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3 Bilan et perspectives des consommations foncières

a Une artificialisation progressive du territoire

Chavouet et Fanouillet (2000) rapportent qu’entre 1968 et 1999, tandis que la population urbaine s’est accrue d’à peine 8% (en passant de 70 à 75,5% de la population), la superficie occupée par les communes urbaines a, dans le même temps, crû de plus de 45% passant de 68 880 à 100 041km² (soit un peu moins d’1/5 du territoire national). L’imbrication entre les

usages urbains et les usages ruraux s’accroît en conséquence de la diffusion du développement urbain dans l’espace.

Selon l’enquête TERUTI de 200130 du service central des enquêtes et des études statistiques (SCEES) du ministère de l’Agriculture, les surfaces artificialisées (espaces bâtis + jardins et pelouses + parkings et routes) couvraient 43685km², soit 8% du territoire métropolitain. Les espaces bâtis occupaient 25% de cette surface soit 2% du territoire tandis que les routes les parkings représentaient 39% de cette surface soit 3,2% du territoire. Le reste, soit 35%, correspond aux jardins et aux pelouses qui couvrent 2,8% du territoire. Entre 1992 et 2001, les surfaces artificialisées ont augmenté de 15%. Alors que les espaces bâtis se sont accrus d’un peu plus de 10%, les surfaces construites pour l’habitat individuel ont, quant à elles, augmenté dans le même temps de 20%, celles pour les jardins et pelouses d’agrément liées à l’habitat de 18% tandis que les surfaces occupées par les routes et les parkings se sont accrus de 11%.

Selon les données de CORINE Land Cover de 2000, les surfaces urbanisées (espaces bâtis + jardins et pelouses) occupaient 4,8% du territoire. Depuis 1990, Naizot (2005) estime que la superficie des espaces urbanisés s’est également accrue de 4,8%. Bien que certaines régions apparaissent plus particulièrement touchées par l’extension récente du développement urbain comme l’Ile de France, la plaine d’Alsace, le couloir rhodanien, le littoral méditerranée ou le Finistère, Naizot estime que l’artificialisation s’est généralisée. Naizot souligne cependant que l’artificialisation du territoire est légèrement moins vive en France que dans le reste de l’Europe puisque les espaces urbanisées ont consommé 0,2% du territoire en France contre 0,26% dans le reste de l’Europe des 15.

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Extrait de MEDD, 2004.-Indicateurs nationaux de développement durable : lesquels retenir ? La documentation française, collection Réponses environnement.

Figure n°2 : Carte de l’évolution de l’artificialisation des sols en France

Source : IFEN in Naizot (2005)

b Les enjeux de la consommation d’espaces naturels et agricoles

Selon les données TERUTI, près d’un million d’hectares ont été artificialisées entre 1982 et 1998, soit l’équivalent à près de deux départements. Slak (2000) précise que « si on ajoute les

friches aux surfaces effectivement productives agricoles, on aboutit au constat suivant : les nouvelles occupations urbaines consomment, aux trois quarts, des espaces précédemment agricoles ». En remontant jusqu’à 1959, 2,5 millions d’hectares auraient été artificialisés au

détriment des usages agricoles et forestiers, selon un chiffre avancé par le PDRN31 2000-2006 établi par le ministère de l’Agriculture. Bien que la France ne manque pas de surfaces agricoles au regard des 25 millions d’hectares agricoles dont elle dispose, Slak (2000) estime que les sols agricoles ne représentent pas moins qu’une ressource rare qu’il convient de gérer comme telle et même un patrimoine naturel au même titre que l’eau. De nombreux experts du marché foncier agricole comme Bertrand, Levesque et Vilmin (2005), abondent dans le même sens et sur l’irréversibilité des conversions urbaines. Bertrand, Levesque et Vilmin rapportent qu’il faudrait seulement deux siècles pour consommer toutes les terres agricoles de la région Provence Alpes Côte d’Azur si les tendances se poursuivaient contre trois siècles en Ile de France et cinq siècles pour l’ensemble métropolitain. Ce délai ne serait que d’un siècle dans les aires urbaines actuelles et de cinquante ans sur le littoral de la région PACA selon ces mêmes auteurs.

Les incidences de l’artificialisation croissante des terres sont nombreuses sur l’environnement. Le ministère de l’Ecologie et du développement durable32 recense notamment :

• Consommation d’espaces fragiles

• Perte de ressources naturelles et agricoles

• Fragmentation des habitats naturels et agricoles par les infrastructures et entraves au déplacement de certaines espèces animales

• Imperméabilisation des sols et augmentation du risque d’inondation • Dégradation des paysages

Naizot (2005) explique en outre que les sols agricoles forestiers et naturels sont des interfaces essentielles pour la gestion des équilibres écologiques et des ressources naturelles : « au-delà

de leur caractère identitaire et patrimonial important, l’organisation « en mailles » des systèmes de prairies et bocages leur confère une fonction multiple de protection des sols contre l’érosion, de rétention des eaux de ruissellement, de préservation contre les pollutions diffuses et d’habitat propice à la diversité de la faune et de la flore ».

Au niveau communal, l’extension spatiale de l’urbanisation au détriment des espaces ouverts est susceptible de jouer négativement sur la qualité du cadre de vie résidentiel. De nombreuses études montrent en effet que les logements capitalisent modestement mais significativement des aménités associées aux espaces ouverts. On ne citera ici qu’Irwin (2002), Cavailhès,

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Plan stratégique de développement rural national

(2004) ou Cheschire et Sheppard (2005). En outre, les constructions isolées, notamment les bâtiments agricoles, peuvent constituer des irréversibilités sur les possibilités futures de développement urbain dès qu’elles génèrent des effets externes négatifs.

Enfin, la diffusion du développement urbain au sein des communes rurales s’accompagne également d’une diffusion des anticipations de plus value d’urbanisation et d’une hausse corrélative des prix fonciers agricoles. La transmission et l’agrandissement des exploitations agricoles s’en trouvent affectés.

c Une croissance plus importante dans les aires urbaines des communes rurales

Plateau et Rakotomalala (2005) observent qu’autour de nombreuses agglomérations telles que Rennes, Bordeaux, Toulouse, Nantes et Clermont-Ferrand, la distance moyenne des constructions neuves par rapport à la ville centre s’est nettement accrue. Ces derniers rapportent qu’à Rennes la distance moyenne est passée de 8,7 km entre 1990-1998 à 13,3 km entre 1999-2004 tandis qu’à Bordeaux cette distance est passée de 10,3 à 13,4 km. Plateau et Rakotomalala notent cependant que la distance s’est réduite à Marseille passant de 17,7 à 13,7 km, témoignant selon eux de la réhabilitation de quartiers urbains, et que l’aire urbaine de Nice semble se stabiliser tout comme celle de Paris.

Les dernières données statistiques de l’INSEE sur l’évolution de la population confirment cette tendance et révèlent que la croissance démographique s’est spectaculairement déplacée vers les communes les moins peuplées selon Piron (2005). Le recensement de 1999 mettait déjà en lumière que les communes, dont la population était comprise entre 2000 et 10000 habitants, présentaient les plus forts taux de croissance démographique. Mais depuis 1999, les communes de moins de 2000 habitants (EDU et EDR) ont vu leur croissance démographique exploser. Piron souligne que les communes de moins de 2000 habitants, où n’habitent que le quart de la population, ont reçu entre 1999 et 2003 près de 900 000 habitants supplémentaires, soit la moitié de la croissance de population de cette période. La croissance démographique a peu profité aux petits bourgs ruraux de moins de 10 000 habitants dont la population ne s’accroît que de 0,2%.

Figure n°3 : Graphique de taux de croissance démographiques annuel en fonction de la population communale 0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00 1,20 1,40 moi ns d e 50 0 ha bita nts de 5 00 à 100 0 de 1 000 à 20 00 de 2 000 à 50 00 de 5 000 à 10 000 de 1 0000 à 2 0000 de 2 0000 à 5 0000 de 5 0000 à 1 0000 0 de 1 0000 0 à 2000 00 plus de 2000 00

Classes de population communale

T a u x d e c ro is s a n c e

taux annuel de croissance démographique 1990-1998 taux annuel de croissance démographique 1999-2003

Source : INSEE in Piron (2005)

Ces tendances sont confirmées par les analyses de Morel et Redor (2006) des derniers résultats du recensement de population33 de l’INSEE : « le rythme de croissance de la population des communes de moins de 10 000 habitants a presque doublé depuis 1999 (+ 0,9 % en moyenne par an entre 1999 et 2004-2005 contre + 0,5 % entre 1990 et 1999). C’est pour les communes de moins de 2 000 habitants, et plus encore les plus petites d’entre elles, que cette accélération de la croissance a été la plus forte depuis 1999 : pour les communes de moins de 500 habitants, le taux de croissance annuel moyen a plus que triplé, passant de 0,3 % entre 1990 et 1999 à 1,0 % depuis 1999 ».

d La progression de l’artificialisation des sols dans les communes rurales de l’EDR

Les derniers résultats du recensement prolongent l’inversion du solde migratoire des communes rurales de l’EDR, devenu très légèrement positif en moyenne durant les années 1990. Il s’avère que désormais la croissance démographique des communes rurales (EDU + EDR) est plus importante que celle des agglomérations. « Depuis 1999, la croissance a été

plus forte dans les communes rurales que dans les communes situées dans les unités urbaines (+ 1,1 % par an depuis 1999 contre + 0,7 %) [tableau 2] ; la relation s’est donc inversée par apport à la période 1990-1999 (+ 0,5 % pour les communes rurales, + 0,6 % pour les communes des unités urbaines) » Morel et Redor (2006).

Figure n°4 : Tableau de l’évolution de la croissance démographique selon le ZAUER

Figure n°5 : Tableau des taux de croissance de la construction neuve et de la population

Source : Plateau et Rakotomalala (2005)

Plateau et Rakotomalala (2005) observent que l’essor de la construction neuve profite aux communes rurales et aux petites unités urbaines : « Les communes rurales ont accueilli 33%

des logements construits entre 1999 et 2004, alors qu’elles ne rassemblaient que 25% des logements existants en 1999 ». Ils soulignent que les taux de croissance de la construction des

communes rurales périurbaines restent les plus élevés avec 1,7% contre 1,1% pour les communes rurales de l’EDR. Les grandes unités urbaines comme Paris présentent un taux deux fois plus faibles avec 0,7%.

Les cartes précédentes sont tirées de Plateau et Rakotomalala (2005).

Il reste que depuis 1999 les communes rurales de l’EDR connaissent en moyenne un taux de croissance des logements neufs de 1,1%, identique à celui de l’ensemble des communes de l’EDU (pôles urbains + périurbain) alors que dans la période précédente le taux de l’EDR n’était que de 0,8%. Ce phénomène va au-delà du développement des résidences secondaires selon Plateau et Rakotomalala (2005). Il s’avère que la croissance de la construction de logements neufs s’opère de manière plus diffuse entre 1999 et 2004 qu’entre 1990 et 1998.