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2 L’évaluation empirique des externalités gérées par le zonage

Les résultats des travaux les plus anciens que nous présentons ici n’ont pas toujours une grande fiabilité, du fait des nombreux problèmes économétriques évoqués ci-dessus. Nous donnons néanmoins un bref aperçu de ces travaux pour illustrer les débats, aux arrière-fonds souvent idéologiques, qu’ils ont pu susciter.

a Le débat sur l’effectivité du zonage

Les travaux de Crecine, Davis et Jackson (1967) et Rueter (1973), désormais très anciens, trouvent que les usages non résidentiels affectaient plutôt négativement les valeurs immobilières. Ces auteurs concluent que l’existence d’effets externes n’était ni une justification pertinente ni une justification effective puisque le zonage aboutissait à diminuer les valeurs immobilières. Ces conclusions apparaissent aujourd’hui un peu rapides étant donné la faible fiabilité des résultats : ces travaux souffrent de l’omission de variables essentielles (caractéristiques du logement) ce qui laisse Pogodzinski et Sass (1991) douter de la qualité de leur résultats. Les travaux postérieurs de Grether et Mieszkowski (1980) ont mis en évidence que les usages non résidentiels non-conformes n’avaient pas d’effets systématiques sur les valeurs foncières. Ces derniers ont mesuré l’effet de la distance du logement à des aménités ou nuisances (logements collectifs, voie rapide, centres commerciaux) situées à immédiate proximité sur 16 zones urbaines. Dans seulement 5 cas, ils observent un effet significatif d’au moins une externalité. Pogodzinski et Sass (1991) critiquent le trop grand intervalle temporel de leur base de données (15 ans) qui ne doit pas manquer, selon ces derniers, d’induire des corrélations avec les variables omises. Maser, Riker et Rosett (1977) ne trouvent pas non plus d’effets sur les prix immobiliers, attribuables

aux usages non-conformes et concluent que les externalités négatives ne jouent pas sur les prix immobiliers.

Les auteurs, à l’origine des travaux précédents, ont soutenu que le zonage était inutile soit parce qu’il n’y avait pas d’externalités à internaliser (ineffectif), soit parce que le zonage ne parvenait pas à les éliminer efficacement. A l’inverse, d’autres travaux ont conclu que le zonage affectait le marché immobilier. Kain et Quigley (1970) trouvent que les usages non-résidentiels (commerciaux et industriels) exercent un effet positif sur le marché immobilier. Crone (1983) met en évidence un effet négatif des zones comportant des logements collectifs sur les autres usages fonciers et y voit une justification du zonage. Avrin (1977) suggère que la différence des taux de croissance des valeurs immobilières avant et après zonage s’explique par l’effet stabilisateur du zonage qui réduit l’incertitude sur les futurs usages du voisinage. Li et Brown (1980) réalisent une étude par la méthode des prix hédoniques sans s’intéresser spécifiquement à la question du zonage (land use controls). Leurs résultats montrent que le niveau du bruit, les aménités visuelles et la distance aux établissements commerciaux et industriels, qui sont tous à différents degrés soumis à des régulations publiques locales, affectent les prix immobiliers. Chicoine (1981) et Hushak (1975) montrent, quant à eux, que les prix des terrains fonciers réservés à des usages commerciaux sont plus élevés que ceux réservés à des usages résidentiels. Stull (1975) s’est attaché à évaluer, sur une quarantaine de juridictions, l’effet des proportions de différents usages fonciers au sein de chaque communauté. Il trouve que les proportions d’espace consacrées au logement collectif

(‘multi-family use’) ou à l’industrie ou aux espaces non développés (‘vacant land’) affectaient

négativement les valeurs médianes des maisons individuelles. A l’inverse, il trouve que le nombre d’établissements commerciaux dans une ‘community’ joue positivement sur les valeurs médianes des maisons individuelles. Lafferty et Frech (1978) proposent une évaluation similaire à celle de Stull (1975). Leurs résultats précisent l’effet des activités commerciales. Alors que de petits développements commerciaux exercent un effet positif sur les valeurs des maisons individuelles, les développements plus denses ont un effet négatif. Ils concluent qu’une municipalité qui souhaiterait maximiser ses valeurs foncières aurait intérêt à permettre le développement d’activités commerciales mais devrait s’efforcer de les concentrer géographiquement. Burnell (1985) distingue un effet externe positif des surfaces consacrées aux activités industrielles sur les valeurs immobilières et dans le même temps un effet négatif dû à leur pollution.

Fischel (1990a) soutient que l’absence d’effet significatif des proxies du zonage dans une régression hédonique peut être parfaitement compatible avec la conclusion que le zonage fonctionne relativement bien. En particulier, l’absence d’effet des usages non-conformes sur les prix fonciers ne signifie pas, selon lui, que le zonage soit inutile. Il explique que les usages

non-conformes observés sont ceux qui génèrent peu de nuisances et qui ont été tolérés ou intégrés par le zonage. Au contraire, il avance que le zonage a certainement permis d’empêcher le développement d’usages non-conformes fortement nuisibles qui, sans zonage, auraient pu s’installer à proximité des zones résidentielles. De ce fait, lorsque les économistes évaluent les effets des usages non-conformes pour tester la justification du zonage en termes d’externalité, ils font face à un biais de sélection et n’observent que les usages peu nuisibles. Fischel (1990a) a abondamment critiqué les études qui défendaient l’inefficacité du zonage en arguant que les études respectivement pour et contre l’hypothèse d’un zonage d’externalité sont assez différenciées dans l’espace : les premières sont localisées dans les couronnes périurbaines et les secondes dans les centre villes. Ces espaces se différencient selon lui particulièrement par le niveau de revenu de leurs résidents et le taux de propriétaires. Il souligne que si l’environnement résidentiel est un bien inférieur, les effets externes devraient se capitaliser plus nettement dans les communautés périurbaines. Fischel conclut par exemple que Mark et Goldberg (1986) ne sont pas parvenus à montrer avec leurs régressions que le zonage échouait à internaliser les effets externes négatifs.

b Le débat sur l’efficience du zonage

Fischel (1978) constate que les observations empiriques de la pratique du zonage montrent que ce dernier accroît les prix fonciers et alloue souvent trop peu d’espace au développement urbain ce qui conduit les économistes à douter de l’efficacité de ce type de zonage pour accroître le bien-être des agents. Cependant Fischel (1990a) s’est vivement opposé aux auteurs, qui arguaient de l’ineffectivité du zonage. Ce dernier pense que la seule raison de réduire les surfaces destinées à accueillir des usages commerciaux ne peut être que l’internalisation des effets externes négatifs sur le voisinage. Le ‘growth control’ induit selon Fischel des inefficacités mais qui doivent être contrebalancées avec ses bénéfices pour se prononcer sur son efficience selon le critère d’efficacité de Kaldor-Hicks du zonage. Fischel (1990a) estime que la hausse des prix fonciers urbains traduit le fait que les usages commerciaux sont insuffisamment pourvus en espace. Il soutient que ni la présence ni l’absence d’effets des usages non-conformes sur les prix fonciers n’implique que le zonage soit inefficient. Au contraire, Fischel recommande d’apprécier l’efficience du zonage au regard de sa capacité à faciliter les transactions pour épuiser les possibilités d’accroître le bien-être par rapport à d’autres systèmes de régulation alternatif. En outre, la manière dont les servitudes imposées par le zonage sont ou non compensées n’induit pas la même capitalisation dans les prix immobiliers concernés. Selon que les résidents voisins signent avec un propriétaire foncier un contrat de type ‘easement’ ou que la commune verse une somme forfaitaire au propriétaire lésé de type ‘lump sum tax’ ou encore que le zonage induise

un effet base ou un effet taux sur la fiscalité locale, les compensations ne se capitaliseront pas identiquement dans les prix immobiliers et les résultats de l’évaluation par la méthode des prix hédonistes des effets des usages non-conformes ou d’autres externalités sont susceptibles de diverger.