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2 L’existence d’incitations économiques au sein de la planification urbaine

a Une complémentarité entre fiscalité de l’urbanisme et planification urbaine

En plus de la flexibilité permise par les ajustements réguliers du zonage, des concours financiers peuvent constituer des compensations complémentaires des POS. Savy (1982) estime qu’en France, la pratique des dessous de table (‘side paiement’) ou d’une forme de rançonnement des promoteurs (‘exactions’) en échange de la délivrance d’un permis de construire avait libre cours avant la création de la taxe locale d’équipement (TLE) en 1967. Cette dernière devait mettre un terme à ces pratiques en instaurant un cadre légal au financement de l’urbanisation. Il semble rétrospectivement que la TLE n’ait pas reçu les

faveurs des communes et que des participations financières plus directement liées au zonage, aient été préférées par les communes.

Outre la TLE qui est une taxe externe au POS, d’autres formes d’instruments financiers existent au sein même des POS. Le plafond légal de densité (PLD), qui est considéré comme une taxe d’urbanisme (instauré en 1975), s’apparente à un système d’exaction. La participation pour dépassement d’un PLD consiste à verser une somme financière pour déroger aux règles locales d’utilisation du sol. Jacquot (1997a) explique que «cette

participation est égale « à la valeur de la surface supplémentaire de terrain qui aurait été nécessaire pour l’édification de la construction si le coefficient d’occupation des sols [COS] avait été respecté » (c. urb, art. L 332-2). Son régime a été harmonisé avec celui du versement pour dépassement du plafond de densité par la loi du 31 décembre 1975 et le décret n°75— 276 du 29 mars 1976 ». Cette mesure confère une grande flexibilité à la règle locale établie

par le zonage selon Jacquot. L’intérêt des PLD est de pouvoir plus facilement prendre en compte les effets de la croissance de la demande du développement urbain sur la commune. Elle peut s’analyser, à la manière de Fischel (1978), comme étant une forme de transaction d’un droit de développement collectif. Jacquot (1997a) explique également les dérives associées à cet instrument. « La possibilité qui est donnée de dépasser le COS par la LOF55

sous certaines conditions moyennant une contrepartie financière (dépassement de COS) peut conduire les auteurs de POS à fixer des COS assez bas dans le but de faire financer une partie des équipements nécessaires par les constructeurs obligés de demander des dépassements. Cette pratique est même encouragée par la circulaire n°79-31 du 19 mars 1979 relative au dépassement de COS en raisons de l’existence de projet tendant à renforcer la capacité des équipements collectifs ».

b L’intégration par les procédures contractuelles d’aménagement

Les procédures d’aménagement urbain, telles que les zones d’aménagement concerté (ZAC), sont des instruments complémentaires des POS pour réguler le développement urbain sur le plan financier. Elles offrent un cadre qui permet de rationaliser les coûts collectifs du développement urbain. Comby (1995) définit la ZAC comme « une zone où la collectivité

‘décide’ de procéder ou de faire procéder à des aménagements et où elle édicte un droit des sols spécifique ». Les ZAC sont très prisées à la fois des élus et des opérateurs privés. Ces

procédures lient de manière contractuelle une commune et un aménageur. Elles permettent, selon Comby (1995), aux communes d’aider l’opérateur en charge de l’aménagement à acquérir les terrains par le biais d’une déclaration d’utilité publique. Les ZAC conditionnent

l’ouverture de droits à bâtir à la réalisation des travaux d’aménagement nécessaires. Le financement et la réalisation des équipements sont négociés entre l'administration et l'aménageur. De la sorte, les ZAC s’articulent souvent étroitement avec les POS lorsqu’ils existent : les ZAC permettent d’organiser le développement urbain en planifiant la répartition des coûts collectifs de ce dernier56.

La commune est le maître d’ouvrage qui définit les objectifs de ses projets d’aménagement urbain (logements, activités, équipements…). Mais la commune n’ayant pas forcément toutes les compétences techniques nécessaires à la réalisation d’un aménagement urbain, elle peut déléguer la maîtrise d’oeuvre à une société d’économie mixte ou à un aménageur privé que l’on nomme parfois opérateur, en créant une ZAC. Les opérateurs privés peuvent négocier la rigueur des contraintes réglementaires (tailles minimales de lot plus faibles, moindre mixité sociale, emplacement des voies publiques, largeur des voies publiques, part des logements collectifs) en fonction des circonstances locales. La municipalité essaie, en contrepartie, de faire payer à l’aménageur un surplus en exigeant de ce dernier qu’il finance des équipements rendus directement nécessaires par l’aménagement (école, maison de retraite, espaces verts …). La commune cherche souvent, en plus, à associer au sein d’une même ZAC un projet par nature déficitaire comme une zone d’activité à une opération d’aménagement profitable. Nous considérons que les ZAC s’apparentent à un cadre institutionnel permettant la mise en œuvre des side payment au sein d’un budget globalisé. Le budget global de l’opération permet ainsi de subventionner le développement de zones d’activités. La commune en mettant en concurrence les aménageurs avec les sociétés d’économie mixte (SEM), les incite à accepter ces surcoûts.

c Une hypothétique prise en compte explicite des signaux de prix

Cheschire et Sheppard (2005) proposent une analyse économique de la planification urbaine et du zonage, c’est-à-dire une analyse du point de vue de l’allocation des ressources. Ils soulignent qu’au sein d’un système de planification, le niveau des prix fonciers des terrains non-développés signale la rareté relative des terrains fonciers urbanisables. Cheschire et Sheppard (2005) proposent de fixer des seuils de prix fonciers aux terrains non-développés qui lorsqu’ils seraient dépassés par les prix de marché, devraient conduire les autorités en charge du zonage à autoriser le développement urbain, à moins qu’un intérêt public au

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La distinction n’est pas aussi nette et l’engouement des élus pour les ZAC est venu bousculer l’utilisation des POS. Comby, J., 1997, "La loi d'orientation foncière trente ans après", Etudes foncières, n°77, pp. Ce dernier estime que beaucoup ont vu dans les ZAC des procédures dérogatoires aux POS déjà publiés. La loi SRU de 1999 est venue repréciser la nécessaire conformité des ZAC aux POS.

maintien du terrain dans son état non-développé soit démontré. Le seuil devrait correspondre aux coûts collectifs imposés par l’urbanisation (frais de viabilisation, investissements dans des équipements publics, charges récurrentes). Ils estiment que ces coûts d’urbanisation peuvent valoir jusqu’à 500 000 £ par acre. En prenant l’exemple de Reading en 2002 où le prix des terrains non développés s’élevaient à 2 000 000£ et la rente agricole à 2 500£, les auteurs montrent qu’à moins que l’utilité du maintien d’un terrain dans son usage agricole non développé dépasse les 1 497 500£, l’autorisation de construire devrait être délivrée par les autorités. Cette méthode de gestion des permis de construire est destinée à accroître l’efficacité de la planification urbaine en réduisant les coûts sociaux de celle-ci. Leur proposition s’adresse en premier lieu au système de planification britannique (où la délivrance d’un permis de construire est l’objet d’une décision où la planification n’est qu’un élément de décision) mais les auteurs signalent que leur méthode pourrait intéresser d’autres systèmes de planification urbaine des pays de l’OCDE. Cette méthode constitue un outil d’aide à la décision. L’application de cette méthode suppose que le régulateur, ou l’autorité publique en charge de la planification urbaine, intègre dans ses choix les arbitrages entre les bénéfices collectifs et les coûts sociaux de la planification. En ce sens, nous pensons que cette méthode pourrait peut-être intéresser les grandes communes urbaines pour rationaliser leur développement urbain. Elle serait plus indiquée pour une autorité qui aurait en charge la planification urbaine à l’échelle d’une agglomération ainsi que les questions de logements.