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5.1. Présentation et historique de Fonterra

5.1.5. Monopole virtuel

Comme le démontrent les sections précédentes, Fonterra détient des parts de marché imposantes tant sur le marché intérieur qu’au niveau international. Par conséquent, la méga-

23 L’expression « monopole virtuel » est utilisée en tant que synonyme de quasi-monopole. Également, les

coopérative est considérée comme étant un monopole virtuel puisqu’elle pourrait théoriquement : 1) influencer directement le niveau des prix sur le marché intérieur, 2) créer des barrières à l’entrée supplémentaire pour de nouveaux joueurs et 3) faire preuve d’une compétition déloyale envers les entreprises concurrentes. Toutefois, en raison de sa nature, une coopérative détenant un pourcentage important des parts d’un marché a peu d’incitatif à utiliser son pouvoir de marché de la même façon qu’une entreprise capitaliste, c’est-à-dire que son impact sur les prix sera tout à fait différent. Comme le mentionne Evans (2011), une entreprise engrangera des profits au moment où les prix sont équivalents aux coûts moyens, et supérieurs ou égaux aux coûts marginaux. Ainsi, dans le cas d’une entreprise en situation monopolistique ou encore, monopsonistique, celle-ci peut augmenter les prix au-delà de ses coûts moyens et a les incitatifs d’agir en ce sens afin de maximiser les profits de ses actionnaires (Idem). Par contre, une coopérative ne répond pas aux mêmes incitatifs étant donné qu’elle redistribue les bénéfices à ses membres exclusivement, soit sous forme de ristournes ou de rabais (Idem). Donc, par sa situation de monopsone, Fonterra a la capacité d’exercer son pouvoir de marché sur les producteurs de lait. Toutefois, elle n’a pas l’incitatif de le faire puisque le profit de monopsone sera redistribué à ses membres, tel qu’illustré à la section 3.2 avec l’équation de Goddard et al (2002). Reste la possibilité d’utiliser son pouvoir de monopole. Toutefois, des remparts législatifs protègent, du moins techniquement, les clients de Fonterra à cet égard. Quant aux marchés internationaux, Fonterra fait alors face à la compétition internationale.

Notons également que les dispositions prises, lors de la modification législative en Nouvelle-Zélande, permettent aux producteurs laitiers de livrer 20 % de leur production à un transformateur concurrent (Ferrier, 2004). En théorie, les producteurs ont toujours l’opportunité de faire affaires avec la concurrence et peuvent quitter librement la coopérative s’ils sont insatisfaits de Fonterra en ayant l’avantage de pouvoir « tester » la concurrence avec le cinquième de leur production au préalable! Effectivement, Fonterra est tenue, par la loi, de conserver une adhésion volontaire et ouverte à tous, ce qui fait en sorte que la capacité d’entrée et de sortie des producteurs laitiers néo-zélandais est protégée, pourvu que de vraies alternatives existent. Ainsi, la méga-coopérative, malgré des parts de marché imposantes, doit théoriquement demeurer vigilante et satisfaire les besoins de ses

membres qui peuvent, en tout temps, vendre leurs parts et acheminer leur production vers d’autres entreprises de transformation laitière au pays comme Westland et Tatua, des coopératives qui détiennent ensemble 3 % des parts de marché au pays, ou encore, Synlait, une entreprise capitaliste qui détient environ 1 % du marché (Evans et Meade, 2005).

Bien que ces pourcentages soient minimes par rapport aux parts de marché de Fonterra, le pourcentage du volume agrégé de lait transformé par des entreprises concurrentes tend à augmenter dans le temps pour avoisiner 11 % dans la saison 2009/2010 (Evans, 2012). Le tableau 12 résume les différentes entreprises qui se partagent le volume de lait dit « indépendant » puisqu’il n’est pas transformé par la coopérative Fonterra.

Tableau 13. Volume de lait transformé par les entreprises indépendantes et description de leurs activités.

Volume de lait

(en kgMS) Description des activités

Open Country

Dairy 62M

Deuxième transformateur de la Nouvelle-Zélande avec une capacité de 900 millions de litres par année. Cette entreprise exporte dans 45 pays et vend également sur le marché intérieur. Produits : poudre de lait, gras, protéines et fromage.

Westland 46M

Exporte dans une cinquante de pays dans le monde, soit environ 85 % (85 000 tonnes métriques) de sa production. Son principal marché demeure néanmoins la Nouvelle-Zélande, suivit par la Chine. Produits : ingrédients (caséine, protéines), poudre de lait et beurre.

Synlait 21M

Compagnie détenue majoritairement par une firme chinoise (Bright Dairy), elle a commencé ses activités en 2000 et se concentre maintenant vers l’approvisionnement de poudre de lait, avec une formule pour enfants, en Chine.

Tatua 12M

Tatua est la plus ancienne coopérative indépendante de Nouvelle- Zélande. Elle exporte 94 % de sa production dans 60 pays. Produits : ingrédients laitiers, bionutriments, spécialités nutritionnelles, crème, fromage, etc.

NZ Dairies 13M* À la suite de problèmes financiers, l’entreprise a été rachetée par Fonterra en septembre 2012. Jusqu’à ce moment, NZ Dairies procédait exclusivement à l’exportation de poudre de lait.

TOTAL 141M Marché intérieur, mais également beaucoup d’exportations.

*= ce volume de lait n’est désormais plus comptabilisé en tant qu’indépendant à la suite de l’acquisition de l’entreprise par Fonterra en septembre 2012.

Actuellement, ces entreprises exportent la majorité de leur production, ce qui veut dire que leur structure est déjà bien adaptée aux échanges internationaux. Malgré tout, une fois ces données relativisées, la menace n’apparaît pas nécessairement crédible pour Fonterra. En effet, la coopérative contrôle 90 % de la production néo-zélandaise et d’importants coûts fixes caractérisent cette industrie, ce qui favorise la méga-coopérative par rapport à ses concurrents. Néanmoins, il existe des alternatives pour les producteurs néo-zélandais et, si les membres sont insatisfaits de leur coopérative, ils sont libres de la quitter et d’autres entreprises peuvent, à la marge, recueillir leur lait. Bref, le monopole virtuel de Fonterra ne représente pas une situation désavantageuse pour les producteurs laitiers de la Nouvelle- Zélande, ni un frein à la compétition sur le marché intérieur, et ce, puisqu’avant la création de Fonterra, seulement deux coopératives s’accaparaient environ 90 % des parts de marché. Le marché laitier néo-zélandais est donc passé d’un marché duopolistique à un marché monopolistique coopératif qui permet au secteur laitier néo-zélandais d’être compétitif sur le marché international.

5.2. Modèle hybride afin de limiter les problèmes internes