• Aucun résultat trouvé

Lagfaf 11.2.04 Brebis suitée 1000-1400

B. Contrainte de renouvellement et dynamique du troupeau

4. Particularités de chaque type de modèle

Les particularités sont liées à deux raisons : 1) le choix de la formalisation du phénomène ou 2) des contraintes particulières à chaque communauté.

4.1. Le choix d’un modèle stochastique au Maroc

Dans le modèle marocain, l’accent a été mis sur la contrainte climatique et notamment le risque de sécheresse. Ainsi deux types de variables ont été introduites: 1. des variables structurelles, peu sujettes à des modifications dans le court terme (taille des exploitations, caractéristiques des sols, taille des ménages…) et 2. Des variables conjoncturelles pouvant prendre différentes valeurs selon le déroulement de l’année climatique. Ceci correspond à deux types de décisions. En début de campagne, soit en automne au Maroc occidental, les agriculteurs doivent prendre un ensemble de décisions stratégiques qui ne peuvent pas être reportées (emblavure des terres, labour, semis). Dès le printemps, le devenir des cultures est mieux connu, et les agriculteurs prennent alors des décisions tactiques (engraisser ou non les agneaux nés en automne, acheter des aliments du bétail.). Ces décisions permettent d’ajuster le système à la conjoncture. On optera pour un modèle stochastique structuré autour de deux grands types de décisions situées en automne et au printemps.

Dans les modèles déterministes pour la communauté de Aït Ammar (Bendaoud, 1998), les agriculteurs sont supposés maximiser leur revenu, celui-ci étant calculé comme la somme à travers toutes les

activités (j) des niveaux des variables de décisions (Xj) multipliées par des coefficients économiques

qui sont des moyennes (Cj) :

) ( i i i C X =

Â

p .

De même, les contraintes liant les coefficients techniques (bi

j

) aux niveaux des ressources (Bj) sont

formulées de façon déterministe, soit :

j j i i i b B X £

Â

( )

Dans cette formulation, tous les paramètres sont des moyennes et les variables sont d’un seul type. Le modèle Target MOTAD permet de prendre le risque en considération. Les coefficients techniques

susceptibles de varier selon les états de la nature (r) sont connus (C’ir) et les décisions prises pour

maximiser le profit aboutissent à des revenus observés (p’r) différents selon l’état de la nature :

) ( ' ' ir i i r=

Â

X C p

Les agriculteurs/chefs de ménages sont censés avoir un revenu cible (T) qui devrait leur permettre de subvenir aux besoins incompressibles du ménage et de permettre la reproduction de l’appareil de production. Pour cette étude, le revenu cible retenu pour chaque type d’exploitation est le seuil haut de pauvreté tel qu’il a été défini par la Direction de la Statistique (MPEP).

Le modèle Target-MOTAD consiste d’une part à calculer les écarts négatifs (∂r) par rapport au revenu

cible selon l’état de la nature,

r T-pr'-∂r≥0."

et d’autre part, la probabilité de chaque état de la nature étant connue (Pr), à imposer une limite supérieure (l) à la somme des écarts négatifs pondérés. Le coefficient l peut alors être interprété comme un coefficient de tolérance au risque reproduisant le comportement et les préférences du décideur : l £

Â

r r r P ) (

Cette approche a permis de reproduire le comportement des exploitations pour une année de référence (1996-1997) dite «moyenne » (Ref. M&M phase I). Cependant l’approche s’est montrée insuffisante pour l’analyse des systèmes dans des conditions particulières car elle ne prend pas en considération tous les ajustements qui devraient être apportés au cours de chaque état de la nature pour s’assurer de la faisabilité du plan proposé dans chaque condition (Hazell & Norton, 1986). Ces limites sont dues à ce que:

1- Les membres droits des contraintes ou offres de facteurs (Bj) et les coefficients techniques ou

demandes dérivées ne sont pas ajustés pour chaque état de la nature.

2- Il n’y a pas un ensemble de variables dites conjoncturelles pour expliciter les comportements particuliers à un état de la nature.

En levant ces limites, la programmation stochastique discrète (Cocks, 1968) est un outil particulièrement bien adapté pour décrire/analyser la prise de décision dans les conditions aléatoires que vivent les agriculteurs des zones arides. Les contraintes s’expriment alors en fonction des

variables qui peuvent être définies pour chaque état de la nature (Xir). Il est tenu compte s’il y a lieu de

la variation des coefficients techniques (bjir) et des offres de ressources (Brj) :

j

r

B

b

X

irj rj i ir

⋅ £ " "

Â( ) .

La fonction objective s’exprime alors comme la somme pondérée des résultats obtenus pour chaque état de la nature :

)

(

, ir i r ir r

X C

P ⋅ ⋅

p

.

Le maintien des règles de décision du Target-MOTAD ne nécessite pas de transformation par rapport aux modèles déterministes. Le premier travail consiste à identifier les variables tactiques. Plusieurs travaux descriptifs ont été réalisés sur le comportement des exploitations agricoles des zones arides du Maroc occidental pendant la sécheresse (Bendaoud, 1993, Herzenni, 1992, Ouaddich, 1983). Ces travaux ont permis d’identifier les variables de décision qui font l’objet d’ajustements tactiques. Il est établi que l’ensemble des tactiques d’ajustement pratiquées par les agriculteurs va se faire par la conduite des troupeaux, la gestion des aliments du bétail et des stocks et les options alternatives de la conduite telles que le pâturage ou la récolte en grain.

Comme la plupart des décisions relatives aux choix des spéculations végétales se font en automne, les décisions d’emblavement des cultures restent fondamentalement de l’ordre des options stratégiques. Cependant la conduite de l’orge est soumise à des ajustements importants qui consistent à pâturer l’orge en vert ou à le laisser monter en grain.

Dans le modèle, l’ensemble des décisions tactiques est donc relié à la gestion de l’élevage, à l’alimentation du cheptel, à la gestion des stocks. Parmi les élevages, on distingue en fait deux types d’animaux : 1. D’une part, des animaux dits stratégiques dont les effectifs ne sont pas aisément modifiables en cours d’année ; ce sont les reproducteurs et les animaux de traction, gardés ou achetés en début de campagne, ainsi que les naissances qui en découlent et 2. D’autre part les animaux dits tactiques qui sont les jeunes aux différents stades de croissance, achetés ou gardés pour l’engraissement. C’est cette grande souplesse des systèmes d’élevage ovins associés à la culture de l’orge qui explique le potentiel d’adaptation des exploitations agricoles des zones arides du Maroc, notamment la possibilité d’arrêter les activités d’engraissement lorsque les prix des aliments augmentent ou les prix de animaux diminuent

Les variations liées aux conditions climatiques sont essentiellement des paramètres non spécifiques, les rendements, la productivité et les prix des productions, des aliments du bétail et des animaux.

4.2. Le choix d’un modèle dynamique pluriannuel en Algérie et en Tunisie avec des

spécificités

Le choix d’un modèle pluriannuel sur un horizon supérieur à 1 an dans les deux communautés (Zoghmar en Tunisie, Sidi Fredj en Algérie) correspond à un souci de mieux prendre en compte le mode de gestion pluri annuel du troupeau mais aussi d’introduire le cactus comme innovation technologique. En effet, l’adoption du cactus entraîne non seulement une mobilisation de la terre pour plusieurs années mais aussi l’absence de produits au moins les trois premiers années. Pour comprendre les décisions d’adoption de cette innovation, il est nécessaire de prendre en compte un horizon supérieur au moins à 5 ans laissant ainsi les plantations entrées en production. Dans les deux communautés, on a donc introduit des équations de suivi démographiques des plantations (par âge) et des contraintes relatives à la gestion du foncier comme du stockage sur pieds des raquettes.

Dans la communauté tunisienne, deux particularités expliquent certains changements. Depuis les années 80, le gouvernement tunisien comme les agences de développement ont fortement encouragé le développement des oliveraies en sec. Ce modèle largement développé dans la région de Sfax s’est étendu dans les communautés à vocation plus agro-pastorale. Aujourd’hui, l’olivier s’est inséré dans les systèmes d’exploitation des zones semi arides et arides et joue un rôle important dans la gestion des sécheresses puisque sa production dépend de l’année climatique précédente à la différence des cultures annuelles. En outre les sous produits de l’olivier comme les grignons d’olive et les brindilles ont été complètement insérés dans la ration alimentaire des animaux de petits ruminants.

Le deuxième élément est la mise en place d’un périmètre irrigué de 120 ha à l’échelle de la communauté en 2000 qui a quelques peu bouleversé les systèmes en place par la possibilité de s’adonner aux cultures maraîchères, fourragères et légumineuses. Si 52 exploitations (soit 13% des exploitations) bénéficient aujourd’hui de surfaces irriguées, l’accès au périmètre ne concerne que 3 communautés sociales (ou lignagères) sur 6 : les Anaybia, Baaouina et Chouayhia. Dès lors aujourd’hui, on parle d’exploitations avec irrigation et sans irrigation ; ces deux classes apparaissent comme une composante majeure de structuration de la population (Chapitre II). Les premiers, « les irrigués », ont la possibilité de faire pâturer les animaux une partie de l’année sur les terres irriguées alors que les « non irrigués » sont obligés de recourir au marché pour faire face aux besoins alimentaires du troupeau. De plus, les irrigués ont très vite tenté les cultures maraîchères en période estivale : tomate, concombre, melon d’eau. Ces cultures hors saison ont changé le mode de gestion de la trésorerie comme la place de l’élevage à l’intérieur du système d’exploitation. Si cette évolution est commune dans l’ensemble des communautés ayant connu l’installation d’un périmètre irrigué, il est essentiel de la considérer ici pour considérer la place des innovations technologique et notamment la promotion des cultures de lutte contre la sécheresse ou de gestion de la demande d’eau, comme le cactus, l’Atriplex, dans les systèmes d’exploitation. En outre, ce périmètre a quelques peu modifié les modes de régulation de certains facteurs comme les échanges de travail, de fourrages, d’heures de mécanisation à l’intérieur de la communauté.

Ainsi dans le modèle de Zoghmar (Tunisie), a été introduite pour trois types de producteurs la possibilité de faire des cultures maraîchères (tomate, curcubitacée), des cultures fourragères (sorgho, avoine, vesce) et des plantations fruitières (pommiers, acacias) sur les parcelles en irrigué avec bien sûr des itinéraires techniques nouveaux. Le sorgho et l’avoine peuvent être consommés directement en pâturage ou stockés sous forme de foin. La vesce est soit récoltée et donnée en vert soit pâturée directement par les animaux. S’il est possible de donner en métayage des parcelles d’irrigué, il est impossible d’acheter ou de vendre des parcelles sur les terres en irrigué.

Enfin à la différence de la communauté marocaine, deux types de crédit de court terme ont été considérés dans les deux communautés en Algérie et en Tunisie : le crédit bancaire et le crédit informel qui joue un rôle important dans ces communautés.

Conclusion

La présentation précédente des modèles communautaires montre des similitudes fortes entre les communautés des zones arides et semi arides des trois pays, notamment dans l’articulation ou l’intégration des activités céréalières et animales qui sont au coeur de leur système. Les éléments propres à chaque modèle reflètent davantage des spécificités propres soit au pays (fort encouragement à la plantation de cactus en Tunisie et en Algérie, développement de l’arboriculture en sec en Tunisie) soit relèvent de choix dans la formalisation du problème comme le recours au modèle stochastique au Maroc. Le modèle stochastique a été possible au Maroc où le modèle est essentiellement annuel. Dans les deux autres communautés, il est difficile de passer au modèle stochastique sachant qu’on a des modèles pluriannuels très lourds.

La validation des modèles est présentée dans chaque document joint (Bendaoud, 2004 ; Ayouz et al., 2004; Alary et al., 2004). C’est une étape importante du processus de modélisation car elle permet de vérifier que l’on a bien appréhendé les systèmes étudiés pour ensuite passer aux simulations de changements techniques ou politiques.

CHAPITREV

Discussion des facteurs favorisant ou contraignant l’adoption