• Aucun résultat trouvé

Observatoire du phénomène social critique de « vigile populaire »

2. Sociologue, « artisan intellectuel »

4.3. Généalogie d’un conflit

4.3.4. Observatoire du phénomène social critique de « vigile populaire »

L’intervention politique, par le biais du Forum régional d’information sur l’exploration et l’exploitation de l’uranium, a pour objectifs, entre autres, d’atténuer les craintes par rapport au projet de la compagnie Terra Ventures. Certes, l’institution politico-administrative locale est vite confrontée aux actions « de terrain » du groupe Sept-Îles Sans Uranium. Une intervention du groupe est alors de fournir, par le biais du cinéma documentaire, des informations alternatives au Forum organisé par l’appareil politique qui, semble-t-il, ne fut pas suffisamment « complet 58 » du point de vue informatif principalement sur les risques et les dangers de cette industrie. Comme je le notai moi-même lors du terrain de recherche, dans un contexte où « le poids de l’information est inégal (…) il est important que les citoyens aient une ‘‘prise d’information autonome’’ », pour reprendre les termes d’une des militantes engagées dans la lutte contre l’uranium (Journal de terrain, 15 juillet 2011).

La couverture médiatique du débat entourant l’uranium au Québec gagne en actualité tout en dépassant les frontières du cadre strictement local59. Médias traditionnels et nouveaux médias sociaux agissent en interdépendance et donnent forme à cette résistance populaire. « La dynamique des échanges de coups et des médiations qui produisent une “couverture”, ses impacts sur les acteurs, exige d’élargir l’observation des chaînes d’interdépendance » (Neveu, 2010 : 353). En effet, le travail du groupe Sept-Îles Sans Uranium offre une tribune de choix aux journalistes, mais le groupe mise aussi sur les réseaux sociaux et les nouvelles technologies de l’information.

58 Saint-Pierre, Jean, « Le cinéma au service des citoyens contre l’uranium », Le Nord-Est (24 mai 2009). 59 Le cadre d’interprétation initial, soit l’association avec la catastrophe de Tchernobyl, tout en gardant sa

permanence dans les débats locaux, s’infléchit dans les médias. Voir entre autres : Lagacé, Patrick, « De Tchernobyl à Sept-Îles », La Presse (6 août 2009).

Les membres vont sur le site de la compagnie, prennent des notes, des photos, des vidéos, repèrent les points de forage GPS, rassemblent des échantillons, et surtout, captent et inspectent dans le moindre détail la progression des travaux de la compagnie Terra Ventures. On joue alors sur plusieurs tableaux; non seulement politique, médiatique, mais aussi maintenant juridique.

Dans la foulée, le groupe formule des plaintes contre cette compagnie d’exploration : déversement d’hydrocarbures, non-respect des normes de « captage » des lieux de forage, non-respect du règlement sur les forêts, entreposage de matière radioactive à l'air libre60. Ces plaintes sont envoyées au ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) ainsi qu’au ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF). L’épreuve de force est ici fondamentale et rappelle avec Abel (1998 : 69) que « parce que l’État agit par le droit, l’État peut être contraint par

60 Dupont, Nicolas, « Des plaintes contre Terra Ventures », Le Nord-Est (6 juillet 2009). Photo 2

Crédit : Le Nord-Est, 26 juillet 2010. « Sept-Îles Sans Uranium sur le terrain de Terra Ventures ».

le droit ». Le droit est ici à usage offensif61. Ouvrir une brèche critique par l’« arme » juridique. Tel est le pari du groupe Sept-Îles Sans Uranium.

L’accès au site transforme et accentue la conscientisation collective devant ce projet d’exploration minière. En allant directement sur le site, plusieurs personnes constatent avec consternation « l’état » des travaux de la compagnie Terra Ventures : « Mais ce n’est pas vraiment au niveau de l’uranium que ça m’a perturbé. C’est plus au niveau de l’approximation et de l’improvisation que la compagnie a faite. C’est lorsqu’on prend le lac Kachiwiss, la route pour se rendre là. C’est une route que ça fait une trentaine d’années que ça existe et tous les villégiateurs prennent une route pour se rendre au lac et soudainement la grosseur d’une bretelle de l’autoroute 40 coupée à flanc de montagne d’arbres qui ont été laissés là, à 60 degrés, dans la montagne. Donc je ne sais pas qui leur a dit qu’on pouvait passer de la machinerie comme ça à flanc de montagne, mais eux, le gouvernement, le MRNF [ministre des ressources naturelles et de la faune],

61 En suivant la lecture de Richard Abel (1998), on y distingue deux catégories d’usage du droit, l’un

défensif, plutôt utilisé comme bouclier et l’autre offensif dans lequel il est utilisé comme une arme et duquel dans le cas d’un mouvement de résistance on espère obtenir des « gains » sur le terrain en contribuant du coup à porter le débat dans l’espace public.

Photo 3

Crédit : Le Nord-Est, 6 juillet 2009. « Des plaintes contre Terra Venture ».

leur avait donné droit de coupe et nous on coupe en bons conquérants, on coupe tout et on verra si c’est utile ou pas… » (Entrevue 7, 19 juillet 2011). Cet homme influent de la communauté innue d’Uashat illustre de manière particulièrement éloquente les travaux de Terra Ventures et la manière dont elle conquiert l’espace au lac Kachiwiss. Le mode impérialiste fait vibrer des cordes sensibles et interpelle les références collectives de cette communauté, de la colonisation à l’expropriation territoriale.

On peut ainsi dire que le groupe qui se constitue avec différents acteurs de la région fait appel à une forme de « sensibilité commune » (Traïni, 2007)62. Sensibilité qui se matérialisera, durant le mois de juillet 2009, par le positionnement des Innus contre l’exploration et l’exploitation d’uranium, invitant alors la compagnie Terra Ventures à cesser ses activités minières. Les clairons du développement industriel rencontrent une nouvelle fois le Teuehikan. Mais cette fois, devant une population « en gros éveil collectif », me dira une femme innue rencontrée lors du terrain de recherche (Entrevue 12, 25 juillet 2011). En effet, directement issu de la genèse de la municipalité septilienne, le clivage entre Autochtones et allochtones continuait d’être l’un des référents sociaux les plus fondamentaux. La construction d’un front commun durant cette lutte collective en appelle aux racines et aux références communes. Le conseiller juridique du conseil de bande écrit alors : « nous avons un droit de conservation et de protection de l’environnement, ainsi qu’un droit de surveillance sur notre territoire et sur l’utilisation de ses ressources »63. L’organisation du mouvement contre ce projet d’exploration uranifère met ainsi en perspective cette relation multiethnique qui, force est d’admettre, recouvre un même attachement au territoire et à sa conservation. La projection dans l’avenir en est l’un des points de repère. Cette exploration, répétons-le, risque, selon toute vraisemblance, d’avoir des conséquences sur la structure même de la communauté septilienne, dont le groupe témoigne, par ces visites sur le site, de certains aspects.

62 Pour Christophe Traïni, le « devenir » des mobilisations collectives s’ancre dans la capacité de faire

ressortir et de « rendre visibles » des réalités associées à des références communes par la communication et la mise en forme d’épreuves communément partagées. Les dynamiques des luttes collectives sont ainsi, selon cet auteur, intimement liées à la production d’un « dispositif de sensibilisation » qui fait appel à un ensemble d’émotions et auquel les liens sociaux de communauté sont directement liés.

63 Lévesque, Fanny, « Les Innus invitent Terra Ventures à cesser ses activités minières », Le Soleil (8 juillet

Ainsi, cette résistance populaire offre une rare rencontre sur un enjeu commun. Comme en témoignera lui-même un chercheur natif de la région qui observe « à distance » cette lutte : « je te dirais qu’au plan collectif, c’était très intéressant, et très, comment je pourrais dire, de voir autant d’Innus impliqués dans ce mouvement-là. Parce qu’on n’a pas malheureusement vu beaucoup de mouvements populaires multiethniques comme ça ici à Sept-Îles. C’est plutôt malheureusement deux grandes solitudes qui se côtoient, mais enfin, tient, on se réunit derrière une et même cause » (Entrevue 10, 22 juillet 2011). Au cœur de cette résistance s’observent de nouvelles moutures imprévues. La mémoire trouve une voie de rencontre. Un nouvel ancrage social témoigne d’une ré- articulation des rapports de domination dans l’arène publique. La construction « d’une seule et même cause » commune met ainsi sous un jour nouveau les défis de l’exploitation des ressources et de la démocratie.

Dans cette veine, si l’information est éclectique les positions le sont, au contraire, de moins en moins. Ces solidarités non seulement donnent corps à cette résistance qui s’organise, mais en outre elles restructurent du même coup l’espace politique où la lutte collective occupe constamment les tribunes. En effet, en ce mois de septembre 2009, SISUR continue sa campagne « d’écoute citoyenne »64, et un peu plus d’un mois plus tard, une autre manifestation rallie plusieurs personnes dans les rues de Sept-Îles65. Le groupe lance alors un ultimatum au gouvernement du Québec concernant le projet de la compagnie Terra Ventures : « si le gouvernement ne respecte pas la volonté des Nord- Côtiers, je ne pourrai pas garantir la paix sociale », exprime alors le porte-parole de Sept- Îles Sans Uranium66. La tension monte d’un cran. Il faut dire que cette ville est parallèlement en élection et l’opposant au maire actuel n’est nul autre que le porte-parole de Sept-Îles Sans Uranium, Marc Fafard. Si le débat impose des prises de position claires,

64 Saint-Pierre, Jean, « Marc Fafard poursuit sa campagne d’écoute citoyenne », Le Nord-Est (3 septembre

2009).

65 Dupont, Nicolas, « Manifestation contre l’exploration d’uranium », Le Nord-Est (26 octobre 2009). 66 Dupont, Nicolas, « Fafard lance un ultimatum », Le Nord-Est (28 octobre 2009).

lors de cette manifestation, les opposants politiques, soit le porte-parole de SISUR ainsi que son rival, marchent et militent ensemble contre l’uranium67.

Certes, les travaux de la compagnie continuent68 et ce, principalement par l’agrandissement de la route d’accès dont les permis ont été accordé par le MRNF. La résistance ayant pris de l’ampleur depuis lors ne fait pas reculer le projet, ni n’empêche l’émission de permis pour la poursuite des travaux d’exploration d’uranium. Le groupe est toujours aux aguets et « un bilan des activités de Terra Ventures 69 » démontre, une nouvelle fois, l’état des travaux d’exploration et les risques lui étant associés.

Si le Forum régional d’information de la CRÉ n’a pas su démontrer hors de tout doute que l’exploration d’uranium est sans danger, les observations sur le site démontrent même au contraire que les travaux d’exploration se font de « façon totalement cavalière et sauvage » sans aucun respect du cadre législatif environnemental. Les risques sont-ils surévalués ? Y a-t-il réellement matière à inquiétude quant aux dangers environnementaux et de santé publique ? Selon un acteur important de la lutte contre l’uranium, « même l’exploration d’uranium c’est une chose dangereuse parce que c’est sûr que l’eau est contaminée dans l’estuaire. Parce qu’en faisant des trous qui percent différentes nappes phréatiques qui peuvent transporter la poudre radioactive d’une place à l’autre pouvaient créer des sources d’eaux qui passent par les trous jusqu’à une profondeur de 300 mètres, 400 mètres, 600 mètres même » (Entrevue 11, 22 juillet 2011). En fonction de cette dangerosité de l’exploration uranifère que le groupe SISUR affirme, ce dernier élabore une autre action stratégique et hautement symbolique. Le site du lac Kachiwiss, au nord de Sept-Îles, est l’un des plus hauts points de la région. L’écoulement des eaux se fait dans le bassin versant de la rivière Moisie et se déverse à quelques kilomètres à l’est de la municipalité septilienne. Avec l’aide de la Fondation Rivières (organisme à but non lucratif dont la mission est d’œuvrer à la préservation, la restauration et la mise en valeur du caractère naturel des rivières du Québec), l’objectif

67 Dupont, Nicolas, « Le dossier de l’uranium : Serge Lévesque à côté de la population », Le Nord-Est (28

octobre 2009).

68 Lévesques, Fanny, « Mine d’uranium à Sept-Îles : la reprise des travaux dénoncée », Le Soleil (31

octobre 2009).

est alors de faire la démonstration que « tous les polluants déversés dans le ruisseau qui longe la route d’accès au lac Kachiwiss finissent dans la rivière Moisie ». En allant directement sur le site d’exploration, SISUR constate la construction de cette nouvelle voie d’accès, « de la grosseur d’une bretelle d’autoroute » (image dont a fait référence un membre de la communauté innue ci-haut). Selon le porte-parole du groupe : « tout va couler dans la route, puis dans le ruisseau et ça va finir dans la rivière Moisie. Aujourd’hui, nous allons le démontrer visuellement »70. Cette action de simulation de déversement, avec du colorant dans la rivière, a « montré à quel point, s’il y avait un problème… » (Entrevue 3, 13 juillet 2011). Et si ? Cette résistance contre ce projet d’exploration uranifère interpelle une population locale dont l’expérience du risque a comme contrecoup de produire une forme de communauté de destins.

4.3.5. « Systèmes-experts » et structuration d’un espace « subpolitique »

Cette ville nord-côtière apparait ainsi comme un véritable observatoire d’un phénomène social critique de vigile populaire, soit d’une reformulation réflexive d’un projet d’exploration minière, ici uranifère. Pourtant, si cette résistance collective quant aux risques d’un projet d’exploration minière modifie les rapports sociaux, elle ne déborde que relativement peu le cadre local : à ce stade, on répertorie moins de dix articles sur le sujet dans les journaux nationaux.

Or, le 3 décembre 2009, un évènement marque au fer rouge le débat. Vingt médecins de Sept-Îles causent une onde de choc en déposant une lettre de « démission en bloc ». Rappelons qu’à pareille date, un an plus tôt, certains d’entre eux avaient signé une lettre ouverte pour l’obtention d’un moratoire sur l’exploration et l’exploitation de l’uranium. Cette fois-ci, le ton s’est radicalisé. En effet, douze médecins spécialistes et huit omnipraticiens annoncent leur démission afin de protester contre les impacts de cette

70 Dupont, Nicolas, « La fondation rivière vient porter main-forte à SISUR », Le Nord-Est (30 novembre

activité sur la santé de la population71, sans mentionner toutefois quand ils mettront à exécution cette menace. Cette lettre est une réponse directe à la reprise des travaux d’exploration et au projet qui, malgré l’opposition de plus en plus manifeste, continue d’aller de l’avant : « dernièrement, suite à l’émission des permis d’autorisation pour la construction d’une route d’accès à un site d’exploration et d’exploitation d’uranium à Sept-Îles par le ministère des Ressources Naturelles et de l’Environnement du Québec, les compagnies uranifères ont recommencé leurs activités après une brève accalmie à l’été 2009, envoyant à la population un message clair que la réalisation de projet d’une mine d’uranium dans les voisinages de la municipalité était une chose imminente malgré un tollé de protestations »72.

Pour les différents signataires de la lettre de démission, constatant que les inquiétudes locales et la montée en épingle d’une résistance populaire contre ce projet uranifère n’ont fait fléchir ni la compagnie, ni le gouvernement, les médecins exposent leur intention de quitter leur fonction. Dans cette lettre, les médecins, experts dans le

71 « Uranium sur la Côte-Nord : démission de 20 médecins à Sept-Îles » Le Devoir (4 décembre 2009). 72 Dupont, Nicolas, « Lettre adressée au ministre Yves Bolduc », Le Nord-Est (4 décembre 2009).

Photo 4

Crédit : La Presse, 31 octobre 2009 (collaboration spéciale Fanny Lévesque). « Construction du chemin d’accès au Lac Kachiwiss ».

domaine de la santé publique, évoquent que : « toutes les recherches fondamentales sont claires et unanimes pour démontrer les conséquences néfastes pour la santé humaine à long terme de la radiation ».

Les efforts concertés afin d’atténuer les inquiétudes de la population locale face au projet d’exploration de la compagnie Terra Ventures, efforts canalisés par la mise en place du Forum régional d’information sur l’exploration et l’exploitation de l’uranium, sont une nouvelle fois mis au pilori. L’engagement politique des médecins dans ce débat entourant l’exploration uranifère est, en quelque sorte, un réquisitoire contre le savoir expert qui tend à relativiser les risques y étant associés. Cette « révolte des élites » (Lasch, 1997)73, comme avènement d’une nouvelle forme d’engagement est, dans ce contexte de résistance populaire ambivalent, pour ne pas dire très controversé. Pour ce journaliste natif de la région qui couvre alors les évènements, « la sortie des médecins ça m’a surpris au début, ça m’a choqué comme citoyen tu sais, mais c’est un bon coup, ils ont frappé fort et ils ont attiré l’attention du ministre avec ça, ils ont fait descendre le sous-ministre » (Entrevue 2, 12 juillet 2011).

En effet, cette menace de démission de vingt médecins de Sept-Îles74 amène le ministre de la santé Yves Bolduc à entrer en scène annonçant que : « seuls des travaux d’exploration sont en cours, près de Sept-Îles, ce qui ne représente aucun danger pour les résidents de la région »75. Cette nouvelle voix au chapitre est aussi déchirante pour les médecins eux-mêmes « je dirais que presque la totalité des médecins était contre le projet, mais de là à l’afficher publiquement, ça c’était une autre paire de manches » (Entrevue 6, 18 juillet 2011) me dira l’une des signataires de cette lettre de démission. Pour plusieurs, cet engagement politique prend une tournure médiatique imprévue devant

73 Le débat sur la notion des élites en sciences sociales dépasse largement le cadre strictement politique et

économique. Bien que la notion développée par Scott Lasch soit plutôt restrictive en ce sens, il est néanmoins possible d’observer à travers le vocable « élite » les multiples dimensions de « révoltes » et de fait, de leurs trajectoires dans l’espace public. En ce sens, la définition que donne Putnam (1976) considérant que les élites sont « les personnes qui sont près du sommet de la pyramide du pouvoir et qui ont la capacité d’influencer les décisions politiques », permet de déborder la conception politico- économique et par-là, d’entrevoir les différentes modalités d’engagement.

74 Lévesque, Katleen, « Des médecins menacent de démissionner si la recherche d’uranium ne cesse pas », Le Devoir (5 décembre 2009).

75 Robillard, Alexandre, « Exploitation d’uranium sur la Côte-Nord : Bolduc se veut rassurant », La Presse

laquelle ils ne peuvent plus reculer. Et comme le dira un des médecins « démissionnaires », dont cet engagement est note-t-il périlleux; « en t’exposant sur la place publique, bien c’est simple, tu te mets la tête un petit peu sur le billot » (Entrevue 20, 12 août 2011). Cette décision est aussi difficile à assumer. Pour les jeunes médecins, elle interpelle leur statut de « nouvel entrant », d’autant plus que le Collège des médecins intervient et ouvre une enquête sur « l’éthique » de cette menace de démission76 qui, selon toute vraisemblance, est contraire au code de déontologie.

Si la résistance populaire contre le projet d’exploration uranifère s’est fait entendre par de multiples moyens, et que l’arrêt des travaux de la compagnie Terra Ventures a été à de nombreuses occasions demandé77, le basculement que provoque l’engagement politique de cette élite modifie le rapport de force dans l’espace politique. Cette menace de démission est perçue par plusieurs comme nécessaire pour crédibiliser et légitimer le mouvement de contestation et, cette décision a l’effet escompté : « Québec veut respecter la volonté de la population »78, peut-on lire alors dans La Presse. Un doute s’est institutionnalisé et plusieurs personnes restent suspectes cependant devant cette « pieuse » déclaration. Au même moment où trois nouveaux médecins annoncent leur départ79, la communauté innue Uashat-Maliotenam, réitère son opposition au projet, opposition qu’elle avait d’ailleurs manifestée en novembre 2008. L’inquiétude est toujours vive dans la communauté. Le territoire est sacré et la contamination potentielle serait catastrophique. Dans cette veine, le chef de bande déclare : « nous occupons nos territoires, on y pratique la chasse et la pêche de subsistance, qu'arrivera-t-il de ce patrimoine si un tel projet se réalise ? Non seulement il sera impossible de se nourrir des

76 Croteau, Martin, « Démission en bloc à Sept-Îles : le Collège des médecins enquête », La Presse (7