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Lagfaf 11.2.04 Brebis suitée 1000-1400

5. Approche des contraintes à l’approvisionnement en intrants et services 1. Approvisionnent en aliments pour bétail

Des enquêtes par interviews ont été conduites auprès des commerçants d’aliments bétail en Tunisie et au Maroc. L’information est complétée par les données recueillies auprès des producteurs en matière de prix d’achat des différents aliments pour les trois pays concernés.

Au Maroc, les principaux commerçants rencontrés sont des vendeurs d’orge grain et de compléments (son, pulpes sèches de betterave, aliments composés et maïs). Ces commerçants achètent les aliments composés sur Casablanca ; par contre pour le son ils s’approvisionnement dans différentes délégations (Khouribga, Kenitra). Pour cela, ils disposent généralement d’un moyen propre de transport. En cas de problème technique sur les véhicules ou de périodes de fortes ventes, les commerçants n’hésitent pas à louer un véhicule à raison de 0.10 Dh./kg transporté. La principale période de vente est les 2 mois qui précèdent l’Aïd El Kebir. Le reste de l’année, les ventes sont fortement dépendantes des conditions climatiques. Les principaux lieux de vente des commerçants rencontrés sont Ait Ammar, Lagfaf, Ouled Ftata, Lagnadiz. Ils vendent directement aux éleveurs et généralement le stock s’écoule sur 15 à 20 jours.

Les principaux problèmes rencontrés par les commerçants sont les heures d’attente au niveau des usines de production et des moulins, notamment pour les aliments composés et le son.

Les commerçants déclarent avoir une marge de près de 0.10 à 0.15 Dh le kg vendu. En vérité, on note

certains écarts plus importants de l’ordre de 0.5 Dh/kg vendu (

Tableau 28

).

Tableau 28: Prix d'achat des commerçants et des producteurs des aliments de complémentation (en Dh/kg)

Aliments Prix d’achat commerçant (Dh/kg) Prix achat producteur

(Dh/kg) Son 2 1.5-2.5 Orge grain 2 1.25-2.5 PSB 1.9 1.7-2.3 Aliments composés 2.1 2.5 Mais 2

En fait les écarts au niveau des producteurs s’expliquent en grande partie en fonction du lieu d’achat. Les prix d’achat sur le souk de Lagfaf sont nettement inférieurs aux prix réalisés sur la communauté Ait Ammar. Ainsi les éleveurs les plus pénalisées sont les petits éleveurs éloignés des axes routiers qui n’ont pas toujours les moyens de se rendre sur le souk.

Les vendeurs de foin de Luzerne viennent généralement de Oued Zem (40-50 km) même s’ils l’achètent à Fkih Ben salah (60-70 km), zone de forte production. Les marges pour ses vendeurs sont importantes puisqu’ils achètent la foin à près de 20-25 Dh. la botte (d’environ 17 kg), pour la revendre à 50-55 Dh./botte. Les écarts peuvent se creuser durant les périodes de sécheresse.

L’enquête auprès de 87 ménages en 2003 montre une forte variabilité des prix d’achat des principaux

aliments (

Tableau 29

). Les prix de l’orge grain triple entre une bonne et mauvaise année et ils sont

Tableau 29: Prix des produits principaux achetés par les producteurs (Dh)

Mauvaise année Moyenne année Bonne année

Blé dur (par qt) 416 [39.7] 325 [35.4] 257 [35.3]

Blé tendre (par qt) 393 [41.8] 225 [150] 238 [4.72]

Orge grain (par qt) 348 [106] 209 [71.4] 122 [17.4]

Paille (par balle) 38.84 [12.44] 5.61 [0.99]

Son (par qt) 255 [13.9] 142 [47.6]

Dès lors le principal handicap des éleveurs est bien la forte variabilité des prix selon le type d’années climatiques mais aussi la flambée des prix durant les mauvaises années.

A la différence du Maroc, les principaux commerçants d’aliments de complémentation en Tunisie sont des concessionnaires agréés par l’Office de Céréales et le conseil régional de développement du Gouvernorat. Pour être agréé, il faut avoir un espace (garage, magasin) pouvant recevoir la charge d’un camion de 25-30 tonnes en orge. Les centres d’achat et de vente de l’Office livrent directement l’orge et le son au concessionnaire et lui accorde une marge bénéficiaire de 0.5 DT/ quintal d’orge ou de son. Le profit de l’entreprise concessionnaire va dépendre donc de la demande (taille du troupeau, année climatique, pouvoir d’achat des éleveurs) et de la concurrence exercée par les autres points de vente. On compte 160 centres d’achat et de vente de l’Office en Tunisie. Le nombre de concessionnaires lui varie en fonction des années climatiques. Dans la délégation de Jelma –lieu d’approvisionnement des éleveurs de Zoghmar, le nombre de concessionnaire était de 10 en 2002 (année sèche) et plus que 4 en 2004 (bonne année climatique).

A côté, on trouve toujours des petits commerçants privés d’aliments de bétail. Suite à la multiplication des concessionnaires de l’office des céréales, ils sont moins nombreux (moins de 8 à Jelma) et fortement concurrencés pour l’orge et le son par le réseau des concessionnaires mis en place par l’office des céréales. Ils se spécialisent dans le foin et la paille achetée dans les marchés hebdomadaires locaux et auprès des fournisseurs du nord quand l’infrastructure de stockage le permet ou au cours des années de sécheresse où la demande est forte. Ils réalisent de faibles marges bénéficiaires (une moyenne de 0.3 à 0.5 dinar par balle de foin ou de paille et 1 dinar par quintal d’orge ou de son). Leur atout est de bien connaître la demande locale ; dès lors ils commercialisent souvent les produits de qualité recherchée par les éleveurs même à un prix légèrement supérieur à celui du marché. Ils ont souvent de petits rayons de commercialisation et un nombre de clients limités aux petits éleveurs en milieu urbain et les éleveurs achetant à crédits pour une à quelques semaines. Comme pour les concessionnaires, le nombre de points de vente “actifs” et la quantité vendue sont variables en fonction de l’année climatique.

Enfin, on trouve les commerçants ambulants qui vendent du foin, de la paille et du pain. Ils sont de diverses origines. Ils peuvent être des producteurs céréaliers du Nord, des intermédiaires (stockeurs)

grossistes de différentes régions4, des commerçants de la zone (achat et vente sur place). Ils sont

spécialisés dans le foin et/ou la paille, et le pain et font généralement tous les marchés hebdomadaires de la région. Ils vendent la paille et le foin par balle au profit des petits éleveurs et en quantité plus importante aux commerçants et aux grands éleveurs. Les prix de vente varient en fonction de l’offre et la demande au niveau du marché, de la qualité du produit et de la saison et l’année climatique.

Si les éleveurs tunisiens sont relativement à l’abri de grosses variations de prix sur l’orge et le son, les prix de la paille et du foin sont multipliés respectivement par 5 et 3 entre une bonne et mauvaise année.

4La délégation de M’hamdia, 20 Km au Sud de Tunis, est connue par le nombre élevé des commerçants ambulants et surtout par la grande capacité de stockage de foin et de la paille.

Tableau 30: Prix d'achat des aliments bétail pour les éleveurs de Zoghmar (en DT/kg) Aliment Bonne année Année moyenne Année médiocre Année sèche Orge grain 0.17 0.17 0.17 0.136 Paille 0.084 0.178 0.285 0.427 Foin 0.151 0.23 300 0.506 Son 0.16 0.16 0.16 0.16 Cactus 0.022 0.02 0.022 0.028 Bloc alimentaire 0.17 0.17 0.17 0.17

Il faut noter que l’orge et le son sont principalement achetés au mois de mai, au moment des récoltes. En 2003, ceci correspond après la fête de l’Aïd El Kebir et donc après la reconstitution de la trésorerie (liée à la vente des animaux). Alors que deux tiers des éleveurs achètent la plus grosse quantité de paille et de foin en janvier juste avant l’Aïd El Kebir, ce qui explique certaines spéculations sur les prix. Cette période d’achat fluctue bien sûr en fonction de la date de l’Aïd El Kébir et du Ramadam mais aussi du rythme biologique des pâturages. On note certaines variations de prix selon le type de producteurs. En règle générale, les jeunes exploitants achètent les aliments 4-5% plus chers ; ceci s’explique en partie par le fait qu’ils sont en train de construire leur réseau et ne connaissent pas tous les rouages du système. Pour les pluriactifs, on peut noter qu’ils achètent la paille plus chère mais le son moins cher. En fait les pluri actifs, comme ils ont une activité au niveau de la délégation, ont plus de facilités pour s’approvisionner en son. Par contre, la majorité des vendeurs de paille sont des commerçants ambulants.

En Algérie, on n’a pas pu collecter d’information auprès des fournisseurs d’aliments. Par contre les

enquêtes auprès des producteurs permettent d’approcher certaines tendances de prix (

Tableau 31

).

Tableau 31: Prix d'achat des aliments bétail (en DA)

Année moyenne (2003) Mauvaise année (1999)

Prix moyen Ecart type Prix moyen

Paille (botte)* 174.5 64.85 206-294 Orge (quintal) 1674 315.1 Fourrage (botte)* 235.6 49.4 Son (quintal) 1497 455.5 Foin (Botte)* 310.4 54.2 * la botte de 17 kg en moyenne

42% des éleveurs de la communauté de Sidi Fredj déclarent que le principal handicap pour recapitaliser dans le cheptel est le problème alimentaire. Ils sont 20% sur la population enquêtée (60 exploitations) à vouloir augmenter la superficie en Opuntia pour parer au problème alimentaire. Il s’agit de 80% des éleveurs qui souhaitent changer leur système d’alimentation du troupeau.

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Dès lors, plus que les difficultés d’approvisionnement en aliments de bétail, ce sont les fortes variabilités de prix des aliments de base de la ration qui contraignent les éleveurs, avec des facteurs multiplicatifs de 3 à 5 pour les fourrages comme la paille et le foin. Si les gouvernements limitent les effets spéculatifs sur l’orge et le son durant les années sèches, les éleveurs déclarent quelques abus liés à la revente des aliments

à prix élevé. Cette tendance spéculative sur les fourrages pourrait s’accroître avec la spécialisation croissante des zones, que l’on retrouve bien au Maroc et en Tunisie avec des zones productrices de fourrages et des zones d’élevage. Pourtant jusqu’ici on note peu d’adoption des technologies de conservation des fourrages chez les éleveurs.

5.2. Approche des contraintes d’accès au crédit

L’accès au crédit est bien souvent cité comme un frein au développement des exploitations, notamment en limitant l’investissement (et donc l’accès à de nouvelles technologies), mais aussi le financement des campagnes agricoles.

En Algérie, seulement un tiers des exploitations ont bénéficié d’un crédit et 70% des crédits ont été réalisés auprès de la famille élargies ou de connaissances. Aussi le crédit bancaire ne concerne que 6.6 % des ménages de la communauté. Il s’agit principalement de d’emprunts de moyen terme (5 ans) de l’ordre de 350000 DA pour les grands agriculteurs éleveurs.

31% des crédits ont servi à la recapitalisation en animaux et 26% au financement de la campagne agricole. Le reste se répartit pour la couverture des besoins sociaux ou l’équipement.

Les plus gros crédits (de près de 888 000 DA) ont été attribués aux grands éleveurs-agriculteurs (Type 5, 4.4.1 Chap. 2). Les petits agriculteurs éleveurs ou les simples agriculteurs prennent des crédits de l’ordre de 200 000 DA. On notera que les éleveurs en recapitalisation ont pris des crédits de 40000 DA en moyenne ainsi que les vieux exploitants.

Par contre les petits éleveurs sur moins de 10 ha n’ont pu trouver aucune source de crédits dans et hors la communauté, informel ou formel. Donc si le système de crédit informel fonctionne bien, il reste l’apanage des grandes ou moyennes exploitations. En moyenne, le crédit auprès de la famille élargie est de 75 000 DA.

Vice versa, 28% des exploitations ont prêté de l’argent à des amis ou de la famille. Le prêt moyen est de l’ordre de 90500 DA. On enregistre des prêts de plus de 2,000,000 DA auprès des grands éleveurs agriculteurs.

Au Maroc, 36% des ménages enquêtés ont eu accès au crédit. Mais 37.5% des crédits ont servi à rembourser des retards de remboursement de crédits antérieurs ; 34.4% ont servi à faire un peu d’engraissement d’animaux (alimentation et achat d’animaux) et 28% à financer la campagne agricole. Les crédits pour le remboursement d’emprunts antérieurs ont un montant moyen de 35800 Dh., contre 25300 pour l’activité d’élevage et 2800 Dh. pour la campagne agricole. On note dès lors le besoin important d’accès au crédit pour le financement de l’activité d’élevage, notamment dans un contexte de recapitalisation.

Sur 32 ménages qui n’ont pas eu de crédit, 34.3% évoque le problème de l’absence de capital ovin comme hypothèque. En fait plus qu’une épargne, le cheptel ovin serait un moyen important d’accès au crédit dans la communauté. Le deuxième facteur limitant l’accès au crédit est lié aux litiges sur les terres en indivision (21.8% des exploitations qui ont eu un refus de crédit). Ensuite viennent les raisons de formalité et d’âge. Il semblerait que les vieux ont plus de difficultés pour accéder au crédit.

En Tunisie, les principales contraintes à l’accès au crédit bancaire sont l’indivision (pour 33% des

ménages enquêtés5 ), l’âge de l’exploitant (18%) et le problème des formalités (15.3%). 74% des chefs

d’exploitation déclarent demander des crédits auprès de la famille ou des amis pour financer la campagne agricole. A la question si le crédit est un facteur limitant, 61.5% déclarent qu’il s’agit bien d’un facteur limitant. Parmi les 20% qui ne pensent pas que cela soit un facteur limant, la majorité pratique la pluri activité avec une source de financement extérieur ou des jeunes. Par contre à la question que feriez vous si

l’on vous propose un crédit, 64.1% souhaitent se lancer dans le commerce de bétail et seulement 20% affecterait le crédit à l’activité culturale. Ceci démontre bien la place importante qu’occupe l’élevage dans ces zones. Toutefois 56.4% des exploitants essaient d’acheter les aliments de bétail l’été (au moment des moissons) et de les stocker pour éviter d’acheter par la suite les aliments au prix fort. Seuls les personnes âgés, les jeunes ou les petits agro-éleveurs ont du mal à faire des stocks faute de trésorerie bien souvent. On peut noter que tous les exploitants enquêtés ont réalisé un crédit mais 84% des crédits sont des crédits informels (auprès de la famille ou des amis) et 12.8% sont des crédits réalisés par des projets de développement. 51.3% des emprunts sont destinés à l’achat d’aliments pour bétail et 20% pour la famille. Le reste est affecté soit à l’équipement soit à des investissements variés. Le crédit moyen est de l’ordre de 1500 DT par an.

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Ces résultats confirment les problèmes d’accès au crédit des communautés agro-pastorales qui sont fortement demandeurs de crédit pour l’achat d’aliment bétail. Ces exploitants rencontrent deux principaux problèmes pour accéder au crédit bancaire :

1) le problème de la garantie foncière quand une bonne partie du patrimoine est composée d’animaux vivants. Près d’un tiers des refus de crédit est lié au problème des terres en indivision ou plus généralement à l’absence d’objet d’hypothèque.

2) l’obtention d’un crédit non pour financer la campagne agricole mais l’activité d’élevage. 31% en Algérie, 34% au Maroc et 51.3% en Tunisie des emprunts sont affectés au financement de l’activité d’élevage.

En outre si aucun des éleveurs ne mentionne de taux d’intérêt pour les emprunts auprès de la famille ou des amis, on peut facilement supposer que ces formes de crédits créent des dépendances à moyen ou long terme entre familles.

Tout ceci amène à réfléchir sur des formes de garantie bancaire de remboursement du crédit basé sur l’activité d’élevage comme à un système d’assurance étendu à l’élevage.