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D’APPRENTISSAGE : PRESENTATION CONTEXTUELLE ET THEORIQUE DE LA RECHERCHE

CHAPITRE 1 : CHANGEMENT ET IDENTITE ORGANISATIONNELS

2. Processus de changement

2.1 Étapes réactionnelles individuelles

Nous aborderons le processus de changement en commençant par ses aspects individuels.

Ainsi, dans cette sous-partie, nous détaillerons d’abord le processus de compréhension puis le processus de deuil par lesquels passe l’individu pour accepter de changer. Ensuite, nous envisagerons les sept phases de préoccupation des destinataires du changement pour remettre entre les mains des managers l’accompagnement des étapes du changement individuel.

2.1.1 Psychologie du changement chez l'individu

Dans notre volonté de comprendre l’imbrication du changement individuel dans le changement organisationnel, nous abordons ici un modèle proposant une explication du cheminement que doit suivre l’individu pour accepter le changement.

Selon Kets de Vries et Miller (1985), le changement représente une menace pour l’individu et va susciter de l’anxiété en lui. L’individu est alors « la proie d’un conflit entre des exigences contradictoires : celles qui découlent de ses propres vœux, celles qui relèvent de la réalité extérieure. » (Kets de Vries et Miller, 1985, p. 99). Pour neutraliser l’anxiété, il va suivre les cinq étapes d’un processus de compréhension indispensable à tout changement (Kets de Vries, 2006 ; Autissier et al., 2014) :

- la crainte. Pour que le processus de changement puisse se produire, l’individu doit expérimenter un sentiment de crainte qui va l’inciter à envisager des alternatives à la stabilité. Pour envisager ces alternatives, l’individu doit accepter la situation même dans toute sa réalité négative.

- la confrontation. Une fois la nécessité de changer acceptée, le passage à l’acte nécessite un événement déclencheur. Avec la métaphore de la goutte d’eau qui fait déborder le vase, Kets de Vries explique comment l’individu confronté au changement voit sa résistance diminuer progressivement. Cela lui permet de se préparer à l’action et d’envisager de nouvelles possibilités. Il se sent alors soulagé d’un lourd fardeau.

- la clarification. Dans cette étape préparatoire, l’individu détermine ses intentions et les partage avec les autres. Les éléments de la confrontation sont approfondis et le problème est mis en pleine lumière.

- la cristallisation. Qualifié de voyage intérieur, l’étape de cristallisation permet à l’individu d’envisager une réévaluation réfléchie des objectifs et l’expérimentation de nouvelles alternatives. Elle conduit également l’individu à une meilleure connaissance de lui-même et à un nouveau commencement.

- le changement. Suite au voyage intérieur de l’étape de cristallisation, l’individu intériorise un nouvel état d’esprit qui confirme qu’il a effectivement changé.

Le processus de compréhension décrit ci-dessus peut paraître linéaire. Pourtant, l’issue du processus demeure incertaine car chaque individu peut osciller entre les différentes étapes sans jamais arriver jusqu’au bout du processus.

2.1.2 Courbe de deuil du changement

Pour que l’individu puisse accepter complètement le changement, il est nécessaire que le processus de compréhension abordé ci-dessus s’associe à un processus de deuil (Kets de Vries et Miller, 1985). Il s’agit donc pour l’individu d’apprendre à oublier les anciennes manières d’être et de procéder pour arriver progressivement à accepter la perte d’un passé révolu (Autissier et al., 2014).

Selon Kets de Vries (2006), le processus individuel de deuil est un changement intérieur donc peu observable. Il passe par les quatre étapes suivantes :

- la peur, qui entraîne la confusion dans l’esprit des individus. Ils cherchent alors la stabilité et le réconfort dans la routine des tâches quotidiennes.

- l’incrédulité. Cette étape est caractérisée par l’idéalisation d’un passé révolu.

L’individu refuse d’accepter le changement et souligne comment il avait l’habitude de se passer des nouveautés qu’il apporte. Un comportement réactif se construit alors pour défendre les acquis.

- le renoncement, qui traduit une phase d’introspection. L’individu arrive à admettre le problème, ce qui le prépare à chercher à le résoudre et à renoncer aux anciennes façons de faire. Les nouvelles attitudes et les nouveaux comportements vont pouvoir être explorés et progressivement acceptés.

- l’acceptation. Véritable prise de conscience des côtés positifs du changement, cette étape amène l’individu à intérioriser les nouveaux comportements qui deviennent une seconde nature.

Cette conception du processus de deuil se rapproche de celle de Bareil (2004) qui souligne davantage le lien du processus de deuil avec la résistance au changement. Quatre grandes étapes réactionnelles sont également décrites :

- le choc. Aussi appelé déstabilisation ou décristallisation, cette étape de torpeur et d’insensibilité a l’objectif d’absorber le changement et de préparer une réponse.

- la résistance. Cette étape est caractérisée par la perte d’un passé auquel l’individu était habitué. Il ressent alors de l’anxiété, de l’appréhension ou de la tristesse et cherche à défendre ses acquis.

- l’ouverture. L’individu va explorer de nouveaux comportements et se redéfinit progressivement. Il éprouve de la confusion, de la résignation mais aussi du soulagement.

- l’engagement. Aussi appelé cristallisation ou adoption, cette étape d’acquisition de nouvelles croyances vise à stabiliser les comportements et à adopter de nouvelles habitudes de travail. L’individu va ressentir du bonheur, de la fierté ou de l’espoir.

En ajoutant le processus de compréhension décrit dans la sous-partie précédente au processus individuel de deuil ci-dessus, le changement individuel nous semble encore assez nébuleux.

En effet, les auteurs restent vagues sur la manière dont un individu peut passer d’une étape à l’autre dans ces processus. Nous avons donc cherché une conception qui permettrait de remettre entre les mains des managers l’accompagnement des étapes du changement individuel pour mener à sa réussite.

2.1.3 Sept phases de préoccupation des destinataires du changement

Notre phase de cadrage du changement se poursuit par une caractérisation du changement individuel via une chronologie de préoccupations. La préoccupation est définie comme « un sujet sur lequel on s’interroge et sur lequel on aimerait avoir des éclaircissements ou des éléments de réponse. » (Bareil et Savoie, 1999, p. 89).

Ainsi, chaque individu destinataire du changement passe par différentes phases de préoccupations (Bareil, 1997 ; Autissier et al., 2014) :

- aucune préoccupation (phase 1). Aussi appelée phase de déni, cette phase est caractérisée par l’absence de préoccupation chez le destinataire du changement. Il poursuit ses tâches quotidiennes sans se sentir concerné par le projet de changement qui a pourtant été annoncé.

- préoccupations centrées sur le destinataire (phase 2). Une prise de conscience progressive de la réalité du changement a lieu et les préoccupations du destinataire s’orientent d’abord sur lui-même. Il développe des inquiétudes sur l’impact que pourrait avoir le changement sur sa vie. Il expérimente alors de l’incertitude, de l’inconfort et une certaine anxiété qu’il va chercher à réduire.

- préoccupations centrées sur l’organisation (phase 3). Ayant été informé des conséquences du changement sur son travail, le destinataire s’interroge sur le sérieux du projet, la volonté et la capacité de son entreprise à changer. Ses préoccupations seront d’autant plus fortes si l’organisation a connu une période de grande stabilité ayant donné lieu à une forte inertie ou si l’entreprise a vécu des échecs de changements dans le passé.

- préoccupations centrées sur le changement en lui-même (phase 4). Maintenant convaincu que le changement va avoir lieu, le destinataire cherche à obtenir davantage d’information sur le projet. Il s’interroge sur son objet, sur les délais d’implémentation, sur les avantages et les inconvénients qu’il implique.

- préoccupations centrées sur les compétences (phase 5). Cette phase est caractérisée par des interrogations et des inquiétudes du destinataire qui se demande s’il aura les compétences et le soutien suffisants pour se conformer au changement. Il s’en suit une perte de repères et le destinataire se sent perdu, maladroit et incompétent.

- préoccupations centrées sur la collaboration (phase 6). Certains destinataires expérimentent de la curiosité et un désir de partager des informations avec leurs

collègues sur la mise en œuvre du changement. Cette phase offre l’opportunité du partage d’expérience et de bonnes pratiques pour une meilleure intégration du changement.

- préoccupations liées au souci d’amélioration continue du changement (phase 7). Dans cette phase, le souhait d’ajustement, de retouche du changement est exprimé par certains destinataires. De nouvelles applications au changement sont proposées, ou l’amélioration de l’une ou l’autre des méthodes de travail.

Ce modèle des sept phases de préoccupation offre l’avantage de présenter trois vertus importantes. Non seulement il permet de comprendre l’état mental des individus confrontés au changement mais il replace également la responsabilité de la réussite du projet entre les mains des managers à qui il revient de répondre aux préoccupations des destinataires. Ce modèle montre aussi l’importance d’adapter les actions managériales en fonction des phases dans lesquelles se situe chaque destinataire du changement.

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