I/ L’impact de l’objectif de prévention de la récidive sur les missions du service pénitentiaire d’insertion et de probation
1. La mission traditionnelle de réinsertion
impact sur les pratiques des différents partenaires ainsi que sur les modes de coordination entre eux131.
Nous verrons ainsi que l’objectif de prévention de la récidive a eu un impact sur les missions du service pénitentiaire d’insertion et de probation qui ont connues une évolution remarquable (I). Cette évolution des missions du service pénitentiaire d’insertion et de probation, qui l’a placé au cœur du dispositif de prévention de la récidive, n’a pas manqué d’avoir des effets sur le partenariat interinstitutionnel (II).
I/ L’impact de l’objectif de prévention de la récidive sur les missions du
service pénitentiaire d’insertion et de probation
Jeune institution au sein de l’administration pénitentiaire, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) a connu une récente redéfinition de ses missions quant à sa finalité, clarifiant ainsi son intervention (A). Cette évolution a impacté profondément la fonction des conseillers pénitentiaires d’insertion de probation (CPIP) dont le statut a connu une récente réforme (B) recentrant son cœur de métier sur le champ pénal et criminologique.
A-‐ La récente redéfinition des missions du SPIP
La mission traditionnelle de réinsertion (1) s’est trouvée supplantée en 2008 par la prévention de la récidive (2).
1. La mission traditionnelle de réinsertion
Institué par un décret du 13 avril 1999, le SPIP est né de la fusion de deux services : le comité de probation et d’assistance aux libérés (CPAL), intervenant en milieu ouvert, et les services socio-‐éducatifs (SSE) intervenant au sein des établissements pénitentiaires.
Les CPAL ont été institués par l’ordonnance n° 58-‐1296 du 23 décembre 1958. Cette ordonnance crée les trois piliers du système français de probation, le juge de l’application des peines (JAP), le sursis avec mise à l’épreuve (SME) et donc le comité de probation et d’assistance aux libérés (CPAL). Outre l’autorité judiciaire mandante, il convient de remarquer la corrélation entre ce service de probation et la nature de la mesure, qui encore aujourd’hui, correspond à près de 75 % de l’activité globale des SPIP en milieu ouvert. Ainsi, notamment à partir des années quatre-‐vingt, les CPAL vont s’ouvrir vers un partenariat extérieur à travers de nouvelles mesures, tendant à la réinsertion de la personne condamnée : la création du travail d’intérêt général (TIG) en 1983 consacre la participation de la « société civile » à l’exécution des décisions judiciaires. Le partenariat se développe avec les collectivités territoriales qui voit leur champ d’intervention s’élargir après le vote des lois de décentralisation. De nouvelles modalités de prise en charge du contrôle judiciaire
131 Initialement l’évolution des missions du service pénitentiaire d’insertion et de probation a pu avoir un
impact sur le partenaire associatif notamment le partenaire hébergement en raison de problématiques techniques liées au placement sous surveillance électronique. Ces problématiques ayant aujourd’hui disparu, le partenariat associatif sera exclu du champ de notre étude car l’évolution des missions du service pénitentiaire d’insertion et de probation n’a pas eu d’impact direct sur lui.
insistant sur le caractère socio-‐éducatif de la mesure sont mises en place. Le développement des enquêtes sociales dites « rapides » ayant pour objectif d’informer les magistrats de la situation familiale et socio-‐professionnelle des prévenus et de faire des propositions alternatives à la détention date également de cette époque.
En milieu fermé, les missions du SPIP étaient mentionnées essentiellement à l’article D. 460 du Code de procédure pénale. Cet article visait en premier lieu « la prévention des effets désocialisants de l’incarcération » et renvoyait à la mission générale des SPIP à savoir la préparation de la réinsertion sociale. Ainsi, il consacrait le SPIP comme une sorte d’ « oxymore institutionnelle » ; un service pénitentiaire chargé d’une mission contraire aux conséquences propres à l’incarcération. La réinsertion, finalité des SPIP en milieu fermé, ne fait alors pas débat : on prévient les effets désocialisants de l’incarcération pendant son exécution et l’on travaille sur les modalités d’en sortir au plus vite à travers les aménagements de peine.
En 2006, la Cour des comptes, dans son rapport Garde et réinsertion – La gestion des prisons132, se montra sévère quant à la réforme de 1999 instituant les SPIP, et recommanda
une clarification de ses missions : « la réforme de 1999 s’est bornée à agréger les compétences des services sociaux des établissements pénitentiaires et celles des CPAL. Elle n’a opéré aucun choix ni établi aucune priorité ou spécialisation. Les SPIP doivent à la fois contribuer à la préparation et à l’exécution des décisions de justice et être le support de l’action d’insertion de la pénitentiaire. Ils doivent concilier les compétences d’un service social et celle d’un exécutant des décisions de justice à charge pour un fonctionnaire, le directeur du SPIP, d’identifier une politique départementale d’insertion. Cette tâche est d’autant plus délicate que les SPIP doivent au surplus, participer à la prise en charge de certaines mesures préalables aux jugements… ». La Cour concluait donc à la nécessité de « clarifier les missions des SPIP en les hiérarchisant et en redéfinissant les conditions de leurs interventions ».
2-‐ La finalité plus globale de prévention de la récidive
Le SPIP va voir ses missions évoluer quant à leurs priorités face à plusieurs phénomènes. La mission classique de réinsertion sociale va s’avérer inopérante dans la prise en charge de certains auteurs d’infractions sexuelles. Si le phénomène des infractions de nature sexuelle touche tous les milieux socio-‐professionnels, de quelle intervention sociale un cadre supérieur condamné pour avoir violé sa fille mineure a-‐t-‐il besoin ? Ce dernier va rester autonome dans ses démarches administratives, judiciaires, il pourra bénéficier d’un soutien social, voire encore familial. Autant de facteurs lui permettant de proposer un projet socio-‐ professionnel lui permettant de bénéficier d’une mesure d’aménagement de peine ou d’une alternative à l’incarcération.
Cet exemple, a priori caricatural est pourtant loin d’être isolé. Les années 90 ont vu s’orienter les politiques criminelles dans la répression, de plus en plus sévère des délits et crimes sexuels. La redéfinition moderne dans le Code pénal de l’incrimination de viol ne date
132 Garde et réinsertion -‐ La gestion des prisons, Bibliothèque des rapports publics -‐ La Documentation
que de la loi du 23 décembre 1980. Complétée par une prise de conscience de l’opinion publique, une écoute plus adaptée dans les lieux de dépôt de plainte, ainsi que par le développement d’association d’aide aux victimes, la parole des victimes d’infractions sexuelles s’est peu à peu libérée et le nombre de condamnations et donc d’incarcérations pour ce motif n’a cessé d’augmenter à partir des années quatre vingt-‐dix. Ce nouveau profil de personnes condamnées s’accompagne de trois problématiques spécifiques : le déni très fréquent de la personne, la question du soin pour des personnes condamnées mais perçues comme également malades, et enfin la récidive, difficilement supportable pour l’opinion publique puisque ces personnes « malades » doivent être « traitées » pour sortir de prison « guéries. »
La seule intervention sociale en détention en termes d’aide à la sortie, ou en milieu ouvert, en termes d’aide à l’insertion, voire en un simpliste contrôle social quant au respect d’obligations génériques, va vite s’avérer insuffisante. L’intervention du SPIP ne se justifie pas par des difficultés liées à l’insertion sociale mais bien par un mandat judiciaire, résultant de la commission d’une infraction et d’une condamnation. Pour la Cour des comptes, dans son rapport de 2006, il n’est en conséquence pas anormal que l’action de ses agents « soit centrée sur ce domaine où ils sont parfaitement légitimes et compétents».
Cette fonction de réinsertion va être elle-‐même dépassée par de nouvelles mesures, issues de nombreuses réformes pénales à partir de la fin des années quatre vingt-‐dix, lesquelles vont avoir un effet sur les missions du SPIP (et celle des CPIP) : placement sous surveillance électronique en 1997, peine de suivi socio-‐judiciaire en 1998, réductions de peines conditionnelles en 2004, surveillance judiciaire et placement sous surveillance électronique mobile en 2005, surveillance et rétention de sureté en 2008, PSAP et SEFIP en 2009. Plusieurs de ces nouvelles mesures voient leur champ d’application concerner les auteurs d’infractions sexuelles, avant de fréquents élargissements aux autres atteintes graves contre les personnes notamment pour le suivi socio-‐judiciaire (SSJ) et la surveillance judiciaire des personnes dangereuses (SJPD). Il s’agit notamment d’organiser la question sensible de la sortie de prison en éradiquant la sortie sèche, au profit de libérations permettant un suivi judiciaire et pénitentiaire, fut-‐il par la voie de mesures de sureté. Si une étude française avait démontré l’intérêt d’une libération anticipée133 ces mesures législatives visent uniquement à prévenir toute libération sèche. Le SPIP n’est donc plus chargé exclusivement de l’exécution de peines ou mesures alternatives à l’incarcération, par définition favorables aux personnes placées sous main de justice (PPSMJ), mais également à présent des mesures de sûreté, dans un objectif globalisé de prévention de la récidive, incluant la réinsertion de la personne condamnée, mais ne s’y limitant pas. L’accumulation de ces nouvelles mesures confiées aux SPIP a donc influé sur la pratique de ces services et va se répercuter sur ses missions, la contribution à la réinsertion étant englobée dans la finalité de prévention de la récidive.
Si la loi du 22 juin 1987 créant le service public pénitentiaire avait consacré dans son article 1er la réinsertion sociale comme mission de ce service (outre une fonction de garde) l’évolution législative des années 1990-‐2000 entraîna son abrogation en 2009 avec la loi
133 « Les risques de récidive des sortants de prison Une nouvelle évaluation » Annie Kensey, Abdelmalik
Benaouda. DAP PMJ5 mai 2011 – n° 36 Cahiers d'études : l’étude a révelé une plus faible récidive des libérés en conditionnelle par rapport aux libérés à terme. Cela vaut essentiellement pour les primo-‐incarcérés, dont 44% sont à nouveau condamnés après quatre ans, contre 70 % pour les libérés à terme, soit un taux différentiel de 1,6.
pénitentiaire du 24 novembre. Dès 2008, le rapport du Président de la Cour de cassation, Lamanda134, préconise dans sa cinquième recommandation d’ « ajouter la prévention de la récidive à la définition des principales missions de l’administration pénitentiaire ». Cette proposition sera actée un an plus tard par la loi pénitentiaire qui abrogera l’article 1er de la loi du 22 juin 1987. L’article 2 de la loi de 2009 précise et développe ces missions en demandant au service public de « contribuer à l’insertion ou la réinsertion des personnes qui lui sont confiées, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique ».
Concernant plus précisément les SPIP, il convient de rappeler l’existence dès le 19 mars 2008 d’une circulaire ministérielle relative aux missions des SPIP135, laquelle a ciblé la prévention de la récidive comme la finalité des actions de ces services. Elle consacre le SPIP comme « maître d’œuvre de l’exécution des mesures et des peines » et regroupe les principaux axes de la prévention de la récidive : l’aide à la décision judiciaire et individualisation des peines, la lutte contre la désocialisation, la (Ré)insertion des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) et le suivi et le contrôle des obligations de ces mêmes personnes. Si les termes d’insertion et de réinsertion sont toujours présents, il convient de souligner qu’ils sont mentionnés comme des objectifs, des moyens, et non plus une fin en soi, a contrario de la prévention de la récidive, notion englobant la réinsertion.
Cette évolution législative et réglementaire a profondément modifié l’orientation des SPIP quant à ses missions. Elle a également eu un impact sur le métier du CPIP, le consacrant comme acteur central de la prévention de la récidive. Les missions du CPIP, outre la circulaire de mars 2008 et la loi pénitentiaire de 2009 seront encore précisées en 2010 suite à une réforme statutaire.
B-‐ Le CPIP comme acteur central de la prévention de la récidive
Le métier de CPIP a connu une importante évolution quant à ses missions lesquelles se sont longtemps juxtaposées d’où une crise d’identité professionnelle à laquelle l’administration pénitentiaire a répondu par une réforme statutaire consacrant un cœur de métier recentré sur le champ pénal et criminologique, permettant ainsi une clarification des missions du CPIP (1) faisant suite à l’apparition de nouvelles méthodes ou objectifs d’intervention (2).
1. La clarification des missions du CPIP : de la réinsertion vers le champ pénal et