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Dans la démarche inductive que nous conduisons, le cadre conceptuel sert à détailler notre approche des concepts qui permettront d’étayer notre thématique de recherche. Ainsi, l’objectif de la Partie 1 n’était pas d’aboutir à une revue de littérature exhaustive dont nous tirerions des hypothèses qu’il faudrait alors vérifier dans une démarche hypothético-déductive, mais plutôt de créer des balises conceptuelles qui orienteront notre processus de découverte empirique. Issues des trois chapitres précédents, ces balises conceptuelles prennent la forme de questions de recherche qui présentent une double particularité. En premier lieu, elles permettent de mettre en lumière les phénomènes que nous allons étudier, les questions à poser, les faits à suivre sur le terrain pour pouvoir atteindre nos objectifs de recherche. Ces questions constituent une réduction anticipée des données qui nous évitera d’être submergé par la diversité des situations empiriques. En second lieu, les réponses que nous donnerons à ces questions nous conduiront à une suite logique de résolutions de problématiques par accumulation de connaissances. Chaque réponse apportée pourra donc servir de base à la résolution de la question suivante. En agrégeant finalement l’ensemble des réponses, nous pourrons alors résoudre notre problématique.

Nos questions de recherche ne sont pas des hypothèses à vérifier empiriquement comme cela est le cas dans une démarche hypothético-déductive. Dans notre démarche empirico-formelle, elles sont au contraire les fruits de connaissances conceptuelles que nous allons enrichir dans la Partie 2 en nous servant de la réalité empirique pour élaborer un modèle explicatif intégrant l’ensemble de nos résultats. Ainsi, le but que nous poursuivons dans cette conclusion de la Partie 1 est de concevoir un inventaire des théories abordées tout au long de notre revue de littérature en ayant à cœur de synthétiser les connaissances retenues pour élaborer les questions de recherche qui guideront notre étude empirique.

Dans notre cadre conceptuel, nous avons vu que les résistances au changement ont été presque diabolisées pendant des décennies (Piderit, 2000 ; Thomas et Hardy, 2011) dans un courant de recherche qui est devenu rapidement le courant principal (Dent et Goldberg, 1999 ; Kotter et Schlesinger, 1979). D’abord qualifiées de limites psychologiques empêchant les destinataires du changement de s’adapter à leur environnement (Jabes, 1994 ; Vas et Vande

Velde, 2000) et combattues comme des problématiques aussi bien par les managers que par les chercheurs (Huy et Mintzberg, 2003), elles sont encore considérées aujourd’hui comme des freins à la conduite du changement (Furst et Cable, 2008). Pourtant, un courant de recherche alternatif plus récent considère ce qu’elles peuvent apporter à l’entreprise (Courpasson et Thoenig, 2008 ; Downs, 2012), notamment leurs capacités à transformer significativement l’organisation avec le temps (Courpasson et al., 2012). Des auteurs suggèrent même que les résistances ne sont en réalité que ce qu’on en fait (Ford et al., 2008) et précisent que, si le sensemaking des managers les définit comme des résistances, elles peuvent aussi être conçues comme des contre-propositions de la part des salariés. Une étude fait apparaître un lien implicite entre les comportements de résistances et l’apprentissage (Cintas et al., 2016). Notre revue de littérature nous conduit donc à tenter d’harmoniser ces courants de recherche principal et alternatif à travers la question de recherche suivante :

Question de recherche 1 : Dans quelle mesure les résistants au changement participent-ils à l’apprentissage par la création de connaissances et l’émergence de nouvelles opportunités de développement pour l’organisation ?

Notre revue de littérature nous a permis de décrire également différentes formes de gouvernances (Charreaux, 2002a, 2002b, 2002c, 2004), qu’elles soient actionnariale, partenariale ou cognitive. Nous avons aussi détaillé la théorie des parties prenantes (Freeman et Reed, 1983 ; Freeman, 2001) pour nous rendre compte ensuite que les conflits d’intérêts et les conflits comportementaux entre les parties prenantes peuvent être sources d’apprentissage organisationnel (Charreaux, 2004 ; Meier et Schier, 2008). Du fait de notre raisonnement pour définir notre première question de recherche, les résistants présentent donc le potentiel d’être considérés comme des parties prenantes de l’apprentissage organisationnel. Cela nous conduit à définir notre deuxième question de recherche :

Question de recherche 2 : Dans quelle mesure les résistants au changement peuvent-ils être considérés comme des parties prenantes de l’apprentissage organisationnel ?

L’approche du changement que nous avons décrite dans notre cadre conceptuel nous amène à traiter l’identité organisationnelle comme un concept important de cette thèse. L’identité organisationnelle apparaît en effet comme un schéma interprétatif influençant le sensemaking (Gioia, 1998 ; Hatch et Schultz, 2002 ; Cornelissen, 2002) et donc le changement

organisationnel lui-même. Si l’évolution de l’identité organisationnelle apparaît relativement clairement dans la littérature (Rondeaux et Pichault, 2012 ; Oliver et Roos, 2006), les acteurs-clés de l’organisation dont les comportements vont influencer ce processus sont beaucoup moins bien caractérisés. Nous nous proposons de contribuer à combler cette carence théorique dans notre travail de recherche à travers la question de recherche suivante :

Question de recherche 3 : Quels sont les acteurs clés dont les comportements vont influencer l’évolution de l’identité organisationnelle au cœur de l’entreprise ?

L’identité organisationnelle apparaît aussi dans notre cadre conceptuel comme ce que les individus considèrent central, durable et distinctif au sein de l’entreprise (Albert et Whetten, 1985 ; Gioia, 1998). Nous allons voir dans notre thèse que les résistants peuvent participer à la stabilité de l’identité et également à son évolution au cœur de l’entreprise. Par leur rôle dans les mécanismes individuels de défense de l’organisation (Brown et Starkey, 2000), ils ont des réactions protectionnistes contre une transformation éventuelle de l’identité organisationnelle. Nous comparerons leurs comportements à ceux des « gardiens du changement » (Rondeau et Jacob, 2011) qui garantissent l’intégrité de l’entreprise dans une situation de changement pour que l’organisation puisse évoluer « sans en perdre son âme ».

Du fait de la participation des résistants au changement à l’apprentissage organisationnel que nous voulons montrer dans cette thèse, nous allons également chercher à répondre à la question de recherche suivante :

Question de recherche 4 : À travers leurs rôles de garants de la stabilité de l’identité organisationnelle, dans quelle mesure les comportements de résistances peuvent-ils enraciner le changement radical dans l’entreprise par l’apprentissage ?

PARTIE 2. RESISTANCES ET PROCESSUS

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