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2.5. Différentes institutions pour coordonner le secteur agricole

2.5.2. La contractualisation

La contractualisation de l’agriculture, ou contract farming, peut être considérée comme une forme alternative d’intégration verticale (selon les Américains) ou encore, comme un mode de coordination à part entière (selon les Britanniques) (Rehber, 1998). Dans le cadre de la contractualisation, Hobbs et Young (2001) mentionnent que le producteur agricole transfère le contrôle de certains aspects de sa production et de sa mise en marché à une entité externe, mais diminue, en contrepartie, grandement ses risques. Ainsi, les deux parties sont gagnantes étant donné que : «farmers get a guaranteed outlet for their production with known compensation, while contractors get an assured supply of commodities with specified characteristics, delivered in a timely manner» (Hoppe et Banker, 2005: p.29). De fait, l’agriculteur parvient à stabiliser sa situation, en diminuant son risque, et peut avoir accès à du support technique ainsi qu’à une technologie plus avancée et ce, puisqu’il fait désormais affaires avec un contracteur disposant souvent de plus de moyens (humain, financier, technologique, etc.) (Kunkel et al, 2009).

Plusieurs forces ont mené à l’utilisation accrue des contrats en agriculture, par exemple la concentration des acteurs, les nouvelles tendances de consommation ainsi que les changements technologiques rapides (Vavra, 2009). De ce fait, la production agricole sous contrats a connu une importance variable dans le temps et selon les secteurs de production au Canada. Toutefois, le concept organise un pourcentage impressionnant de la production

agricole canadienne et américaine. De fait, il est estimé que 90 % de la production porcine du Canada serait assujettie à une forme quelconque de contractualisation, incluant les organismes de commercialisation qui sont davantage rattachés à la mise en marché collective au Québec (AAC, 2006). En comparaison, aux États-Unis, près de 100 % de la production de betteraves sucrières ainsi que de volaille (œufs et viande inclus) serait effectuée par le biais de contrats, alors que les cultures de blé, de soya et de maïs ne feraient pratiquement pas l’objet de contrats de production (Idem).

Globalement, les contrats représentent un large éventail de possibilités et c’est probablement la flexibilité associée à ce mode de coordination qui permet son adoption de plus en plus répandue. De fait, la contractualisation est un mécanisme diversiforme qui peut se subdiviser en plusieurs types de contrats, selon la nature, la latitude du producteur ainsi que la durée de ceux-ci (court, moyen ou long termes). De fait, il existe une multitude de classifications des contrats sur lesquels il est inutile d’élaborer trop longuement. Ainsi, les principales catégories contenues dans la littérature sont identifiées dans le tableau 2.

Tableau 2. Caractéristiques de deux grandes catégories de contrats.

Contrats de mise en marché (marketing)

Ces contrats sont effectués entre un producteur agricole et un acheteur qui lui garantit un marché ainsi qu’un prix pour son produit (Hoppe et Banker, 2005). Avec ce type de contrat, le producteur agricole demeure gestionnaire de sa production, mais l’acheteur peut négocier pour la date de livraison et assumer certains risques (Hobbs et Young, 2001). De ce fait, l’acheteur peut sécuriser son approvisionnement et spécifier une quantité et une qualité pour le produit qu’il recherche, alors que le producteur agricole limite ses risques.

Contrats de production

Regroupent les contrats, qualifiés par Mighell et Jones (1963), de gestion de la production (production-management) ainsi que de fourniture d’intrants (resource

providing). Le premier donne sensiblement plus de latitude au producteur agricole alors

que le deuxième n’en laisse pratiquement pas, car l’acheteur contrôle pour ainsi dire tous les aspects de la production. Le produit est la propriété du contracteur durant tout le processus et celui-ci donne des conseils techniques et spécifie les intrants à utiliser (Hoppe et Banker, 2005).

Sources : Mighell et Jones (1963); Hobbs et Young (2001); Hoppe et Banker (2005).

Toutefois, il n’existe pas seulement de bons côtés à la contractualisation puisque celle-ci doit être établie selon les normes afin d’éviter d’éventuels conflits et des problèmes de part et d’autre (faible qualité d’intrants, omission ou délai dans la manutention des produits,

coûts associés à la non-reconduction d’un contrat, etc.) (Hayenga et al, 2000). De plus, un autre désavantage souvent évoqué du côté du producteur agricole est celui de la perte d’indépendance dans le cadre de contrats de production (Idem). De fait, les producteurs doivent s’interroger à savoir si la problématique associée à la perte d’autonomie surpasse les avantages de la contractualisation, notamment la diminution des risques. Un exemple probant du secteur agroalimentaire, prouvant les limites de la contractualisation pour coordonner un secteur agricole, est celui de la France. En effet, les quotas laitiers seront abolis en 2015 et les Français comptent sur la contractualisation afin de coordonner le marché. Toutefois, en considérant les propos d’individus qui œuvrent dans ce secteur, plusieurs mentionnent que des mécanismes supplémentaires devront être mis en place afin de superviser la mise en place de ces contrats. Par conséquent, il est difficile de croire qu’à eux seuls, les contrats pourront assurer une coordination efficace de la production laitière française, ce qui donne lieu de penser qu’il ne s’agit pas du mode de coordination le mieux adapté dans cette situation. En effet, cette problématique a trait au fait que la contractualisation ne permet pas d’atteindre à la fois une coordination verticale et horizontale du secteur agricole, ce qui est pourtant nécessaire en agriculture et permet de mieux distribuer la valeur ajoutée à travers l’ensemble des maillons de la chaîne.