• Aucun résultat trouvé

D’APPRENTISSAGE : PRESENTATION CONTEXTUELLE ET THEORIQUE DE LA RECHERCHE

CHAPITRE 1 : CHANGEMENT ET IDENTITE ORGANISATIONNELS

1. Concept de résistances au changement

1.2 Origines des résistances au changement

Cette deuxième sous-partie détaillera les origines individuelles, organisationnelles et identitaires des résistances au changement. Si la littérature a d’abord souligné les limites psychologiques des résistants, elle a évoqué ensuite des raisons plus sensées aux résistances comme la perte de contrôle, l’identité et l’angoisse face au changement. Ces réactions individuelles consolident l’inertie de l’organisation face aux changements environnementaux et réduisent donc sa vitesse d’adaptation. Dans l’approche identitaire des résistances, l’organisation tente de préserver l’identité existante. Les résistances au changement

deviennent alors des mécanismes de défense individuels et organisationnels face à une transformation éventuelle de l’identité organisationnelle. Faire évoluer l’entreprise vers l’idéal-type d’organisation apprenante peut représenter une forme de solution pour atténuer les résistances en développant une culture tournée vers l’apprentissage individuel et organisationnel continu.

1.2.1 Origines individuelles

L’attitude de résistance d’un individu proviendrait de quatre causes classiques (Kotter et Schlesinger, 1979 ; Vas et Vande Velde, 2000) :

- un intérêt individuel lié à l’esprit de clocher, qui souligne que l’individu se concentre sur son propre intérêt en oubliant l’intérêt de l’ensemble de l’organisation

- un manque de confiance et une méconnaissance des intentions du changement, largement influencés par les expériences individuelles passées du changement

- une faible tolérance au changement par peur de ne pas être capable de développer les nouvelles compétences et les nouveaux comportements attendus

- une évaluation du processus de changement différente des managers ou des initiateurs du projet à mettre en œuvre.

Pour Jabes (1994), les résistances au changement relèveraient des facteurs psychologiques suivants (Paillé, 2003) :

- la peur de l’inconnu, qui traduit la difficulté des individus de laisser un contexte connu, et partiellement maîtrisé, pour un contexte supposé inconnu

- la crainte de perdre ce que l’on possède, qui explique le degré de résistance par rapport aux investissements de l’individu dans l’organisation

- la remise en cause des compétences, qui trouve une explication quand le changement est accompagné d’une évolution des emplois et éventuellement de leur contenu

- la préférence pour la stabilité, qui conduit l’individu à ressentir les besoins d’une sécurité dans son emploi.

D’autres auteurs suivent cette même ligne de pensée. Ainsi, Brenot et Tuvée (1996) catégorisent les origines des résistances individuelles autour de plusieurs thèmes-clés :

- l’ouverture d’esprit, qui relève du niveau de connaissances et d’éducation

- les aptitudes au changement (volonté de connaissance, de créativité et d’imagination) versus les fonctions routinières

- les raisons économiques, qui recoupent partiellement les raisons psychologiques car elles constituent une interrogation sur l’avenir et dépassent le cadre du changement pour s’inscrire dans une perspective plus globale

- les attitudes, les préjugés, l’esprit de clocher

- les craintes et les conflits, les sentiments d’insécurité, de méfiance, de jalousie, de pouvoir interpersonnel, d’intérêt personnel.

De son côté, Kanter (1983) soutient que les « récepteurs » résistent au changement pour des raisons sensées et prévisibles telles que :

- la perte de contrôle, où trop de choses sont faites vers les gens et trop peu sont faites par eux

- le sentiment d’incertitude, qui vient du manque d’information touchant aux étapes suivantes et aux actions futures

- le manque d’information, quand les décisions sont exposées sans préparation ni précision sur leurs motivations

- la confusion, qui découle de trop de changements simultanés

- le sentiment de perdre la face vis-à-vis des pairs, quand la nécessité de changer donne aux gens le sentiment qu’ils sont stupides par rapport à leurs actions passées.

Ouimet et Dufour (1997) proposent quant à eux des raisons identitaires en incluant la notion d’estime de soi. Ainsi, pour faire face à un changement et protéger son identité, l’individu peut avoir recours à un ensemble de mécanismes psycho-cognitifs (Paillé, 2003). Selon Taboada-Léonetti (1990), ces stratégies identitaires mettent en jeux les acteurs, la situation dans laquelle ils évoluent et la finalité qu’ils poursuivent. Ainsi, lorsque leur contexte d’emploi change, les individus définissent des stratégies qui visent une adaptation de leur identité aux conditions qui organisent la nouvelle situation.

Des raisons psychiques sont également évoquées (Jaques, 1996). Selon l’auteur, les structures d’une organisation représenteraient pour les salariés un puissant vecteur de canalisation de leurs angoisses. Cela leur permettrait ainsi de se concentrer sur leur activité professionnelle sans avoir à détourner une part de leur énergie pour se protéger d’une quelconque cause d’angoisse (Paillé, 2003). L’auteur propose que la résistance au changement pourrait provenir

« de groupes de gens qui se cramponnent inconsciemment à leurs institutions, parce que des

changements dans les relations sociales menacent de perturber les défenses sociales existantes qui protègent contre l’anxiété psychotique. »

1.2.2 Origines organisationnelles

Après avoir envisagé les causes des résistances individuelles au changement, nous détaillons maintenant les causes issues de la dynamique de groupe au sein de l’organisation.

Dans la théorie de l’écologie des populations (Hannan et Freeman, 1984), l’importance des routines standardisées et de l’institutionnalisation des buts pour assurer la pérennité des organisations est largement mise en évidence (Vas et Vande Velde, 2000). Ainsi, les différents groupes d'intérêts internes et externes préfèrent des organisations fiables qui rendent compte de leurs actions rationnellement. Il s’ensuit une inertie structurelle des organisations qui induit des résistances au changement.

Dans cette conception d’inertie de l’organisation, le passé serait une explication de l’évolution ou de la non-évolution de l’entreprise (Boeker, 1989 ; Kimberly, 1979). Quinn (1980) ajoute que les organisations auraient généralement tendance à préserver leur stratégie plutôt qu’à la changer radicalement, ce qui est appuyé également par Miller et Friesen (1980) qui soulignent que les organisations s’adaptent très lentement aux changements environnementaux.

De leur côté, Crozier et Friedberg (1977) positionnent le changement dans le champ conceptuel des rapports politiques. Dans leurs travaux, l’individu apparaît comme un acteur compétent, stratège et apte à la négociation, surtout lorsqu’il est en position de maîtrise d’une zone d’incertitude. Dans ce cadre, la résistance s’explique du fait d’une évolution du système de relations interpersonnelles qui semble inéluctable pour les salariés et les dirigeants (Paillé, 2003). Ainsi, la crainte des individus par rapport au changement prendrait une nature politique puisque l’évolution du contexte traduit une mutation des relations. Elle peut donc s’envisager comme une perte de pouvoir pour les principaux intéressés sur les différents acteurs avec lesquels ils ont créé le système de relations.

La structure organisationnelle, la culture, la stratégie et les rapports politiques contribueraient donc à un certain niveau de résistance au changement. Le changement peut même être perçu comme une menace pour le statu quo du groupe ou de l’organisation du fait des valeurs, des

normes sociales et des références auxquelles le groupe ou l’organisation se réfère et qui peuvent entrer en contradiction avec le changement.

1.2.3 Origines identitaires

Nous venons de voir que les valeurs, les normes sociales et les références auxquelles l’organisation se réfère – ces éléments font partie intégrante de l’identité organisationnelle – peuvent entrer en contradiction avec le changement et causer des résistances. Nous détaillons ici cette conception développée par Brown et Starkey (2000) qui fait le lien entre les résistances au changement, l’apprentissage et l’identité organisationnelle.

L’identité organisationnelle est relativement stable et durable, même si elle intègre une part de fluidité (Gioia et Thomas, 1996). Elle peut ainsi s’adapter de manière incrémentale (Dutton et Dukerich, 1991) et évoluer sur le long terme (Albert et Whetten, 1985). Pourtant, malgré le caractère potentiellement malléable de l’identité organisationnelle, les efforts de l’organisation pour préserver son identité vont souvent freiner l’apprentissage organisationnel (Gagliardi, 1986). Ainsi, les changements menés à l’intérieur de l’entreprise ne sont pas forcément associés à un apprentissage organisationnel et n’ont pas obligatoirement d’implications sur la manière dont les salariés perçoivent l’identité de leur organisation.

Les individus cherchent en fait à préserver leur identité personnelle à travers un besoin individuel d’estime de soi. De même, l’organisation tente de maintenir son estime de soi ce qui implique des comportements conservateurs pour préserver l’identité existante (Albert et al., 2000 ; Hogg et Terry, 2000 ; Scott et Lane, 2000). Partant de ces constats, Brown et Starkey (2000) font apparaître les résistances au changement comme des mécanismes de défense individuels et organisationnels face à une transformation éventuelle de l’identité organisationnelle. Ils proposent alors de faire évoluer l’entreprise vers l’idéal-type d’organisation apprenante pour atténuer ces résistances. Cela permet en effet de prévenir les mécanismes individuels et collectifs de défense qui opèrent au niveau imaginaire et visent le maintien des représentations actuelles (Lakhdhar, 2014). Brown et Starkey (2000) préconisent ainsi la diffusion d’une culture engageant les salariés dans un processus continu d’apprentissage et de développement de visions alternatives de ce qui peut former l’identité organisationnelle future.

Dans notre thèse, les résistances au changement seront donc étudiées dans leurs dimensions individuelles et organisationnelles mais également en lien avec l’identité organisationnelle et l’apprentissage.

Outline

Documents relatifs