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5.4. Justifications du modèle étudié : les particularités de la coopérative Fonterra

5.5.2. Opportunités rattachées au modèle hybride

Le modèle coopératif a longtemps dû composer avec des problèmes internes majeurs qui ont nui à son développement au profit d’autres institutions, notamment la mise en marché collective au Québec. Toutefois, en optant pour un renouveau de la structure coopérative traditionnelle, le modèle hybride parvient à saisir des opportunités indéniables permettant à

la coopération de s’imposer à nouveau comme un modèle d’affaires pérenne et compétitif. En effet, selon Carman (1997), le modèle hybride permettrait aux coopératives d’atteindre une taille névralgique permettant de compétitionner sur les marchés internationaux parmi les plus grandes entreprises. Cette affirmation se confirme avec le palmarès des plus grands transformateurs laitiers, selon leur chiffre d’affaires en 2011, où Fonterra se classe quatrième derrière Nestlé, Danone et Lactalis (incluant Parmalat), et première en termes de volume transformé (CCIL, 2011).

Par conséquent, sans les opportunités rattachées au modèle hybride, tant au niveau de la gouvernance que de la capitalisation, les coopératives seraient difficilement en mesure d’être compétitives sur les marchés mondiaux et plusieurs institutions, actuellement coopératives, devraient possiblement se démutualiser afin de prendre de l’expansion. La clef du succès de la coopérative Fonterra est sans contredit l’atteinte d’une coordination plus efficace du secteur laitier néo-zélandais, et ce, grâce à son statut de monopole/monopsone ainsi qu’à de multiples éléments novateurs de sa structure hybride.

5.5.2.1. Réduction du risque pour les producteurs

La notion de risque réfère aux hasards relatifs à la production agricole (prix, quantité, qualité) et la structure de Fonterra permet de réduire grandement leur incidence pour les producteurs de la Nouvelle-Zélande. De fait, les risques inhérents aux prix sont limités puisque la coopérative est la propriété de ses membres; leur bien-être est impératif pour Fonterra et le prix offert aux producteurs pour leur lait est, soit plus élevé sur leur paye de lait ou encore, complété par le versement d’une ristourne issue des bénéfices réalisés (retombées équivalentes selon l’équation de Goddard et al). Au niveau des quantités, Fonterra connaît la capacité de production de ses membres étant donné que les parts coopératives sont associées à des volumes de livraison connus en temps réel. De plus, la possibilité d’utiliser des Peak Notes afin de financer les périodes de production intense réduit l’impact négatif des fluctuations saisonnières de la production laitière néo- zélandaise. Ainsi, la méga-coopérative peut rentabiliser ses installations de transformation de manière à utiliser tout le lait de ses membres, même en périodes de pointe. En ce qui concerne la qualité des produits, Fonterra parvient à standardiser la qualité et à innover

étant donné le capital technique et humain dont elle dispose. La réduction des risques au niveau de l’innocuité alimentaire est attribuable aux hauts standards de la coopérative ainsi qu’aux divers tests effectués lors de la collecte du lait sur les fermes des producteurs membres.

Bref, la diminution du risque pour les producteurs agricoles est assurée par la méga- coopérative, et ce, tout en maintenant leurs entreprises indépendantes. De fait, Fonterra bénéficie des avantages relatifs à l’intégration verticale (diminution des coûts de transaction, meilleure circulation de l’information, qualité accrue des produits, etc.), tout en évitant les aspects négatifs souvent associés à ce mode de coordination, particulièrement en ce qui concerne la perte d’indépendance des producteurs. En effet, la coopérative étant la propriété de ses membres, les producteurs peuvent compter sur Fonterra afin de se coordonner et de réduire leurs risques tout en maintenant la propriété de leur entreprise. Cette dernière considération joue grandement en faveur de la formule coopérative du fait que les producteurs agricoles sont très attachés à leur autonomie.

5.5.2.2. Coordination verticale de la production laitière néo-zélandaise

La coordination verticale implique que plusieurs étapes de la chaîne d’approvisionnement sont coordonnées entre elles de façon à augmenter l’efficacité de l’ensemble de la filière. Grâce à sa position de vendeur et d’acheteur unique, Fonterra est capable d’assurer une coordination efficace du secteur laitier de la Nouvelle-Zélande. En effet, les parts de marché à l’international procurent à la méga-coopérative une position enviable sur tous les continents et, si tel n’est pas le cas, celle-ci procède par des alliances ainsi que la mise en place de coentreprises afin de pénétrer les marchés étrangers. Aussi, tel que mentionné précédemment, le volume de lait agrégé de Fonterra lui permet de concurrencer les plus grandes multinationales, situation impossible sans le monopole naturel de la coopérative. Par conséquent, Fonterra parvient à atteindre son objectif d’être le fournisseur de lait au moindre coût, et ce, à l’échelle internationale.

Au niveau de sa structure, Fonterra détient des maillons dans toutes les étapes de la production, de la transformation, de la distribution et de la mise en marché du lait. De fait,

la méga-coopérative détient deux entreprises de fournitures d’intrants, l’une dénommée

ViaLactia Biosciences, qui cherche à maximiser le rendement des pâturages ainsi que la

production laitière des vaches, et l’autre RD1, qui comprend 64 succursales vendant du matériel agricole aux producteurs membres (Fonterra, 2012j). Ensuite, la coopérative récolte le lait de ses propriétaires, le transforme dans l’une de ses 50 usines (une trentaine en Nouvelle-Zélande, 10 en Australie, sept en Asie, une en Amérique latine ainsi qu’une autre pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord) et procède à sa vente sur le marché intérieur ou encore, à l’international (Fonterra, 2012l). Fonterra détient également des entreprises de recherche et de développement, majoritairement sous forme de partenariats ou de coentreprises comme Dairy Partners Americas et DairiConcepts. En aval de la transformation, la méga-coopérative produit également de l’éthanol avec Anchor Ethanol

Limited par le biais de trois usines situées en Nouvelle-Zélande et développe des produits

pour le secteur pharmaceutique avec DFE Pharma (Fonterra, 2012j; Fonterra, 2012k). Ce portrait très sommaire démontre les ramifications de la coopérative au sein de toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement et les opportunités rattachées à son statut de monopole lui permettant de coordonner verticalement de multiples étapes en amont et en aval de la production laitière de ses 10 500 membres.

5.5.2.3. Coordination horizontale par un monopsone coopératif

La situation monopsonistique de Fonterra lui assure une position enviable afin de favoriser une coordination horizontale plus étroite de la production laitière néo-zélandaise. Tout d’abord, les parts de marché de la coopérative permettent d’accéder à des économies de taille significatives, positionnant plus favorablement Fonterra sur les marchés internationaux. Ensuite, la structure coopérative de Fonterra fait en sorte que les parts coopératives sont rattachées à des parts de livraison proportionnelles. Ainsi, le volume de lait agrégé de ses membres est connu et les décisions d’affaires peuvent être plus facilement alignées avec la capacité de production et de transformation de la coopérative. La coordination horizontale de la production est également possible grâce à l’utilisation de

Peak Notes, soit une sorte de financement des périodes de pointes par les producteurs,

permettant d’atténuer l’impact financier des grandes fluctuations de production sur les résultats de la coopérative.

Aussi, le monopsone de Fonterra et le statut d’exportateur net de la Nouvelle-Zélande font en sorte que les transactions vers les marchés étrangers sont très bien développées et permettent d’écouler toute la production laitière excédentaire du pays et de la valoriser sur des marchés à valeur ajoutée. Bref, le lait produit par les membres de Fonterra est entièrement collecté par l’entreprise et transformé pour le marché intérieur ou les régions importatrices comme l’Asie, l’Amérique latine, le Moyen-Orient ainsi que l’Afrique du Nord. Ainsi, aucune crise de surproduction ne plonge le secteur laitier, décisif pour la Nouvelle-Zélande, dans une situation de chute drastique des prix, comme ce peut être le cas aux États-Unis ou en Europe lors d’une coordination horizontale défaillante.