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Lagfaf 11.2.04 Brebis suitée 1000-1400

1. Cadre conceptuel des modèles Choix du modèle

L’objectif du recours à la modélisation est d’avoir une représentation relativement fine de la structure des exploitations, des comportements et des stratégies des acteurs, des relations entre unités de production, et un suivi minutieux sur une longue période de l'impact des différentes politiques agricoles envisageables.

En économie agricole, il existe plusieurs approches de modélisation pour prédire les changements de comportements et de techniques de production engendrés par des changements extérieurs. Classiquement, les économistes recourent aux simulateurs de prévision, établis à dire d’experts. A

côté, il existe deux grandes familles de modélisation dynamique : les modèles économétriques avec estimation directe d’une fonction de production et les modèles mathématiques.

Les méthodes classiques de mesure des effets micro-économiques de politique publique basées sur les simulateurs de prévision permettent d’apprécier d’une part les effets en terme de revenu, à structure constante, sur les grands types d’exploitation, et d’autre part les réactions adaptatives des exploitations, anticipées à partir des estimations d’experts en relation avec les exploitants (Ridier, 2001). Dans ce type d’approche, la mesure des effets est réalisée sur des « cas-types » ou « exploitations-types », identifiés par les conseillers d’élevage ou toute personne ayant une connaissance fine du milieu et ce à partir d’une analyse des logiques de fonctionnement des exploitations. Les outils de simulation sont variés : certains mesurent les effets de changement de prix des intrants, du matériel d’équipement ou des produits sur les résultats économiques de l’exploitation; d’autres permettent de vérifier a posteriori l’intérêt économique de propositions techniques (Ribier, 2001). Par exemple, le logiciel EBD-Système permet dans un premier temps de faire l’adéquation entre les besoins du troupeau et les disponibilités en surfaces et d’évaluer dans un deuxième temps la faisabilité et la viabilité économique. Dans les deux cas, il s’agit d’avantage de calculateurs sans objectif d’optimisation économique.

Si ces outils ont l’avantage d’être conviviaux et faciles d’utilisation par les agents du développement, ils ne permettent pas de simuler les changements endogènes qui s’opèrent entre les activités ou les choix techniques à l’intérieur des exploitations pour répondre à un changement extérieur. L’inconvénient majeur de ce type de modèles est qu’ils sont déterministes et statiques.

L’approche économétrique qui consiste à utiliser un échantillon pour déterminer les paramètres d’une fonction de production se base généralement sur des formes de fonction de production définies. Les formes analytiques les plus couramment utilisées sont la fonction Cobb Douglas (élasticité de substitution égale à 1), la CES (élasticité de substitution constante) ou la Translog (combinaisons variantes de la substituabilité totale à la complémentarité totale). Cette démarche, fondée sur l'emploi conjugué de l'inférence statistique et de la forme analytique prédéterminée, est vue comme un système de relation entre des variables qui, pour certaines d’entre elles, sont aléatoires. Toutefois, l'utilisation de ces méthodes se heurte à quelques limites à savoir :

1) Les rapports inputs/outputs obtenus avec les données du passé peuvent difficilement permettre d'établir de bonnes prévisions pour le futur, surtout si les prix relatifs entre inputs, et/ou inputs et produits changent. Ceci affecte évidemment les taux de substitution de la fonction, qui peut être très vite dépassée (Flichman, 1997).

2) Le nombre limité d'observations dans l'échantillonnage et leurs caractères aléatoires peuvent empêcher l'estimation des paramètres de fonction de production, surtout dans le cas de certaines formes analytiques.

3) En faisant appel à l'inférence statistique, on oblige le modélisateur à synthétiser l'information pour ne pas être contraint par le nombre de degrés de liberté du modèle ; or ces agrégations supposent que l'on connaisse les fonctions de production sous-jacentes permettant d'obtenir les optima techniques. Les limites de ces deux démarches nous ont conduit à choisir une troisième approche basée sur la programmation mathématique. Privilégiant le concept de frontières de possibilité de production en milieu contraignant, la modélisation dérivée de la programmation linéaire constitue une méthode opérationnelle pour étudier l'allocation des ressources entre les activités quand les facteurs de production sont limités dans leur approvisionnement ou soumis à de nombreuses contraintes (Boussard, 1987). L’avantage de la modélisation mathématique est d’identifier et d’expliquer les déterminants de l’équilibre des productions sur les exploitations ainsi que d’anticiper l’évolution de cet équilibre, suite à des scenarii de réforme des politiques agricoles. La programmation mathématique permet aussi d’envisager des évolutions dynamiques des exploitations et d’expliciter les interactions entre différentes exploitations ou entre exploitations et milieu institutionnel (dans le milieu institutionnel, est prise en compte la nature des marchés).

Il s’agit donc d’un outil de modélisation des systèmes à partir d’un processus de décision rationnel limité car contraint dans l’espace des possibles et compte tenu des probabilités des états de la nature. Sa capacité de représentation des adaptations des systèmes est définie par l’ensemble des alternatives

techniques introduites dans la matrice de départ. Elle permet d’effectuer une optimisation économique du système d’exploitation, à partir des données introduites (niveaux de prix, charges, itinéraires techniques), sous l’effet de différentes contraintes techniques, sociales (savoir faire) ou de gestion des flux de trésorerie ou accès au crédit. Elle donne en plus des indications sur les coûts d’opportunité des facteurs de production et des différentes activités dans l’exploitation.

Cet outil permet donc à la fois d’avoir une meilleure compréhension du système technico-économique des exploitations dans une zone donnée et d’anticiper les adaptations des exploitations à des changements extérieurs qu’ils soient d’ordre économique, politique ou technique.

Les premiers modèles intégrés en agriculture ont été construits dès les années 60. L’objectif était de conseiller les exploitations : quelle est la meilleure allocation de la terre pour maximiser le revenu ou minimiser les coûts de production ? Mais très vite, les écarts entre les résultats de simulation et les décisions des producteurs ont conduit à utiliser ce type d’approche pour comprendre le fonctionnement des exploitations. Il ne s’agissait plus de conseiller mais de comprendre les décisions des agents. Ainsi, ces modèles ont été utilisés pour comprendre les décisions des producteurs soumis à un ensemble d’incertitudes à la fois climatiques, techniques et économiques, pour analyser les écarts entre les effets attendus de mesures politiques et les décisions des producteurs. Ainsi on est passé d’une approche normative à une approche positive.

Ce type de modèle a déjà été testé dans de nombreuses économies agricoles des pays développés comme en voie de développement (Barbier, 1998 ; Boussard, 1971; Deybe, 2001 ; Alary et al., 2000, 2002 ; Chaherli, 1999 ; Ribier, 2001 ; Bendaoud, 2001).

Cependant au départ, les modèles de programmation permettaient de résoudre uniquement des problèmes linéaires, déterministes et statiques, alors qu'aujourd'hui on peut les utiliser pour résoudre des problèmes non linéaires, aléatoires, discontinus, dynamiques, de plus en plus complexes, et ceci grâce au développement de l’outil informatique et à la multiplication des algorithmes de résolution.

1.2. Principe des modèles de programmation linéaire

1.2.1. Optimisation

Le modèle proposé doit permettre de mesurer les effets directs et indirects d’un changement de soutien au prix ou au revenu ou l’introduction d’un changement technique sur les systèmes de production (et donc leur impact sur les ressources), la reproductibilité et donc la viabilité de leur système de production selon les dotations initiales.

Pour cela le modèle tente de reproduire le processus de décision des éleveurs compte tenu de l’environnement agro climatique qui conditionne le système cultural et l’offre de produits et sous produits agricoles, l’environnement social et technique qui conditionne les pratiques et les conduites d’élevage ou culturales, l’environnement institutionnel qui conditionne l’accès au crédit, les possibilités de soutien à la production, etc. et l’environnement économique qui conditionne l’accès aux intrants (coûts et disponibilité) comme les produits attendus sur les marchés. Si l’environnement global conditionne l’ensemble des possibilités qui s’offrent aux producteurs, les producteurs vont choisir l’allocation des ressources qui permet de satisfaire un ensemble d’objectifs (accroître leur revenu, assurer les besoins de consommation du ménage, maintenir voire accroître le patrimoine, notamment le capital vivant, assurer certains gestes d’échanges dans la communauté, scolariser les enfants, etc.). Or les objectifs poursuivis dépassent généralement le cadre d’une seule production ; ce sont des objectifs globaux qui sont satisfaits par l’ensemble des activités réalisées au sein de l’exploitation. Dès lors les réactions des éleveurs seront variées : elles dépendent des dotations initiales (cheptel, foncier, équipement agricole, main d’oeuvre disponible), des contraintes techniques de production, de l’histoire du chef d’exploitation mais aussi de son exploitation (comme le niveau d’endettement, stade d’évolution de l’exploitation : phase d’installation, de croissance ou de croisière, aspirations de la famille).

Aussi, "les modèles de programmation mathématique sont des représentations simplifiées mais quantifiées d'un phénomène réel" (Boussard, 1970). Ils permettent d'obtenir la combinaison optimale

entre différentes activités soumises à diverses contraintes et concourant à la réalisation d'un objectif donné. Leurs constructions restent souvent assez difficiles du fait de la complexité du monde réel. Il s’agit donc d’un modèle d’optimisation et l’on suppose que les producteurs sont des agents rationnels dans le sens qu’ils organisent leur système productif en vue de satisfaire un objectif. L’optimum obtenu est ni l’optimum technique, ni l’optimum économique ; il s’agit de l’optimum qui satisfait le plus la fonction objectif compte tenu des contraintes économiques et techniques voire sociales.

Un modèle de programmation se présente sous la forme la plus simple possible qui est la suivante (Boussard et Daudin, 1987) : Ô Ô Ó Ô Ô Ì Ï ≥ £ =

Â

Â

0 ) ( i k i i ki i i i X b X a X B F Min Max

Où F représente la fonction objectif à optimiser, Bile bénéfice ou le coût de chaque activité i (selon

qu'on maximise ou minimise la valeur de la fonction objectif), aki les coefficients techniques

correspondant aux besoins en ressources ou en intrants k de l’activité i, bk les disponibilités en

ressources k, et Xiune variable dont la valeur est déterminée de manière endogène comme résultat de

la résolution mathématique, représentant le niveau optimal sous contrainte de chaque activité.

Economiquement, l'utilisation d'un tel modèle de programmation permet de visualiser les effets de la variation de certaines données (le prix des denrées, le capital disponible, le prix des produits, le taux d'intérêt, etc.) sur le choix d'activités productives. Sa matrice fournit des solutions déterminées par les contraintes techniques, économiques et politiques compte tenu d’une certaine variation sur les prix et sur les rendements. Ces solutions peuvent être utilisées, suivant des conceptions totalement différentes : soit d'une façon positive en tant qu’outil de simulation et d'aide à la décision, soit d'une façon normative pour la recherche d’une solution optimale (Deybe, 1989). Ici on privilégie l’approche positive : les solutions nous permettent de discuter les impacts probables de changements extérieurs et de comprendre les réactions des producteurs compte tenu des hypothèses et simplifications du modèle.

1.2.2. L'échelle temporaire : un modèle dynamique récursif

En économie de l’élevage, les éleveurs ne peuvent élaborer leur plan de renouvellement du cheptel (réforme, remplacement) ou se lancer dans des plantations (arbustes fourragers) qui ne produiront que dans 3-4 ans sans considérer le devenir de leur exploitation à moyen ou long terme. Par exemple, le renouvellement ou l’accroissement du troupeau implique des frais (gardiennage, alimentation, soins), qui ne seront productifs que dans deux ou trois ans. La prise en compte de la rentabilité de ces investissements nécessite le recours à une programmation dynamique. Les modèles dynamiques permettent aussi d’intégrer les effets à long terme de divers déterminants économiques (les systèmes des prix, les changements technologiques comme la plantation d’arbustes,…) sur le comportement des producteurs et sur leurs choix stratégiques et d’investissement (sur la gestion des ressources, la conduite et l’évolution démographique du troupeau, etc.). Ainsi, nous proposons un modèle dynamique de type multi périodique récursif.

Les modèles de programmation multi périodique sont des modèles dynamiques capables de faire des simulations sur plusieurs périodes au cours desquelles les décisions peuvent être prises. On suppose donc que le producteur, à partir de sa situation initiale, élabore son plan de production pour les années à venir en fonction de l’information disponible sur le futur, à savoir les anticipations sur les prix et les rendements techniques et la menace aléatoire mais relativement permanente d’une sécheresse.

La spécification d’un modèle dynamique permet une adaptation partielle à court terme et donnera une série de résultats propres à des périodes spécifiques qui indiquent à la fois l’importance des variations de l’adaptation et la vitesse à laquelle elles interviennent dans le temps. Cette spécification permet aussi aux variables endogènes de se modifier pendant la période en question même si les valeurs de

toutes les variables exogènes restent fixes. Manifestement, les résultats précisant des voies d’adaptation dans le temps présentent un intérêt particulier pour les décideurs ou agents du développement, notamment pour saisir le processus d’adoption selon le type d’exploitation (ciblage des exploitants) et la vitesse d’adoption (pour moduler le système de soutien). Néanmoins, leur capacité à indiquer des voies d’adaptation probables est liée au fait de savoir si les coefficients d’adaptation inclus dans le modèle reposent sur une base empirique solide ou s’ils sont simplement supposés par le concepteur du modèle.

En outre, vu que l’élaboration des plans de production d’une année quelconque est dépendante des résultats des années précédentes, on a eu recours à un modèle multi périodique récursif. La récursivité est telle que les décisions en t ne dépendent pas uniquement des anticipations sur les prix ou les résultats techniques mais aussi des décisions prises antérieurement.

Le passé conditionne les ressources en capital (actif) (terre, nature de sol, cheptel), les ressources monétaires disponibles (trésorerie), mais aussi les possibilités financières (endettement). Ainsi, par exemple, la trésorerie disponible l’année t-1 dépend du revenu réalisé l’année précédente et des prélèvements réalisés par l’agriculteur pour sa propre consommation.

Par ailleurs, la situation à l’année t ne dépend pas uniquement de l’année t-1 mais des années t-2, t-3,...

Si l’on veut représenter de façon simple le niveau des ressources bt à la période t en fonction des

activités Xt-1, il faut donc que le vecteur Xt-1, représente à la fois les activités de l’année t-1, le niveau

des ressources en début de période t-1 mais aussi les activités engagées à t-2, t-3,...

Soit T l’horizon de planification et tt le taux d’actualisation correspondant à la préférence d’une

consommation (montant) immédiate sur une consommation future, le modèle multi périodique récursif s’écrit : Max F =

Â

= + -T t t t t t tX C 0 (1

t

)

fl

Avec : A Xt£ Bt; Bt= bXt-1; Xt≥ 0

Où F : la fonction objectif à maximiser, Ctle vecteur de revenu espéré tiré des activités productives à

l’instant t, Xt le vecteur des activités, FF le coefficient d’aversion au risque1, llt la somme des écarts

négatifs par rapport à un revenu seuil, T l’horizon de planification, tt le taux d’actualisation, A la

matrice des coefficients techniques et Bt la matrice des disponibilités en ressources qui dépendra des

décisions prises à l’année (t-1).

On suppose donc que les exploitants décident leur plan de production cultural sur une année agricole (de sept. A sept.), bien que certaines contraintes, notamment la contrainte alimentation, peuvent impliquer des changements saisonniers, notamment la vente précoce d’animaux suite à une rupture de stocks fourragers. Ainsi, pour les données relatives à l’alimentation des animaux comme le suivi démographique du troupeau, l’unité de raisonnement sera la saison.

1.2.3. Approche spatiale

Comprendre les mécanismes de sécurité aux échelles exploitation et communautaire ne peut être résolu ni par des modèles d’équilibre général qui donnent des indicateurs au niveau des différents secteurs et de la croissance de l'activité, ni par des modèles individuels qui déterminent l'allocation optimale des ressources au niveau individuel sans tenir compte du potentiel humain et technique au niveau agrégé de la communauté.

Ainsi le modèle communautaire est une approche intermédiaire d’équilibre partiel. Cette approche, qui consiste à passer d’une échelle individuelle plus stricte à une autre plus agrégée, va nous permettre de comprendre l’équilibre des systèmes de production actuels, d’anticiper les adaptations futures face à des éventuels changements extérieurs et de visualiser l'évolution de l’ensemble de la communauté.

1

Afin d'atteindre cet objectif, il est nécessaire de choisir la communauté comme (i) une entité composée de différents types d’exploitations, qui interagissent entre elles par le biais d’échange de facteurs de production, et (ii) un milieu agro climatique relativement homogène. Ainsi la communauté présente une certaine hétérogénéité ou variabilité intracommunautaire, qui se traduit par des complémentarités ou conflits internes et explique un mode de fonctionnement global ou un certain équilibre de la communauté qui se traduit par une certaine homogénéité extérieure.

Pour chaque exploitation, il s’agit de caractériser le comportement de chaque type de producteur et ceci en supposant que chacun cherche à maximiser (ou minimiser) une fonction, tout en satisfaisant une série de contraintes concernant la terre, la main d'œuvre, la consommation et les liquidités, ou encore les modes ou règles d’échange dans la communauté. La fonction correspond à un ou des objectifs du type d’exploitation considéré. On suppose généralement que les exploitations tentent d’accroître leur bien être une fois la reproduction de l’exploitation assurée. Ce bien être peut être approché par le revenu espéré, la consommation familiale ou l’épargne dans les sociétés isolées ou tout autre fonction rendant compte des attentes des exploitants.

La fonction objectif du modèle agrégé consiste à optimiser l'utilité privée régionale (qui est l’utilité espérée à l’échelle de la communauté) par agrégation de l'utilité espérée provenant de chaque type de producteurs tout en garantissant le respect des normes en vigueur pour l'analyse de ces derniers, c'est-à-dire en gardant les contraintes individuelles et en incorporant les contraintes régionales. L’optimisation de cette fonction objectif se fait sur un horizon de planification multi périodique supérieur à un an et ceci en tenant compte de l'information disponible sur le futur et des liens techniques et financiers « obligatoires » qui existent entre les périodes.