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2.5. Différentes institutions pour coordonner le secteur agricole

2.5.5. Les coopératives

Maintenant que les principaux modes de coordination agricoles ont été abordés, il reste le mode de gouvernance central de ce mémoire, soit la formule coopérative. Deux auteurs sont au cœur de l’analyse économique des coopératives agroalimentaires, soit Edwin G. Nourse (The Place of the Cooperative in Our National Economy (1945); école de Chicago) ainsi qu’Aaron Sapiro (True Farmer Cooperation (1923); école de Californie). Brièvement,

Sapiro a analysé l’évolution de Sunkist, une coopérative américaine d’agrumes, qui a vu le jour en 1893 alors que les producteurs désiraient obtenir un prix juste pour leurs fruits en coordonnant mieux leur mise en marché (Hogeland, 2006). Sapiro a alors constaté que les producteurs s’étaient dotés d’une structure leur permettant de détenir un certain contrôle sur le marché et de négocier avec les transformateurs en faisant contrepoids collectivement (Idem). La vision coopérative de Sapiro se fonde sur une institution à grande échelle, voire un monopole pour un secteur donné. «He wanted to position strong cooperative suppliers against the marketplace’s strong buyers or distributors of farm products» (Idem: p.68).

À l’opposé, Nourse avance, avec sa théorie bien connue The Competitive Yardstick School

of Thought, que la coopérative est davantage une institution modeste et locale (Torgerson et al, 1998). Ainsi, la coopérative peut pleinement assumer son rôle de coordination et de

discipline des marchés afin d’améliorer la situation des producteurs agricoles, jusqu’alors victimes du pouvoir de marché des acheteurs (Hogeland, 2006). Selon Nourse, une coopérative débute à petite échelle et augmente sa taille à mesure qu’elle veut rétablir la compétition au sein d’un marché, jusqu’alors problématique sans son intervention (Idem). Lorsque la coopérative atteint son objectif de régulation des marchés, Nourse mentionne qu’elle doit maintenir ses activités à leur niveau actuel ou encore, cesser ses opérations (Idem).

Les visions diamétralement opposées de Sapiro et Nourse, quant à la nature et au rôle des coopératives agroalimentaires, ont eu un impact considérable sur le développement de la théorie coopérative. Malgré les changements rapides de l’environnement économique du secteur agroalimentaire, les justifications économiques pour la formation d’une coopérative demeurent similaires dans le contexte actuel :

The two most frequent economic justifications for forming cooperatives cited to legislative sponsors of collective action were: [1] individual producers needed an institutional mechanism by which they could bring economic balance under their control and because of excess supply induced prices and [2] individual farmers needed countervailing power when confronted with monopsonistic and/or monopolistic market structures (Cook, 1993: p.156).

Également, en se référant aux recherches de Sykuta et Cook (2001), il est aisé de constater que les justifications en faveur de la création d’une coopérative ne sont pas différentes de

celles énoncées par Sapiro et Nourse dans la première moitié du 20e siècle. De plus, Cook (1993) ajoute des précisions quant au rôle des coopératives selon cinq motivations, ou avantages, associés à la formation d’une coopérative afin de coordonner le marché agricole. De fait, la formule coopérative avantagerait les membres en permettant de :

a. Lutter contre le pouvoir de marché;

b. Profiter de gains monétaires associés aux économies d’échelle; c. Réduire le risque;

d. Offrir des services jusqu’alors indisponibles; e. Bénéficier de marges supplémentaires.

Pour ce faire, la coopérative agit en tant qu’organisation d’influence auprès de la concurrence en donnant la possibilité aux producteurs agricoles de regrouper l’offre et de bénéficier de la force du nombre (Schomisch, 1979). La notion de risque et la profitabilité de la coopérative au niveau des économies d’échelle sont des concepts récents issus des changements rapides du secteur agroalimentaire. Bref, la formule coopérative a évolué dans le temps afin de répondre à des besoins majeurs pour les producteurs agricoles, tout en s’adaptant à l’environnement économique dans lequel elle évolue (mondialisation, consolidation des acteurs, industrialisation, etc.).

Le tableau 4 présente les principaux modes de coordination (gouvernance) selon le degré de risque encouru par le producteur agricole étant donné une coordination plus étroite. Par contre, il faut mentionner que la coordination augmente, mais que le producteur perd, en contrepartie, de plus en plus le contrôle sur les décisions de production.

Tableau 4. Modes de coordination selon le degré de risque encouru par le producteur agricole étant donné une coordination plus étroite (mais perte de contrôle de celui-ci sur les décisions de production).

Chapitre 3

LA COOPÉRATIVE TRADITIONNELLE ET SES PROBLÈMES

Les coopératives sont mises en place, dans la majorité des cas, dans l’optique de mieux coordonner le marché, de corriger les imperfections de marché ou encore, de capturer une plus grande rente en mettant en commun certaines ressources (Iliopoulos, 2003). Si les principaux motifs pour mettre en place une coopérative semblent clairs et faire une certaine unanimité au sein de la littérature, la situation est différente au niveau de la définition même de la coopérative traditionnelle. De fait, différents courants économiques dominants (théories institutionnelle, néoclassique, néo-institutionnelle, etc.) se sont penchés sur l’analyse du mouvement coopératif, sans pour autant la conceptualiser de la même façon. Cette revue de littérature, dans un premier temps, tentera de retracer ces différentes visions de la coopérative traditionnelle afin de parvenir à mieux la définir. Dans un deuxième temps, les différents problèmes internes de la coopérative traditionnelle seront rapportés afin de comprendre les multiples obstacles, connus par les coopératives agroalimentaires, qui ont nui à leur développement au cours des dernières décennies. De fait, malgré son désir de mieux coordonner le secteur agricole, la formule coopérative traditionnelle se heurte à différentes problématiques internes, que ce soit au niveau de la gouvernance, de la capitalisation ou encore, de la préservation des valeurs coopératives.