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D’APPRENTISSAGE : PRESENTATION CONTEXTUELLE ET THEORIQUE DE LA RECHERCHE

CHAPITRE 3 : APPRENTISSAGES ET GOUVERNANCES

3. Gouvernances et conflits à l’origine d’apprentissages

3.2 Parties prenantes (Stakeholders)

Il est impossible d’aborder le concept de gouvernance sans parler de celui de parties prenantes. Ce concept permettra d’élargir les préoccupations de l’organisation en considérant également les intérêts autres que ceux des actionnaires. Après avoir décrit le concept de parties prenantes (Freeman, 2001), nous détaillerons les implications de la théorie des parties prenantes dans la compréhension des aspects descriptifs/empiriques, instrumentaux et

normatifs de l’organisation (Donaldson et Preston, 1995). En nous intéressant aux contrats implicites entre les parties prenantes, nous poserons également les bases d’une meilleure compréhension de la création de valeur au sein de l’organisation.

3.2.1 Concept de parties prenantes

Freeman (2001) définit les parties prenantes (Stakeholders) comme des groupes et des individus qui retirent un bénéfice ou peuvent subir des pertes du fait des actions de l’organisation. Dans le concept de parties prenantes, il intègre également la notion de

« droits » (rights) qui peuvent être soit bafoués, soit respectés par les actions de l’entreprise.

Ainsi, le concept de parties prenantes est une généralisation de la notion d’actionnaires, qui ont des attentes particulières vis-à-vis de l’organisation. De la même façon que les actionnaires ont le droit d’exiger certaines actions de la part du top-management, d’autres parties prenantes ont également le droit d’émettre certaines revendications. La nature exacte de ces revendications est difficile à définir mais leurs logiques restent identiques à celle de la théorie des actionnaires. La participation requiert des actions particulières en contrepartie et des participations conflictuelles des méthodes de résolution.

Freeman et Reed (1983) distinguent deux définitions principales du concept de parties prenantes. L’une, restreinte, comprend les groupes qui sont vitaux à la survie et au succès de l’organisation. L’autre, plus élargie, inclut n’importe quels groupes et individus qui peuvent influencer ou être influencés pour l’entreprise.

En se basant sur la définition restreinte, Freeman (2001) développe un modèle des parties prenantes de l’organisation (figure 3). Dans ce modèle, la participation de chacun est réciproque du fait que chacun peut influencer les autres en matière de bénéfices ou de pertes mais également de droits et de devoirs.

Les propriétaires ont une participation financière dans l’organisation et vont donc en attendre des contreparties financières. Les employés, en échange de leur travail, s’attendront à des compensations liées à leur sécurité, leurs avantages, leurs bénéfices et au sens de leur travail.

Les fournisseurs sont des acteurs essentiels au succès de l’organisation dans le sens où les matériaux bruts qu’ils délivrent déterminent la qualité du produit final et son prix. À l’origine du revenu de l’organisation, les clients échangent leurs ressources contre des produits de

3.2.2 Utilisation de la théorie des parties prenantes

La théorie des parties prenantes peut être utilisée pour comprendre des aspects descriptifs/empiriques, des aspects instrumentaux et des aspects normatifs dans l’organisation (Donaldson et Preston, 1995).

Du point de vue descriptif/empirique, la théorie est utilisée pour décrire et parfois pour expliquer des caractéristiques et des comportements particuliers de l’organisation. Par exemple, la théorie des parties prenantes a été employée pour décrire : 1) la nature de l’organisation (Brenner et Cochran, 1991), 2) la manière dont les managers pensent leur management (Brenner et Molander, 1977), 3) la façon dont les membres du conseil d’administration conçoivent les intérêts des groupes constitutifs de l’organisation (Wang et

Organisation

l’entreprise dont ils tirent profit. Les communautés locales accordent à l’organisation le droit de construire ou d’exploiter ses locaux et en retour reçoivent les taxes et contributions sociales de la firme. Le management a un rôle fondamental : non seulement sa participation passe par un contrat d’employés implicite ou explicite mais le management a également un devoir de protection vis-à-vis du « bien de l’entreprise ». Les compétiteurs ne sont pas inclus dans ce modèle du fait de la définition restreinte des parties prenantes. En effet, ils ne sont pas nécessaires à la survie ou au succès de l’entreprise.

Figure 3 : Un modèle des parties prenantes de l’organisation

Management

Communautés locales

Clients Employés

Fournisseurs Propriétaires

Dewhirst, 1992), et 4) la manière dont certaines entreprises sont gérées (Clarkson, 1991 ; Halal, 1990 ; Kreiner et Bambri, 1991).

Du point de vue instrumental, la théorie est utilisée pour identifier les liens ou le manque de liens entre les parties prenantes du management et l’atteinte des objectifs traditionnels de l’organisation (profitabilité, croissance, etc.). Plusieurs études instrumentales récentes utilisent des méthodes statistiques conventionnelles ou des méthodes basées sur l’observation directe et les entretiens. Ces études ont montré que l’adhésion aux principes et pratiques de la théorie des parties prenantes – versus les approches liées à la compétition – permet d’atteindre au mieux des objectifs de performance organisationnelle. Ainsi, Kotter et Heskett (1992) ont observé que des organisations aussi prestigieuses que Hewlett-Packard, Wal-Mart ou Dayton Hudson donnent une grande importance aux parties prenantes de leur business.

Du point de vue normatif, la théorie des parties prenantes est utilisée pour interpréter la fonction de l’organisation, en incluant l’identification des lignes directrices morales et philosophiques qui conduisent les opérations et la gestion des entreprises. Depuis le début, les aspects normatifs dominent dans la théorie classique des parties prenantes (Dodd, 1932) et cela continue dans des études plus récentes (Carroll, 1989 ; Kuhn et Shriver, 1991 ; Marcus, 1993). Même la critique célèbre de Friedman (1970) sur la responsabilité sociale de l’organisation a été construite sur un point de vue normatif.

Par ailleurs, la théorie des parties prenantes nous permet de considérer l’entreprise comme un construit social (Freeman, 2001 ; Donaldson et Preston, 1995). La pluralité des objectifs de l’organisation ne se limite donc plus à la seule maximisation de la richesse des actionnaires.

L’organisation devient une coalition tournée vers la viabilité et la pérennité de l’entreprise comme objectif commun.

3.2.3 Contrats implicites entre les parties prenantes

Depuis la théorie moderne de la firme de Coase (1937) et suite aux contributions qui ont suivi, l’organisation peut être vue comme une série de contrats interreliés au sein de la chaîne allant des fournisseurs aux acheteurs des produits/services finaux. Dans cette perspective, les parties prenantes de l’organisation vont au-delà des actionnaires pour inclure les clients, les fournisseurs, les distributeurs, les employés, etc.

Cornell et Shapiro (1987) se sont focalisés sur les parties prenantes extérieures au groupe des investisseurs et notamment sur leur rôle dans la politique financière de l’entreprise. Dans leur analyse, ils distinguent les contrats explicites des revendications implicites et soulignent que, si seuls les contrats explicites étaient considérés, les parties prenantes ne joueraient qu’un rôle superficiel dans la politique financière de l’entreprise. Ainsi, nombre de contrats implicites, liant le top-management à des parties prenantes extérieurs aux investisseurs, prennent la forme d’engagements tacites de fourniture continue, de livraison dans les temps, d’amélioration de produits et de sécurité de l’emploi. Du fait que la valeur des contrats implicites ne soit pas définie a priori, le prix que les parties prenantes vont payer pour le respect de tels contrats dépend de la santé de l’entreprise, notamment de sa santé financière.

Les contrats implicites ont une faible valeur légale. C’est la raison pour laquelle une entreprise peut ne pas les respecter sans pour autant faire faillite ou risquer une liquidation. En fait, il y a même des études qui considèrent les contrats implicites comme de faible importance hors du contexte où le risque de faillite est une éventualité (Titman, 1984 ; Chung et Smith, 1984). Pourtant, aussi longtemps que la probabilité de problèmes financiers reste faible, les contrats explicites envers les parties prenantes n’induisent pas de menace, et de fait ne peuvent pas expliquer les variations dans la valeur de l’entreprise.

Du fait que la valeur des contrats implicites demeure nébuleuse, et même quand l’éventualité d’une faillite est exclue, la valeur de ces contrats sera influencée notamment par les informations concernant la santé financière de l’entreprise (Cornell et Shapiro, 1987). Du fait que la valeur marché de l’entreprise dépende à la fois de la valeur des contrats explicites et implicites, le top-management devra prendre en compte la manière dont les informations véhiculées affectent la valeur des contrats implicites.

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