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Modèle de l’organisation pour l’action ergonomique

1.5 Les pathologies du stress

Le stress est un processus impliqué dans le développement de diverses pathologies. Pour faire un point synthétique sur le sujet, nous nous appuierons principalement sur les travaux de Philippe Davezies.

Mécanismes biologiques du stress

Sur le plan biologique, une situation de stress se traduit principalement par deux effets (Davezies, 2013). Le premier – le plus connu – entraîne immédiatement la libération d’adrénaline et de noradrénaline. Il sert à préparer l’ensemble de l’organisme à réagir à la situation. Le deuxième effet provoque, dans un second temps, la libération de cortisol. Comme le premier effet est coûteux énergétiquement à l’organisme, le second sert à assurer l’apport énergétique nécessaire. Il sert aussi à freiner et apaiser la réaction de stress. Le cortisol a longtemps été pointé comme la source d’effets négatifs sur la santé lorsque le stress devient chronique (Davezies, 2008). Mais les travaux des vingt dernières années montrent une situation plus contrastée et surtout plus complexe (Davezies, 2017), mettant en avant les défauts de contrôle de l’inflammation et le stress oxydant. Quoi qu’il en soit, le stress chronique est connu pour son rôle dans l’apparition de certaines pathologies.

Les troubles musculo-squelettiques

Le tendon est une structure active qui maintient son équilibre de fonctionnement par des processus de « nettoyage » et de « reconstruction » des microlésions face aux contraintes qu’il subit. Un tel équilibre, entre dégradation et régénération de cellules, par des effets inflammatoires et anti-inflammatoires, garantit un renforcement du tendon. Par contre, en cas de microlésions répétées – travail répétitif, par exemple – un déséquilibre va naître en favorisant une inflammation chronique pouvant créer une dégénérescence du tendon. Cette issue défavorable peut être aussi originaire d’un état inflammatoire de « bas grade » développé par l’organisme en cas de stress d’origine psychosociale, par exemple (Davezies, 2013). Cela signifie que l’organisme d’une personne effectuant un travail répétitif peut arriver à trouver un équilibre de réparation des microlésions subies mais qui, par des contraintes qui dégradent progressivement son rapport au travail, va entrer dans un processus de dégénérescence du tendon.

La dépression

La relation entre stress chronique et dépression tient son explication dans le phénomène d’inflammation. Sur le plan clinique, ceci est constaté par le fait que des personnes souffrant

de maladies inflammatoires développent des symptômes dépressifs (Davezies, 2017). Plus généralement, en situation de stress chronique, un processus de réactions chimiques en chaîne se met en place. Il a pour principaux effets une réaction inflammatoire du cerveau et un accroissement du stress oxydant. Deux conséquences importantes sur le fonctionnement du cerveau en découlent :

- L’inflammation réduit l’activité des neurones jouant un rôle majeur dans la programmation de l’activité motrice et de la motivation, ce qui entraine une inhibition de l’action, avec fatigue, perte de motivation, perte de capacité à ressentir les émotions positives, perte d’appétit, ralentissement psychomoteur.

- L’inflammation active une partie du cerveau responsable d’une fonction d’alarme, responsable de l’anxiété et des troubles du sommeil.

Les maladies cardiovasculaires

Enfin, la dernière catégorie de pathologies identifiées dans les effets de stress chronique concerne les maladies cardiovasculaires. Les principales causes identifiées sont liées à l’athérosclérose73. Mais la réaction de stress active aussi des systèmes capables de maintenir la tension artérielle en cas d’hémorragie, ce qui la lie au processus d’hypertension artérielle, elle-même une maladie des vaisseaux, des reins et du cerveau qui met en jeu le stress oxydant et l’inflammation.

Contrôle de l’inflammation et stress oxydant

Comme le précise Davezies (2017), la vision extrêmement négative du cortisol comme seul marqueur de stress et seule cause des effets négatifs sur l’organisme est « périmée ». Certes le cortisol est néfaste mais il est aussi un système de défense contre les conséquences pathologiques du stress, et cette défense peut faire défaut.

Dans certains cas, les personnes qui subissent un stress chronique peuvent connaître une baisse de sensibilité au cortisol ce qui explique le paradoxe de certaines pathologies inflammatoires associées à un taux de cortisol élevé. Le cortisol est sécrété mais son effet anti-inflammatoire n’agit plus.

Dans d’autres cas, qui nous intéressent particulièrement pour ce que nous développerons par la suite, l’action du cortisol va être perturbée très différemment. Ces cas concernent les personnes exposées à l’adversité sociale et qui ont développé des formes de répressions psychiques. Que ce soit lié au contexte familial et/ou professionnel (famille ouvrière par exemple), certaines personnes vont apprendre à prendre sur elles et à limiter progressivement leur capacité à exprimer les émotions (alexithymie). Or, l’expression émotionnelle et la sécrétion de cortisol sont étroitement liées car le développement de défenses psychiques contre la souffrance diminue la réactivité du cortisol. Dans ces cas, la

réaction de stress est mal ou pas contrôlée par le cortisol, ce qui génère des phénomènes inflammatoires. « Si la souffrance n’est pas exprimée, le stress est bel et bien vécu dans le

corps. » (Davezies, 2017, p. 14). Les personnes dans ces cas manifestent assez souvent des symptômes dépressifs liés à des atteintes somatiques (lombalgies par exemple).

Pour terminer, Davezies (2017) alerte sur les effets plus larges de l’inflammation et du stress oxydant qui pourraient potentiellement s’étendre à toutes les pathologies chroniques. Ceci ne signifie pas que le stress professionnel soit la cause de ces pathologies mais qu’il peut influencer leur apparition et leur évolution. Les effets pathologiques de certaines nuisances rencontrées au travail, comme l’amiante, la silice, les fumées de diesel ou encore les nanoparticules, pourraient être influencées par l’inflammation et le stress oxydant (Davezies, 2015). Finalement, « toutes les agressions de l’organismes sont susceptibles de se potentialiser parce qu’elles mobilisent toutes le complexe inflammation-stress oxydant » (Davezies, 2017, p. 18) (voir figure supra).

Figure 16 : Le stress oxydant : la plaque tournante entre les agressions et les pathologies (d’après Davezies, 2017)