II/ Les effets sur le partenariat interinstitutionnel
2. Avec le parquet
du Code de procédure pénale139.
Ces mesures probatoires nécessitent que le service pénitentiaire d’insertion et de probation réalise une enquête de faisabilité. Selon l’article R. 57-‐13 du Code de procédure pénale, le juge de l’application des peines peut charger le service pénitentiaire d’insertion et de probation de s’assurer de la disponibilité du dispositif technique et de vérifier la situation familiale, matérielle et sociale de la personne condamnée notamment aux fins de déterminer les horaires et les lieux d’assignation. Le projet de libération conditionnelle de la personne condamnée qui relève des dispositions de l’article 730-‐2 peut se situer en dehors du ressort de compétence du service pénitentiaire d’insertion et de probation dont elle dépend en raison du lieu de son incarcération. La mise en œuvre de la mesure probatoire nécessite alors que le SPIP du lieu de détention s’adresse au SPIP du lieu d’exécution de la mesure de libération conditionnelle envisagée afin de déterminer la faisabilité matérielle de celle-‐ci. La faisabilité technique peut nécessiter de répondre à des interrogations très précises et concrètes auxquelles seul le service pénitentiaire d’insertion et de probation du lieu d’exécution de l’aménagement de peine est en mesure de répondre comme, par exemple, la détermination du temps nécessaire à la personne, en fonction du trafic routier local, pour se rendre de son lieu de résidence à son lieu de travail. Ces mesures probatoires nécessitent donc un partenariat entre les services pénitentiaires d’insertion et de probation qui sont amenés à collaborer à la réalisation de l’enquête de faisabilité.
La Maison centrale de Saint-‐Martin de Ré accueille des condamnés à de longues peines (avec un quantum moyen de 18 ans) et une cinquantaine de condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. Il n’est donc pas étonnant de trouver dans les dossiers des détenus étudiés140 des condamnés relevant des dispositions de l’article 730-‐2 du Code de procédure pénale qui ont déposé une demande de libération conditionnelle. Sur les 107 dossiers consultés, vingt font apparaître une demande de libération conditionnelle. Sur les vingt détenus concernés, seize relèvent de l’article 730-‐2. Cinq détenus ont obtenu cette libération conditionnelle avec mise en place d’une mesure probatoire de placement sous surveillance électronique. Pour trois d’entre eux, le projet de libération conditionnelle devait se réaliser dans un autre département, ce qui a nécessité une enquête de faisabilité.
2. Avec le parquet
Les juges de l’application des peines sont traditionnellement les interlocuteurs privilégiés des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Cependant, depuis la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, ces services ont été conduits à travailler directement avec le procureur de la République à l’occasion, d’une part, de la mise en œuvre des procédures simplifiées d’aménagement de peine (PSAP)141, applicables aux condamnés à de courtes
139 Assassinat, meurtre, torture ou actes de barbarie, viol, enlèvement, séquestration commis sur une victime
mineure et assassinat, meurtre aggravé, torture et actes de barbarie aggravés, viol aggravé, enlèvement, séquestration aggravé sur une victime majeure et meurtre, torture ou actes de barbarie, viol, enlèvement, séquestration commis en récidive.
140 V. ce Rapport, 4e partie : Annexes, Chapitre 1er : Etudes de dossiers.
141 C’est en réalité à partir de années 80 que le législateur introduit des procédures simplifiées d’aménagement
de peine à destination des personnes condamnées à de courtes peines qui ont été remaniées par la loi pénitentiaire de 2009 : C. pr. pén., art. 723-‐14 à 723-‐27.
peines d’emprisonnement afin d’éviter une incarcération désocialisante, et, d’autre part, de la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP)142, dont le but est d’éviter les sorties sèches dans un objectif de prévention de la récidive. Il ne faut cependant pas occulter qu’avec ces procédures, le législateur poursuit également un autre objectif, celui de la gestion des flux carcéraux143.
Avec ces nouvelles procédures, le législateur a amorcé un mouvement de déjuridictionnalisation144 en donnant au procureur de la République et au directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation des prérogatives importantes qui ont fait émerger un nouveau partenariat entre ces deux acteurs institutionnels.
Le partenariat entre le service pénitentiaire d’insertion et de probation et le procureur de la République apparaît tout d’abord dans le cadre de la PSAP applicable aux personnes détenues condamnées à une peine ou des peines d’emprisonnement dont le cumul est inférieur ou égal à deux ans ou condamnées à une ou des peines d’emprisonnement dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans. Les durées de deux ans sont réduites à un an si le condamné est en état de récidive légale145. Sauf impossibilité matérielle et si leur personnalité et leur situation le permettent, ces condamnés bénéficient d’une semi-‐liberté, d’un placement à l’extérieur, d’un placement sous surveillance électronique ou d’une libération conditionnelle146. En temps utile, le dossier des condamnés concernés est examiné par le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation qui détermine, après avis du chef d’établissement pénitentiaire, la mesure la mieux adaptée à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale. Le pouvoir d’initiative de la mesure d’aménagement de peine dépend donc dans cette procédure non d’un magistrat mais du directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation. S’il apparaît au directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation que le condamné a un projet sérieux d’insertion ou de réinsertion et que celui-‐ci a donné son accord à la mesure proposée, le directeur adresse au procureur de la République une proposition d’aménagement en vue de la saisine du juge de l’application des peines. Si le procureur de la République estime la proposition justifiée, il la transmet au juge de l’application des peines pour homologation147. Si le juge de l’application des peines ne répond pas dans un délai de trois semaines, le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation peut, sur instruction du procureur de la République, ramener à exécution la mesure d’aménagement proposée148. Cette procédure suppose donc un travail en
142 C. pr. pén., art. 723-‐28.
143 Sur ces procédures, voir l’article de Ph. Garreau, « Le SPIP et la procédure simplifiée d’aménagement de
peine ou quand l’attente quantité produit moins que l’exigence qualité », Gaz. Pal. 23 juill. 2013, n°204, p. 15.
144 M. Janas, « Les dispositions relatives au prononcé et à l’application des peines de la loi n°2009-‐1439 du 24
novembre 2009 dite loi pénitentiaire. – Entre aménagements de peine et libérations anticipées, de l’individualisation à l’industrialisation des aménagements de peines », Dr. pén. 2010, Etude 1 et « Les dispositions relatives au prononcé et à l’application des peines. – De l’individualisation à l’industrialisation des aménagements de peine, des peines aménagées aux aménagements law cost », Gaz. Pal. 28 janv. 2010, p. 30, M. Herzog-‐Evans, « Les décrets de la partie application des peines de la loi pénitentiaire : déjudiciarisation forcenée et maquis processuel », AJ pénal 2011, p. 160.
145 C. pr. pén., art.723-‐19. 146 C. pr. pén., art. 723-‐19. 147 C. pr. pén., art. 723-‐20. 148 C. pr. pén., art. 723-‐24.
partenariat entre le service pénitentiaire d’insertion et de probation et le parquet ainsi qu’une adhésion de ce dernier aux aménagements de peine.
Ce même partenariat apparaît ensuite dans le cadre de la SEFIP149. Pour les peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, lorsqu’aucune mesure d’aménagement n’a été ordonnée six mois avant la date d’expiration de la peine, toute personne condamnée à laquelle il reste moins de quatre mois d’emprisonnement à subir ou, pour les peines inférieures ou égales à six mois, à laquelle il reste les deux tiers de la peine à subir, exécute le reliquat de sa peine selon les modalités du placement sous surveillance électronique sauf impossibilité matérielle, refus du condamné, incompatibilité de la mesure avec sa personnalité et risque de récidive. Le placement sous surveillance électronique est mis en œuvre par le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation sous l’autorité du procureur de la République qui peut fixer des mesures de contrôle et les obligations auxquelles le condamné devra se soumettre. Ce n’est qu’en l’absence de décision de placement que le juge de l’application des peines intervient sur saisine du condamné pour qu’il statue par jugement après débat contradictoire150. Il est à noter que la SEFIP n’est pas un aménagement de peine mais une modalité d’exécution de la fin de peine mais qui est devenue un quasi aménagement de peine151.
Dans le ressort du SPIP 17, la PSAP et la SEFIP sont applicables sur les différents sites, à l’exception de la Maison centrale de Saint-‐Martin de Ré. S’agissant des aménagements de peines, les acteurs locaux privilégient la procédure ordinaire sur saisine du juge de l’application des peines. Finalement, la PSAP n’est utilisée qu’en présence d’un accord entre toutes les parties pour recourir à la procédure plus rapide. S’agissant de la SEFIP, le parquet de La Rochelle a mené une politique volontariste pour les détenus de la Maison d’arrêt de Rochefort en admettant pour l’année 2011, trois propositions sur les quatre faites par le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Le parquet de Saintes, même s’il s’est montré plus restrictif dans l’appréciation des conditions légales, a accepté une proposition sur deux en 2011 pour les détenus de la Maison d’arrêt de Saintes. Le vivier de détenus concernés au Centre de détention de Bédenac est en revanche réduit.
Si l’évolution des missions du service pénitentiaire d’insertion et de probation dans un objectif de prévention de la récidive a conduit à l’apparition de nouveaux partenariats, un renouvellement des partenariats existants peut également être observé.
B-‐ Le renouvellement des partenariats existants
L’évolution des missions du service pénitentiaire d’insertion et de probation a amené à renouveler le partenariat existant entre ce service et les juridictions de l’application des peines (1) et l’administration pénitentiaire (2).
149 P. Poncela, « La surveillance électronique de fin de peine, un symbole des évolutions du droit de l’exécution
des peines », RSC 2011, p. 681 ; E. Senna, « La surveillance électronique de fin de peine », AJ pénal 2011, p. 169.
150 C. pr. pén., art. 723-‐28. 151 V. Ph. Garreau, op. cit.
1. Avec les juridictions de l’application des peines
Au sein de chaque juridiction, le juge de l’application des peines détermine les orientations générales relatives à l’exécution des mesures confiées au service pénitentiaire d’insertion et de probation152. Le service pénitentiaire d’insertion et de probation définit les modalités de la prise en charge des personnes placées sous main de justice et les met en œuvre153. Depuis que les missions du service pénitentiaire d’insertion et de probation sont orientées vers la prévention de la récidive154, le partenariat entre ce service et le juge de l’application des peines, nécessaire à la mise en œuvre des aménagements de peines, est renouvelé. Il existe deux instances de collaboration directe entre le service pénitentiaire d’insertion et de probation et le juge de l’application des peines : la commission d’application des peines et les débats contradictoires du milieu ouvert. Le rôle du service pénitentiaire d’insertion et de probation est un rôle d’aide à la décision judiciaire au moyen de l’évaluation de la dangerosité et du risque de récidive. L’évolution des missions du service pénitentiaire d’insertion et de probation a eu un impact sur la pratique du juge. Plusieurs éléments ont été observés à cet égard lors des débats contradictoires auxquels nous avons assisté :
-‐ une prise en compte systématique, bien que controversée, du positionnement du condamné par rapport aux faits155 ;
-‐ la place de la victime dans la prise de décision avec la prise en compte de l’existence de versements volontaires aux parties civiles et de l’avis de la victime lorsque la loi l’impose ; -‐ la progressivité dans l’octroi des aménagements de peine qui passe par la nécessité de permissions de sortir préalablement à un autre aménagement de peine, permissions qui doivent s’être bien déroulées ;
-‐ l’utilisation détournée des mesures de sûreté et notamment de la surveillance judiciaire utilisée par le juge pour pallier l’absence d’aménagement de peine.
Sur ce dernier point, nous avons assisté à une audience où le tribunal de l’application des peines avait été saisi par le procureur de la République d’une requête visant au placement sous surveillance judiciaire d’un détenu prochainement libérable, notamment parce qu’il n’avait fait aucune demande d’aménagement de peine. Interrogé sur ce point, le détenu a indiqué avoir voulu finir sa peine n’ayant personne dehors qui l’attendait et ne pas comprendre pourquoi il serait encore soumis à une surveillance alors qu’il avait payé sa dette à la société. Si la dangerosité de ce détenu n’était pas complétement exclue par l’expertise ce qui pouvait justifier la surveillance judiciaire, cette audience nous a conduit à nous interroger sur la portée de l’absence de demande d’aménagement de peine de la part d’un détenu avec ce sentiment que l’institution judiciaire regardait cette circonstance comme « suspecte » et peut-‐être comme un signe de dangerosité et donc de risque de récidive. 152 C. pr. pén., art. D. 576. 153 C. pr. pén., art. D. 577. 154 C. pr. pén., art. D. 575.
155 Selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, la non reconnaissance des faits est une condition
inopérante : Crim. 25 novembre 2009, n°09-‐82.971, Bull. crim. n°197, AJ pénal 2010, 90, obs. M. Herzog-‐Evans, Crim. 3 février 2010, n°09-‐84.850, AJ pénal 2010, 334, note M. Herzog-‐Evans.