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Quel que soit le terrain investi, les observations ont été menées à découvert. Le plus souvent, les enquêtés étaient informés de mon statut d’étudiante en sociologie et du motif de mon enquête.

Concernant les groupes de parole de la Ligue, je me suis présentée aux participants lors de la première réunion observée. J’ai expliqué être étudiante en sociologie et travailler sur l’expérience du cancer et les difficultés associées. Je n’ai pas mentionné la question des inégalités sociales.

Mon statut d’enquêtrice à découvert m’a permis de prendre des notes en temps réel au cours de ces réunions. Cette prise de note était aisée puisque j’étais, à l’instar des autres participants, assise autour d’une grande table ronde de réunion avec mon carnet. Je pouvais ainsi prendre en note les discussions en temps réel. Je notais, avec le plus de détails possible, tous les éléments des discussions. Je notais également le nombre de personnes présentes, ainsi que toutes les informations que je pouvais recueillir pour chacune de ces personnes (sexe, prénom, âge, « race »111, localisation, trajectoire de maladie, profession, situation familiale, etc.). J’ai ainsi réalisé un fichier dans lequel je répertoriais, au fur et à mesure, les informations collectées pour chacune d’entre elles. De retour chez moi j’informatisais au plus vite mes notes. Je faisais un compte rendu détaillé pour chacune des réunions. Au total, au cours de ces réunions j’ai rencontré 32 participants différents. 17 dans le groupe de Ville-A et 15 dans le groupe de Ville-B.

Concernant mon second terrain, l’accompagnement de l’infirmière durant ses interventions, j’ai également pu prendre des notes. Néanmoins, la prise de note était plus délicate puisque je me suis attachée à être discrète afin de ne pas mettre mal à l’aise les recourants, qui majoritairement n’étaient pas informés de mon statut. Je prenais donc des notes régulièrement mais discrètement, non pas en direct comme pour les groupes de paroles mais de manière

111 J’ai ici opéré une catégorisation binaire en distinguant les « blancs » des « non-blancs », car les rapports sociaux de « race » divisent la société en deux groupes avec, d’un côte des individus du groupe dominant (les blancs) et, de l’autre, les personnes qui occupent une position dominée (les « non-blancs ) » (Guillaumin, 1992 ; Moujoud & Falquet, 2010).

décalée. Enfin, je réalisais également un compte rendu détaillé de l’observation dès mon retour à domicile, afin d’avoir encore en mémoire le plus de détails possible.

Enfin, sur mon terrain hospitalier, la prise de note a également été réalisée en direct. Lors des consultations, j’étais assise dans un coin du box avec mon carnet et mon stylo. Au départ, cette prise de note a troublé certains professionnels qui m’interrogeaient sur son contenu, mais au fur et à mesure ils n’y ont plus prêté attention. En effet, « quand la présence se prolonge, les habitudes refont surface et l’observation s’en trouve modifiée. Les réactions sont moins contrôlées » (Tillard, 2011, p. 43). Je prenais en note le déroulé de la consultation. Je notais le motif de la consultation, le contenu des interactions entre le patient, le médecin et, le cas échéant, les membres de l’entourage présents. Je chronométrais la durée de la consultation et notais toutes les caractéristiques des individus participants à l’interaction parmi lesquelles le sexe, l’âge approximatif (ou réel lorsque le professionnel me le donnait), la « race », le comportement général (manière de s’exprimer, stress, aisance), ainsi que la tenue vestimentaire. Les vêtements ont, en effet, cela de particulier qu’ils constituent une « marque » des groupes de sexe, mais aussi des groupes de classe et d’âge souvent (Guillaumin, 1992, p. 180-181). Par ailleurs, j’avais demandé aux professionnels de me renseigner sur la profession du patient. Parfois, celle-ci était inscrite dans le dossier, parfois ils posaient la question et, d’autres fois, ils oubliaient.

J’ai obtenu la profession de 72% (n=156) des patients vus en consultation VADS et de 35% (n=32) des patientes rencontrées en sénologie. Ces chiffres traduisent ma situation de dépendance aux professionnels pour obtenir cette information. Alors qu’en sénologie, le Dr P connaissait rarement la profession de ses patientes et oubliait fréquemment de la demander, en cancérologie VADS les professionnels ont souvent mieux coopéré. Par ailleurs, j’ai, sans doute, davantage insisté pour obtenir cette information en cancérologie VADS car cela faisait plus longtemps que je menais mon travail d’observation. Comme je l’ai mentionné un peu plus tôt, des liens avaient eu l’occasion de se créer, mon statut était mieux établi. J’étais, par conséquent, moins hésitante à réitérer ma demande.

Enfin, en sénologie une problématique a limité le recueil des professions : de nombreuses patientes étaient sans emploi ou retraitées (avec des situations diverses : femmes/mères « au foyer », au chômage, retraitées d’emplois variés), sans que leur situation antérieure ou celle de leur conjoint ne soit renseignée.

Ainsi, les notes de bas de page qui présentent mes enquêtés indiquent, lorsqu’elle est connue, leur profession et, le cas échéant, celle de leur conjoint (renseignée après le symbole suivant :

« C : »). Dans le cas contraire, une estimation de leur milieu social est proposée puisqu’à l’instar de Sylvie Fainzang, je n’avais dès lors, pour situer ces patients, « qu’une impression : je ne pouvais me faire une idée approximative de leur milieu social qu’à partir de signes extérieurs, tel que le langage, la tenue vestimentaire, les attitudes corporelles, etc., tous signes indicateurs approximatifs d’une appartenance sociale, mais qui laissent une certaine incertitude quant à l’appartenance socioprofessionnelle, le niveau socioculturel étant souvent déconnecté du milieu socioéconomique » (Fainzang, 2006, p. 27). Cette estimation sera donc à considérer avec la précaution requise.

Lors de ces observations, je ne portais pas de blouse afin de ne pas être identifiée au corps médical. J’avais demandé aux professionnels de me présenter en tant qu’étudiante en sociologie et de demander aux patients leur accord pour que j’assiste à la consultation. Les praticiens ont plus ou moins joué le jeu. Au départ, tous s’y sont conformés, mais, au fur et à mesure, sans doute rassurés par les réponses positives des patients précédents et pris dans la « routine » et « l’urgence » des consultations, ils omettaient plus souvent de le faire. Dans ces situations je n’osais pas intervenir et rompre le déroulé de la consultation pour me présenter. Par ailleurs, même lorsque la demande était faite, la façon dont elle l’était - souvent à l’affirmative : « ça ne vous dérange pas que ma collègue assiste à la consultation ? » - rendait difficile pour le patient de refuser. D’autant que, l’asymétrie de la relation médicale permet difficilement l’expression d’un refus.

Enfin, mon statut de sociologue n’était pas systématiquement mentionné. J’étais parfois présentée comme une « collègue » ou encore comme une « étudiante ». Par ailleurs, même lorsque ce statut l’était, il n’était pas toujours compris des patients. J‘ai pu constater que, quelle que soit la manière dont j’ai été présentée, ces derniers me voyaient avant tout comme faisant partie prenante de l’équipe de soins. Ainsi, même lorsque le médecin m’avait introduite en tant que sociologue, il arrivait que les patients me demandent, en son absence, des compléments d’informations sur leur situation médicale. Sylvie Fainzang a pu faire le même constat au cours de son étude (Fainzang, 2006, p. 21 et suivantes). Au final, aucun patient n’a jamais refusé ma présence.

Durant la consultation, les médecins me prenaient rarement à parti mais, une fois le patient sorti, ils revenaient souvent sur le parcours thérapeutique de ce dernier. Ils m’apportaient des précisions ou me racontaient des anecdotes relatives au patient et/ou à sa prise en charge.

Lors des RCP, j’étais assise, à l’instar des professionnels, autour d’une grande table ronde dans une salle de réunion. Je pouvais ainsi prendre aisément en note le déroulé des événements, d’autant que les professionnels connaissaient tous mon statut de sociologue. Ensuite, lors des « RCP-patient » j’accompagnais les professionnels dans la salle de consultation et je prenais mes notes debout en me positionnant dans un coin discret de la pièce. Je notais, lors de la présentation du dossier, tous les éléments mentionnés par la médecin-référent : les caractéristiques du patient évoquées (âge, sexe, situation familiale, les intoxication(s), etc.), la localisation, le stade de diagnostic, les modalités de découverte, les antécédents, les remarques et commentaires des différents professionnels, etc.). Le Dr B me renseignait sur la profession du patient qu’il recherchait dans son dossier. Lorsqu’elle n’était pas renseignée, il posait parfois la question lors de la consultation-patient. Je notais ensuite les discussions qui avaient cours entre professionnels, pour décider du traitement puis, le cas échéant, les éléments de l’interaction avec le patient. Je chronométrais le temps d’étude des dossiers ainsi que la durée de la consultation-patient. Enfin, comme pour les consultations, je notais les caractéristiques des individus, le nombre d’accompagnant, leurs liens, etc.

Sans nier l’interférence de l’observatrice dans la situation observée, j’ai mis tout en œuvre afin d’impacter le moins possible les événements observés. J’ai tenu à exercer une posture neutre et discrète. Je ne parlais pas sans que l’on ne me sollicite, je me tenais plutôt à l’écart et en retrait. Par ailleurs, le temps long de présence a contribué, je pense, à limiter l’impact de ma présence notamment dans les groupes de parole mais également avec les professionnels. Concernant les soignés dont j’ai observé les consultations ou RCP, soulignons qu’à l’hôpital, dans les services que j’ai intégrés, les présences « étrangères » sont fréquentes. Il est rare que le soigné soit en tête à tête avec son médecin : souvent un(e) interne ou un(e) externe sont présent(e)s ainsi qu’un(e) infirmer(e) ou un(e) aide soignant(e). Parfois, des secrétaires entrent pour faire signer des documents. Par conséquent, il me semble que ma présence a faiblement perturbé le cours habituel des consultations d’autant que j’étais souvent assimilée malgré moi au corps soignant.

Concernant le cas plus spécifique des RCP, étant donné la petite taille de la pièce où se déroulait la RCP-patient (10m²) et le nombre important de personnes présentes : les médecins (souvent jusqu’à 10), le soigné, son entourage, et en tenant compte de l’enjeu de la consultation (la décision de traitement), il n’était pas difficile de me faire oublier. Comme le remarque Sylvie Fainzang, dans le contexte des consultations médicales « la présence de l‘anthropologue est une non-présence » (Fainzang, 2006, p. 22).

Tableau 6 - Tableau récapitulatif du matériau d’enquête hors entretiens

Terrain Date de

début

Date de fin

Données recueillies Modalités de

traitement Groupe de

parole Ligue – Ville A

18/02/2013 16/06/2014 8 réunions Retranscription intégrale des notes, analyse thématique (avec Sonal),

tableau récapitulatif des participants présents

Groupe de parole Ligue –

Ville B

25/02/2013 27/10/2014 10 réunions Retranscription intégrale des notes, analyse thématique (avec Sonal),

tableau récapitulatif des participants présents ERC – Projet repérage précoce 28/02/2013 26/06/2014 - 1 réunion à l’ERC (08/03/2013) - 3 entretiens (La coordinatrice, le 28/02/2013 – L’infirmière, le 05/12/2013- Un soigné : René, le 17/12/2013) - 2 accompagnements de l’infirmière (17/12/2013 & 26/06/2014) Retranscription intégrale des notes, analyse thématique (avec Sonal)

Consultations en sénologie

21/05/2013 15/07/2013 93 consultations avec 1 oncologue

- Retranscription intégrale des notes, analyse thématique (avec

Sonal) - Tableur récapitulatif Excel et traitement statistique Consultations VADS – vague 1 28/01/2014 04/04/2014 193 consultations avec 5 professionnels Retranscription intégrale des notes, analyse thématique (avec Sonal)

- Tableur récapitulatif Excel et traitement

statistique

RCP VADS 15/10/2014 09/11/2015 31 RCP / 510 patients Retranscription intégrale

des notes, analyse thématique (avec Sonal)

- Tableur récapitulatif Excel et traitement statistique Consultations VADS - vague 2 03/08/2014 15/02/2016 69 consultations avec 2 professionnels Retranscription intégrale des notes, analyse thématique (avec Sonal)

- Tableur récapitulatif Excel et traitement