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1.2- Intérêts et méthodes de l’approche typologique

3- Quelques éléments de réflexion sur la diversité des systèmes d’exploitation au Maghreb

Cette étude de la diversité a été réalisée à l’aide de l’analyse factorielle multiple, qui permet : (i) d’identifier les facteurs les plus discriminants de la population et d’analyser les liens entre facteurs ; (ii) d’approcher les grands systèmes d’exploitations qui structurent la population (Annexe 1). Elle est la base de la typologie des exploitations dans chaque communauté.

3.1. Facteurs de ressemblances et de différentiations inter et intra communautaires

Pour les trois communautés, on peut noter un certain nombre de ressemblances. Tout d’abord on note le rôle relativement discriminant du système d’élevage dans les populations étudiées. Au Maroc comme en Algérie, deux types s’opposent : 1) ceux qui ont abandonné l’élevage suite aux cinq dernières années de sécheresse et 2) ceux qui ont su maintenir un troupeau de petits ruminants sur l’exploitation. Parmi les exploitations qui ont abandonné l’élevage, on retrouve soit des petits exploitations avec un foncier modique qui ont du mal à recapitaliser soit des exploitants âgés qui se sont détournés de l’élevage. En Tunisie, s’opposent les grands agro-pasteurs et les jeunes qui s’adonnent largement à des activités de diversification (cultures en irrigué, pluri activité) même s’ils maintiennent quelques petits ruminants dans l’exploitation.

Le deuxième facteur commun est la relativement absence de relation forte entre le capital foncier et le capital vivant (nombre de types de petits ruminants). Dans chacune des communautés, on trouve des grands éleveurs de plus de 60 brebis sur un foncier de moins de 5 ha. Cette déconnexion est la plus forte au Maroc où le parcours collectif joue un rôle important d’offre de ressources malgré son mauvais état. On peut observer moins de déconnexions pour les producteurs de la communauté de Sidi Fredj et Zoghmar où les parcours communautaires jouent un rôle mineur du fait de leur niveau de dégradation. Par contre, on note de fortes corrélations entre le développement des plantations

individuelles d’Opuntia et le stock de reproducteurs en Algérie alors que le stock reproducteur est largement fonction du système de culture dans la communauté de Zoghmar. Ces éléments mettent en exergue trois types de pilier de l’activité d’élevage selon les trois communautés : le parcours au Maroc, le cactus en Algérie et le système de culture dans sa totalité en Tunisie.

On note aussi les liens étroits entre le système d’élevage et la structure familiale et son origine. Dans la communauté algérienne, l’activité agricole semble l’apanage de la fraction sociale des « Méjène » alors que l’élevage est celui de la fraction des « Chegaga ». (Nourdine) Au Maroc, cette différentiation est largement ancrée dans l’histoire de la communauté. La fraction Osima s’est vue reléguée sur les mauvaises terres à proximité du parcours. Pour elle, l’activité la plus viable reste l’élevage. Pour la fraction des Osibra, à distance du parcours, les sols leur permettent de s’adonner à la céréaliculture même si l’élevage, notamment l’engraissement, occupe une place non négligeable dans les systèmes d’exploitation. En outre, se distingue le cas des familles installées sur le campement Tmourira sur le parcours qui pratiquent uniquement l’élevage. Ces derniers entretiennent des relations étroites avec la fraction Osibra en assurant le gardiennage du troupeau sur le parcours.

En Tunisie, on a à faire à une communauté composée principalement de 6 fractions sociales qui correspondent à des familles élargies et qui occupent généralement un espace bien délimité de la communauté. Le facteur peu structurant de la famille pour distinguer les systèmes de production en Tunisie s’explique en partie par la forte pluri activité qui joue un rôle de financement de l’agriculture et permet d’atténuer les contrastes structurels. Toutes les exploitations qui arrivent à travailler pour plus de 8000 DT par an hors de l’exploitation ont un troupeau minimum de brebis de 50 têtes, ce qui fait un troupeau total voisin de 100 têtes. Au Maroc, il y a peu d’autofinancement de l’activité d’élevage par les revenus non agricoles. En Algérie, la principale source de revenu non agricole réside dans les échanges informels transfrontaliers entre l’eau et le pétrole. Si cette activité est largement pratiquée au sein de la communauté, aucun producteur ne pourrait déclarer les revenus issus de cette activité. Ceci rend difficile l’analyse du maintien de l’activité d’élevage grâce à ces revenus.

Au-delà de ces différentiations entre communautés, on observe une forte structuration de la population selon les dotations en capital.

En Tunisie, il est possible de distinguer les grandes exploitations d’élevage, qui comptent plus de 60 brebis présentes sur 23 à 40 ha de Surface Agricole Totale (SAT) dont la majorité est réservée aux cultures céréalières (orge puis blé dur), des petites exploitations de moins de 15 hectares et qui comptent moins de 10 brebis présentes. Si les premières peuvent différer l’achat des aliments pour le bétail quand le prix de l’orge baisse, les secondes n’ont aucune stratégie en matière d’achat d’aliment. Alors que les premières ont implanté plus de 8 hectares de cactus, les secondes donnent la ration la plus élevée de cactus aux animaux, soit plus de 3 kg/jour/brebis.

Un deuxième facteur de différentiation est lié au mode de financement de l’exploitation. Ainsi s’opposent les grandes exploitations de plus de 40 hectares, équipées d’un tracteur, dont une majorité des revenus provient d’une activité non agricole et les petites exploitations dominées par l’activité d’élevage (10-20 brebis présentes) et qui ne bénéficient d’aucun revenu extra agricole. Les premières ont bénéficié en majorité des surfaces irriguées et la part de cactus dans l’alimentation est la plus faible (moins de 1 kg/jour/brebis), alors que les secondes donnent une part plus importante au cactus (plus de 3 kg/jour/brebis).

En Algérie, les grandes et moyennes exploitations ont su maintenir une activité animale et surtout ont développé une activité orientée sur les plantations d’Opuntia. Ces exploitations s’opposent aux petites exploitations de moins de 10 ha, qui ont massivement abandonné l’élevage suite aux 5 années de sécheresse (1998-2002).

Au Maroc, il est possible de distinguer les grandes et moyennes exploitations agricoles de la fraction d’Osibra, qui recourent toutes deux aux fertilisants et à la mécanisation sur les parcelles, des exploitations uniquement orientées vers l’élevage qui vivent à la fois de l’élevage et du gardiennage des animaux au travers des formes d’association et donc d’entente dans la communauté.

Stock brebis reproducteur en fonction de la surface agricole totale dans la communauté de Sidi Frej (Algérie)

0 10 20 30 40 50 60 70 0 10 20 30 40 50

Surface agricole totale (ha)

Stock

b

rebis

(tête)

Stock brebis reproducteur en fonction de la surface agricole totale dans la communauté d'Ait Ammar (Maroc)

0 20 40 60 80 100 120 0.00 10.00 20.00 30.00 40.00 50.00 60.00

surface agricole totale (ha)

Stock

b

rebis

2003

(tête)

Stock brebis reproducteur en fonction de la surface agricole totale dans la communauté de Zoghmar (Tunisie)

0 20 40 60 80 100 120 140 160 0 20 40 60 80 100

Surface agricole totale (ha)

Stock

b

rebis

(tête)

Figure 3: Etude comparée du stock de brebis en fonction de la surface en propriété dans chaque communauté

Stock brebis en fonction du revenu non agricole dans la communauté d'Ait Ammar (Maroc)

0 10000 20000 30000 40000 50000 60000 0 20 40 60 80 100 120

Stock brebis (Tête)

Revenu

non

agricole

(Dirham)

Stock brebis reproducteur en fonction de l'activité non agricole dans la communauté de Zoghmar (Tunisie)

0 2000 4000 6000 8000 10000 12000 14000 0 50 100 150 200

Stock brebis (tête)

Revenu

non

agricole

(DT)