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Comme nous l'avons exposé auparavant, la notion de conduites à risque recouvre des situations de prise de risque qui peuvent se présenter sous des formes multiples : consommations de substances psycho-actives, conduite dangereuse sur la route, pratique de

sports extrêmes...

Certaines recherches portant sur la santé des personnes LGB prennent en compte les conduites à risque. Ces études sont moins nombreuses que celles qui mettent en lien orientation sexuelle et suicide, et généralement, elles ne s'intéressent qu'à certaines formes de conduites à risque, souvent déterminées en fonction du contexte de la recherche. Ainsi, on remarquera notamment, que les prises de risque lors des comportements sexuels font plus souvent l'objet

d'étude sur la santé des hommes ayant des relations homosexuelles, comparativement à d'autres types de conduites à risque qui pourraient les concerner également. Cela peut s'expliquer, en partie, par la plus forte prévalence de personnes contaminées par le V.I.H dans cette population, qui a été mis en évidence aussi bien en Amérique du nord qu'en Europe, où les rapports sexuels entre hommes représentent le mode de transmission prédominant (Onusida, 2009).

2.4.1 Conduites à risque sexuelles chez les hommes ayant des rapports sexuels

avec des hommes

Dans ce contexte, l'absence de protection lors de relations sexuelles à risque face au VIH a été étudiée, dans plusieurs études récentes qui mettent en évidence le lien avec le risque suicidaire ou d'autres formes de conduites à risque.

Par exemple, une enquête longitudinale sur l'incidence du VIH chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes au Canada décrit l'évolution de la consommation de drogues, en lien avec l'âge et les comportements sexuels à risque pour le VIH (Otis, Girard, Alary, Remis, Lavoie, Leclerc, Vincellette, Turmel & Masse, 2006). Cette recherche menée dans la région de Montréal a porté sur la cohorte Omega, constituée d'hommes séronégatifs, âgés de 16 ans et plus, et ayant eu des relations sexuelles avec d'autres hommes au cours de l'année précédente. Le recrutement effectué entre octobre 1996 et juillet 2003 a fait appel à des organismes communautaires gais, des cliniques médicales, des campagnes de publicité dans les médias généralistes et les médias gais... Il a donné lieu à 14 temps d'observation. Tous les 6 mois, les participants ont été rencontrés individuellement pour un entretien dirigé en face à face, suivi d'un auto-questionnaire comportant des questions plus personnelles, d'ordre

comportemental. Mille huit cent quatre-vingt dix participants ont répondu au questionnaire

d'entrée dans la cohorte (T0) et 1587 d'entre eux ont répondu au moins lors de la première visite (T1), constituant la base des analyses. L'âge moyen de cet échantillon est de 32,7 ans (Ecart type: 9,98 ans). A chaque temps d'observation, les participants ont rapporté des données telles que la consommation de différentes drogues au cours des 6 derniers mois, ou le fait d' « avoir eu une relation anale non protégée avec un partenaire séropositif au VIH ou de statut sérologique inconnu au moins une fois dans les six derniers mois ». Près de 70% des Hommes ayant des rapports Sexuels avec des Hommes (H.S.H.) interrogés déclarent avoir déjà consommé des drogues au moins une fois dans leur vie. Les résultats montrent une augmentation de la consommation de diverses drogues, notamment des drogues dites récréatives. Les auteurs soulignent que si cette évolution a été observée aussi en population générale au Canada, « la communauté gaie est largement affectée par ce phénomène social,

mais d'une manière beaucoup plus marquante, particulièrement parmi les plus jeunes. » Ils mettent en évidence le lien entre cette évolution de la consommation de drogue et l'adoption de comportements sexuels à risque chez les H.S.H., et insistent sur l' « urgence de comprendre les spécificités de ce phénomène » (Otis & al., 2006, 192). On notera également que, dans cette enquête, prés d'un tiers des participants déclarent avoir eu des relations sexuelles en échange d'argent ou de drogues.

2.4.2 Consommation de substances psycho

-

actives

Concernant le lien entre consommation de drogue et conduites à risque chez les H.S.H, d'autres recherches, menées récemment en France, aboutissent à des conclusions plus nuancées, tout en soulignant la complexité de ce phénomène.

Ainsi, les résultats d'une enquête au sujet de l'usage de substance psycho-actives en contexte

festif gay, réalisée à Paris et à Toulouse, en 2007-2008, viennent de paraître. Dans un contexte

marqué par une recrudescence des contaminations chez les jeunes gays, Fournier et Escots (2010) ont mené une enquête qualitative incluant des observations en contexte festif gay, et des entretiens avec 35 hommes gays, consommateurs de substances psychoactives et 15 associatifs et professionnels, recrutés par le biais « d'informateurs » grâce à la technique « boule de neige ». Les 35 usagers, âgés de 22 à 45 ans, sont socialement bien intégrés, disposent d'un emploi régulier et ont majoritairement suivi des études supérieures. Vingt et un d'entre eux ont été recrutés à Paris et 14 à Toulouse. A l'issue de l'analyse des entretiens, les auteur-e-s ne concluent pas à un lien direct entre usage de substances psychoactives et conduites à risque, mais plutôt à un lien complexe « montrant également que les produits n'interviennent qu'en bout de course d'un processus faisant intervenir des facteurs psychologiques, sociaux, relationnels... » (opt. cit., 150). En effet, Fournier et Escots (2010) constatent, d'une part, que certains présentent des conduites à risque sexuelles qu'ils aient consommé ou non des drogues et, d'autre part, que d'autres «moins engagés dans des consommations de drogues, sont d'autant plus vigilants lorsqu'ils ont consommé un produit avant d'avoir une relation sexuelle, car pour eux consommer une drogue c'est déjà prendre un risque » (opt. cit., 152). D'autres auteurs qui se sont intéressés à cette problématique avec d'autres approches aboutissent des conclusions similaires.

Ainsi, à partir des entretiens cliniques qu'il a menés, notamment dans le cadre d'ESPAS, lieu d'accueil spécialisé pour les jeunes confrontés à la problématique du sida, Hefez (2003) souligne qu'il convient d'éviter les amalgames faciles entre prise de risque sexuel et équivalent suicidaire.

Adam et ses collègues (2006), quant à eux, se sont intéressés aux effets de la dépression sur l'activité sexuelle et la prise de risque parmi les gays français, utilisateurs de sites de rencontre sur internet. A partir d'analyses de régression, ils ont étudié les réponses fournies par 1932 H.S.H ayant eu des partenaires occasionnels dans l'année précédent leur participation à une enquête en ligne, proposée sur le site de rencontres internet Citegay, en 2004 (Adam, De Wit, Alexandre, Paolucci & Troussier, 2006). Selon ces auteurs, certains H.S.H utiliseraient l'activité sexuelle comme régulation du mal-être lié à la dépression et dans ce contexte, la

sexualité donnerait davantage lieu à des prises de risque. Cette spirale explique 34% de la variance du phénomène de prise de risque chez les gays séronégatifs et 56% de cette variance chez les gays séropositifs. Il semblerait donc que l'activité sexuelle et la prise de risque concomitante, puisse correspondre, dans certains cas, à une manifestation morbide de la dépression. Partant de ce constat, Adam et al. (2006) soulignent l'intérêt de prendre en compte le bien-être et la santé mentale des gays, dans le cadre de la prévention du VIH.

2.4.3 Conduites à risque des jeunes lesbiennes, gays et bisexuel

-le-

s dans une

perspective différentielle selon le sexe

Lorsque les enquêtes relatives aux conduites à risque chez les jeunes LGB portent sur les filles et les garçons, les auteurs rapportent des différences significatives selon le sexe. Ainsi, Saewyc, Bearinger, Heinz, Blum et Resnick (1998) se sont donné pour objectif d'explorer les conduites à risque d'un échantillon de 394 adolescent-e-s bisexuel-le-s et homosexuel-le-s, dans

une perspective différentielle filles/garçons. Ils ont eu recours à la « Minnesota Adolescent Health Survey », comme base de données. Dans cette enquête, conduite durant l'année scolaire 1986-1987, auprès d'un échantillon stratifié de plus de 36000 élèves des grades 7 à 12 (âgé-e-s

de 12 à 18 ans), le questionnaire anonyme auto-administré de 148 questions incluait des

questions sur l'orientation sexuelle. Il était notamment demandé aux participant-e-s de

s'identifier parmi les 6 modalités de réponse suivantes : « 100% hétérosexuel, surtout

hétérosexuel, bisexuel, surtout homosexuel, 100% homosexuel, incertain ». Pour leur analyse,

les auteur-e-s ont pris en compte les 182 filles et 212 garçons qui se sont définis comme

bisexuel-le, principalement homosexuel-le, ou comme homosexuel-le. Les résultats issus de cet

échantillon montrent des différences significatives entre les filles et les garçons relativement aux conduites à risque et à la perception qu'ils-elles ont de leur santé. En effet, les filles sont

plus nombreuses à rapporter une image corporelle négative, une insatisfaction concernant leur poids, et des privations de nourriture plus fréquentes, ainsi que des situations d'abus sexuels. Les garçons, rapportent avoir eu plus d'expériences sexuelles et consommer de l'alcool plus souvent et dans de plus grandes quantités. Les auteur-e-s soulignent que près d'un tiers des

filles et des garçons agé-e-s de 15 ans et plus rapportent avoir tenté de se suicider au moins une

fois, tandis que dans cette même population, ils constatent notamment une différence significative quant au fait de consommer de l'alcool avant d'aller à l'école (19% des garçons, vs 3,9% des filles; p < 0.05).

Des liens entre orientation sexuelle et conduites à risque sont donc mis en relief chez les filles comme chez les garçons, mais il s'agit de conduites à risque différentes, plus caractéristiques d'un sexe ou de l'autre. Là encore les données nous invitent à appréhender cette problématique dans une perspective différentielle selon le sexe.