varient selon les sites. La congestion et les nuisances provoquées par le développement urbain ne touchent pas uniformément les résidents. Le zonage est une réglementation spatialisée dont le coût de mise en œuvre diffère relativement peu d’une réglementation uniforme à l’échelle communale. De ce fait, le zonage apparaît comme un mode régulation à la fois plus efficace qu’une taxe uniforme et moins coûteux à gérer qu’un système de taxes différenciées.

b Acception sociale et préférences des autorités locales

Le zonage qui détermine les superficies affectées à l’urbanisation ou le nombre de lots urbanisables peut être assez aisément assimilé à un mode de régulation qui contrôle les quantités. Si l’on se fie au modèle de Buchanan et Tullock (1975), l’acceptation sociale des modes de régulation par le contrôle des quantités peut être potentiellement beaucoup plus importante que celle de la fiscalité dès lors que celle-ci n’est pas redistribuée.

Buchanan et Tullock (1975) expliquent, en effet, que les entreprises (employés et détenteurs du capital) n'ont pas intérêt à voir s’instaurer un système de taxes car il réduirait le rendement du capital ou bien menacerait leur emploi et leur capital si leur entreprise ne parvenait pas à rester rentable. Buchanan et Tullock soutiennent que les entreprises peuvent tirer parti des régulations par les quantités qui consolident les profits de l'entreprise en réduisant la production totale. Dans le cas d’une régulation par les quantités, la firme risque certes à court terme de supporter des pertes si la réduction du niveau de la production fait croître les coûts marginaux plus fortement que les prix. Cependant même lorsque la régulation aboutit à des

47 Là où les coûts d’abattement et les coûts engendrés par la pollution diffèrent en fonction les sites de carrières, une taxe aurait une efficience supérieure à celle permise par une réglementation si les taxes pouvaient varier selon les sites.

profits normaux du fait de l'entrée massive de nouvelles entreprises, le temps d'ajustement offre, selon les auteurs, aux entreprises qui recevront les premiers quotas, l’opportunité de réaliser des profits supérieurs au moins pendant un certain temps. Buchanan et Tullock estiment, en outre, que même si les entreprises devaient supporter des pertes à long terme, ces dernières seraient plus faibles que sous un régime fiscal. C’est pourquoi, ils défendent l’idée que les modes de régulation qui contrôlent les quantités sont stratégiquement privilégiés par les entreprises afin d’éviter l’instauration d’une taxe.

Néanmoins, les taxes permettent de collecter des ressources qui sont ensuite redistribuées, soit par la production de biens publics, soit par la réduction des autres taxes en vigueur. De ce fait, la redistribution constitue une incitation pour les bénéficiaires potentiels à défendre le recours aux taxes plutôt qu’un régime de quotas. Buchanan et Tullock (1975) soutiennent pourtant que malgré ces incitations, le recours aux quotas reste plus probable. La situation correspond à la configuration, décrite par Olson (1965), d'un petit groupe de pression, concentré, identifiable dont les intérêts s’opposent à ceux d’une masse diffuse. Les premiers sont souvent plus à même de faire entendre leurs intérêts notamment lorsqu'il existe des solutions alternatives comme la réglementation.

En matière de régulation du développement urbain, les pouvoirs publics locaux sont susceptibles de préférer le recours au zonage car il leur confère nettement plus de pouvoir et d’autonomie que la fiscalité locale, très encadrée par les services de l’Etat. Fischel (1992) rapporte que le zonage est un des pouvoirs, dont disposent les autorités locales, les moins contrôlables par le pouvoir judiciaire. “As judges frequently note, sometimes approvingly and

at other times despairingly, the police power, of which zoning is an example is the ‘least limitable’ of all government powers48.” C’est une idée quelque peu similaire qui transparaît de Morand-Deviller (2003) lorsqu’elle considère que la planification urbaine correspond en France à un « véritable exercice de législation locale ».

Enfin le zonage, lorsqu’il réglemente les nouvelles constructions (taille de lot minimale, coefficient d’occupation du sol, hauteur maximale de construction), s’applique principalement aux nouveaux résidents. Le zonage présente donc l’avantage considérable sur la fiscalité contributive de réglementer le développement urbain en laissant pratiquement inchangée la situation des résidents en place. Les tailles minimales de lots instaurées par le zonage ne concernent pas les anciens résidents (à l’exception de ceux qui souhaitent subdiviser leur terrain). L’acceptation sociale du zonage par les électeurs municipaux s’en trouve renforcée.

48 « Comme le remarquent fréquemment les juges, parfois opportunément d’autres fois inopportunément, le zonage constitue un exemple des pouvoirs réglementaires détenus par les pouvoirs publics parmi les moins contrôlables ».

c Réduction de l’asymétrie d’information par le zonage

L’asymétrie d’information entre les propriétaires, les promoteurs, les lotisseurs et les autorités communales d’autre part rend difficile l’évaluation des coûts privés du développement urbain par les pouvoirs publics. Cette information est pourtant primordiale pour réguler les coûts collectifs de l’urbanisation. L’article de Buchanan et Tullock (1975) constitue une référence pour la comparaison des coûts de la réglementation et du contrôle par les quantités par rapport à un recours à la fiscalité incitative. Ils estiment que les besoins informationnels sont similaires selon les approches et que ce n’est donc pas sur ce plan qu’une solution apparaît préférable à une autre. Il s’avère cependant que dans le cas du zonage, la procédure d’élaboration de celui-ci joue sur l’information dont dispose le régulateur.

On peut penser que l’observation des quantités, tels que le nombre de permis de construire, est plus facile que celle des prix. En particulier, la décentralisation de la compétence de l’urbanisme à l’échelon communal favorise la connaissance par les pouvoirs publics du fonctionnement du marché foncier local. De plus, on peut supposer que les élus municipaux évaluent plus facilement les effets sur le budget communal de la construction de x nouveaux logements que par exemple l’effet d’une taxe de y% appliquée aux constructions neuves. En outre, la procédure d’élaboration ou de révision du zonage permet aux autorités communales de collecter de l’information sur les coûts et les bénéfices privés de l’urbanisation à travers la concertation avec les agents impliqués. L’instauration d’une taxe pigouvienne ne donnerait pas l’opportunité de réaliser une enquête publique ni d’engager une concertation locale. Or, ces procédures peuvent se révéler utiles pour récupérer de l’information sur les coûts et les bénéfices des agents privés (voir partie III).

Par ailleurs, Glaeser et Shleifer (2001) suggèrent qu’un des grands avantages d’un contrôle direct des quantités (sur les taxes), réside dans le coût de contrôle de l’application et du respect de la réglementation. L’application et le respect du paiement d’une taxe requièrent un personnel spécialisé et coûteux chargé des contrôles alors que l’application des restrictions d’un zonage peut être renforcée, selon Glaeser et Shleifer, par la participation des résidents voisins. En effet, ces derniers peuvent presque sans coût contrôler le respect de certaines des dispositions du zonage : aux premiers rangs desquelles l’interdiction de construire. Le zonage offre donc l’opportunité de reporter une partie des coûts de contrôle de la réglementation sur des parties tierces.