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Si Patrick232 n’a pas contesté l’interprétation de son hématologue vis-à-vis de ses symptômes, c’est, en partie, parce qu’il lui faisait confiance. La confiance est souvent mentionnée lorsqu’il s’agit de la relation du soigné à son médecin. Elle fait partie « de ces sentiments psychosociaux […] et occupe une place centrale, bien que non réfléchie dans les relations sociales ; car sans lui, la société aurait de grandes chances de se disloquer » (Watier, 1996, p. 174). La confiance est une caractéristique de la relation entre un médecin et son patient. Elle en constitue une dimension fondamentale (Cresson, 2000, p. 345). Son attribution « fait l’objet de contrôle, sous condition de jugement. Les patients oscillent entre délégation, autonomie et critique, voire mise à l’épreuve de l’expertise médicale » (Pennec, 2014, p. 10).

La confiance a été très souvent abordée par nos enquêtés lors des entretiens et durant nos observations. Guy233 par exemple, à qui nous demandons s’il n’a jamais envisagé de demander un second avis, nous explique : « Tout de suite j’ai fait confiance, on m’avait dit que c’était des très bons docteurs, l’un comme l’autre, donc j’ai dit bon ben allez, faut y’aller, faut y’aller, donc on y va… ! ». Tout comme Gilbert234

qui, dans le même contexte, répond : « Non je suis resté là, j’ai senti le Dr B bien, j’ai dit bon on va faire confiance ! ». Si ce mode de relation aux soignants s’observe tout particulièrement dans les classes populaires, il n’en est pas le propre. Confiance et délégation s’observent également dans les classes moyennes et supérieures. Ainsi, Chantale235 nous explique avoir eu « pleinement confiance », tout comme Lucie236 qui avait une « totale confiance » et Monique237 qui souligne avoir : « confiance totale en [son] médecin généraliste ».

232

Patrick, 60 ans, cancer de l’amygdale, électricien, C : sans emploi, marié, 2 enfants, entretien août 2015. 233 Guy, 69 ans, cancer du poumon et de la prostate, menuisier, C : fait des ménages chez des particuliers, marié, 4 enfants, entretien mai 2015.

234 Gilbert, 60 ans, cancer du plancher buccal, soudeur, divorcé, 2 enfants, entretien août 2015. 235

Chantale, 55 ans, cancer du sein, chargée d’affaires dans une entreprise de menuiserie-aluminium, divorcée, 1 enfant, entretien février 2014, membre Ligue Ville B.

236 Lucie, 64 ans, cancer du sein, agent de cantine, C : commercial, mariée, 2 enfants, entretien juillet 2013, membre Ligue Ville A.

237

Monique, 63 ans, cancer des ovaires, décompteur analyste, divorcée, 3 enfants, entretien décembre 2014, membre Ligue.

Ces témoignages de confiance s’observent avec récurrence à l’occasion des consultations et des RCP. Fréquemment, les soignés y expriment leur confiance envers le corps médical, notamment lorsqu’il est question de choisir entre deux alternatives thérapeutiques :

« Selon le Dr F une chimiothérapie serait indiquée pour Jocelyne238 étant donné l’agressivité tumorale. La patiente est perdue et le manifeste : « Je n’y comprends rien moi ». Son conjoint intervient : « Le chirurgien avait dit que vu son âge il n’y aurait pas de chimio », le Dr F lui répond : « Je ne vous forcerais pas », la patiente lui dit : « Ah non mais moi je vous fais confiance ! » […] Jocelyne réitère ensuite sa confiance au Dr F à qui elle délègue le choix : « Je vous fais confiance, moi j’y connais rien », « si c’est mieux de faire la chimio je vais la faire… » » [Notes de terrain, consultation en sénologie, Juin 2013].

« Au cours de la consultation avec Corine239, le Dr F explique : « Voilà, alors là on est dans une situation de choix qui dépend de la tolérance ». Corine est actuellement en chimiothérapie. Elle vient de bénéficier de trois cures dont les résultats ont été positifs et doit choisir entre poursuivre quelques cures de chimiothérapie (3) ou prendre le relais avec une hormonothérapie. Pour le Dr F il convient de poursuivre la chimio « jusqu’au maximum de tolérance », or Corine le dit elle-même : elle en « a marre ». Corine est, en effet, en chimiothérapie depuis 9 mois. La patiente confirme mais explique : « Moi je ne sais pas, moi je me mets entre vos mains, je ne suis pas apte à prendre la décision » » [Notes de terrain, consultation en sénologie, Juin 2013].

Jocelyne et Corinne sont toutes les deux amenées à choisir entre deux alternatives thérapeutiques. Le Dr F leur demande de se positionner, mais elles ne parviennent pas à le faire. Jocelyne ne le souhaite pas car elle n’« y connaît rien », elle fait donc « confiance » au Dr F. Corinne, de la même manière, s’en remet au Dr F car elle ne se considère pas « apte à prendre la décision ». N’étant pas médecin, ces soignées ne se sentent pas légitimes pour décider. Elles préfèrent déléguer cette décision au médecin à qui elles reconnaissent une compétence en la matière et auquel elles font confiance.

238

Jocelyne, 72 ans, cancer du sein, mariée, consultation en juin 2013. 239 Corine, 47 ans, cancer du sein, mariée, consultation en juin 2013.

Bien souvent, confiance et délégation sont justifiées par l’argument de la détention du savoir. Si l’on fait confiance aux médecins, c’est parce qu’ils « connaissent » leur métier. Ils détiennent un savoir qu’en tant que « profane » on ne détient pas. Simmel définit ainsi la confiance comme « un état intermédiaire entre le savoir et le non savoir» (Simmel, 1999 [1908], p. 381). La confiance repose donc, pour beaucoup, sur le rôle professionnel du médecin. « Avec la segmentation de nos relations sociales, nous assistons à une segmentation de nos confiances : s’il y a dissociation de la personnalité en plusieurs facettes, chacune ne concernant qu’un cercle social particulier, il peut y avoir segmentation de la confiance qui ne sera accordée qu’à certaines facettes (à certains rôles) de tel acteur » (Cresson, 2000, p. 335). Autrement dit, « je peux faire confiance à telle personne dans le cadre d’activités professionnelles sans pour autant aller jusqu’à lui confier des éléments de mon existence qui relèvent d’autres cercles sociaux » (Wattier, 1996, p. 186).

Deux notions sont à associer à celle de confiance : la notion d’incertitude et celle de risque. En matière de santé, l’incertitude est cruciale puisqu’il s’agit de notre corps, de notre santé et de notre vie. C’est ce qui « concourt à donner à la question de la confiance dans le domaine de la santé […] une importance sans commune mesure avec ce qu’elle peut être dans d’autres domaines » (Cresson, 2000, p. 335 & 346). Il nous semble que pour éclairer davantage la question de la confiance dans la relation de soins, il faille distinguer deux types de confiance mises au jour par Petitat : la « confiance-attachement » et la « confiance interprétation » (Petitat, 1998). Ces deux types de confiance permettent de mieux comprendre le lien entre confiance, incertitude et risque.

La « confiance-attachement » implique la remise de soi, il s’agit d’une confiance tranquille qui reconnaît l’asymétrie des savoirs. La « confiance interprétation » fait, au contraire, appel « à toutes les facultés interprétatives et à toutes les informations recueillies sur le partenaire » (ibid., p. 207). Cette seconde forme de confiance suppose l’appréciation des risques et incertitudes impliqués par cette dernière. Autrement dit, on a conscience du risque qu’implique la confiance.

Cette distinction nous semble essentielle puisqu’elle recoupe les modalités d’attribution de la confiance observées sur nos terrains. Or, nous allons le voir, ces modalités de confiance ne sont pas sans conséquence dans la capacité du soigné à agir sur son itinéraire thérapeutique.

Alors que la « confiance-interprétation » octroie des marges de négociation, c’est bien moins le cas de la « confiance-attachement ».

5.1 – « Confiance-interprétation » et « confiance-attachement ». Des modes de relation fonction de la position sociale ?

Nous l’avons vu, de nombreux soignés témoignent de leur confiance envers le corps médical. Cependant, cette confiance peut prendre des formes variées que nous allons nous attacher à mettre au jour à l’aide des notions de « confiance-interprétation » et de « confiance- attachement » (Petitat, 1998).

Certains soignés, pour la plupart issus des classes moyennes et supérieures, nous font part d’un sentiment de confiance contraint. Par exemple, Lucienne240

lors d’une réunion d’un groupe de parole de la Ligue : « confiance, on est quand même bien obligé de leur faire confiance mais bon après c’est notre corps hein !» ou encore Josette241 : « après on est bien obligé de…, c’est le corps médical qui nous soigne donc on est bien obligé de dire on y va quoi, je me soigne quoi, on n’a pas d’autres choix, c’est eux qui nous soignent ».

Lucienne et Josette font confiance, car elles y sont contraintes par l’asymétrie des savoirs. Les professionnels disposent d’un savoir nécessaire à leur survie. Leur confiance repose donc également sur une forme de reconnaissance de la compétence professionnelle. Cependant, si elles font confiance, ce n’est pas sans condition. De nombreuses personnes mentionnent que, bien qu’elles souhaitent se soigner, il n’empêche que leur corps leur appartient avant tout. Elles souhaitent par conséquent, conserver une marge de manœuvre. Évelyne242, par exemple, explique ne pas pouvoir seulement « subir » mais souhaite être également « partie prenante » : « je ne peux pas me soigner si je ne suis pas partie prenante. Je ne pouvais pas que subir […] on n’est pas qu’un objet, on n’est pas un objet médical ».

240 Lucienne, une soixantaine d’année, cancer du sein, coiffeuse, C : informaticien, mariée, 1 enfant, Groupe de parole Ligue Ville A, juin 2013.

241 Josette, cancer du rein, Groupe de parole Ligue Ville A, juin 2013. 242

Evelyne, environ cinquante ans, cancer du sein, professeur d’anglais en classe préparatoire, Groupe de parole Ville B, février 2013.

Idée à laquelle adhérent également Charles243 et Nadine244 et dont cette discussion lors d’un groupe de parole rend compte :

« Charles : « Je crois qu’il faut montrer sa volonté, ça c’est important ». Nadine acquiesce : « Oui, je pense […] Je pense qu’il faut quand même arriver à être maître de son corps quand même, d’oser poser des questions, de… ». Charles : « Je pense qu’il faut réagir oui ». Nadine : « Moi maintenant je ne me laisse plus faire, j’ai peut être tort hein, enfin tort non parce que pendant deux ans j’ai refusé la chimio hein, mais c’était quand même mon neuvième protocole hein, donc bon, au bout de 9 protocoles de chimio complet… Je n’ai pas voulu faire le 9éme, j’ai dit non pas question, pendant deux ans j’ai dit non, et il a eu l’honnêteté quand même, je considère que c’est de l’honnêteté de sa part, de me dire, il n’y a pas longtemps, tout compte fait vous m’avez résisté pendant deux ans mais vous avez bien fait parce que si je vous avais donné la chimio que je voulais, votre cœur, vous n’auriez pas résisté, mais je me disais est-ce que j’ai raison ou tort, bon ben c’est tout je savais que…, c’était mon choix c’est tout, c’est mon choix » » [Notes de terrain, groupe de parole Ville A, Juin 2013].

Aussi, pour Charles il est important de montrer sa « volonté », et de « réagir » autrement dit d’être acteur dans la relation de soin et de conserver des marges de manœuvre. Nadine considère quant à elle qu’il faut rester « maître de son corps » et ne pas hésiter à s’imposer face au pouvoir médical : il faut poser des questions, ne pas se « laisser faire », imposer ses choix comme elle l’a fait elle-même avec son refus d’un énième protocole de chimiothérapie. Ces soignés souhaitent donc conserver une certaine autonomie et s’octroient un pouvoir décisionnaire. S’ils font confiance, il apparaît que cette confiance n’implique pas de tout accepter et ne coupe pas court aux négociations. Quand bien même on ne dispose pas du « savoir » des médecins, on revendique un savoir profane, une connaissance de son propre corps, que les professionnels n’ont pas. Autrement dit, on se connaît et l’on sait comment son corps va réagir. Ces soignés mettent donc en avant une capacité à décrypter leurs sensations corporelles. Ils revendiquent une expertise profane et une puissance d’action sur leur trajectoire.

243 Charles, environ soixante dix ans, cancer de la prostate et mélanome, milieu favorisé, Groupe de parole Ville A, juin 2013.

244

Nadine, 65 ans, cancer de la moelle osseuse, institutrice, C : instituteur, mariée, 2 enfants, Groupe de parole Ville A, juin 2013.

Il apparaît par ailleurs qu’ils ont conscience des risques associés à la confiance. Ils considèrent, en effet, qu’un médecin n’est pas infaillible mais peut se tromper, comme le souligne Olivier245 : « Moi j’dis toujours qu’un médecin il peut se tromper, le corps humain ce n’est pas de la mécanique quoi ».

Par conséquent, on observe ici une confiance qui n’est pas attribuée sans condition, « aveuglément », mais qui fait l’objet d’une réévaluation régulière. Ces attitudes font écho à la « confiance-interprétation » décrite par Petitat qui fait appel « à toutes les facultés interprétatives et à toutes les informations recueillies sur le partenaire » (Petitat, 1998, p. 207). Cette forme de confiance suppose l’appréciation des risques et incertitudes impliqués par cette dernière. Elle autorise ainsi une évaluation critique du jugement médical et des négociations dans la relation de soin.

Cette modalité de confiance permet de rendre compte des actions de Marianne dont nous avons présenté la trajectoire diagnostique précédemment et qui, si elle fait confiance à son médecin, n’a pas hésité à contester son diagnostic et à insister pour qu’il le révise à différentes reprises. Elle a, par ailleurs, une fois le diagnostic établi, consulté différents spécialistes afin de recueillir plusieurs avis.

Toutefois, notons que même si ces soignés souhaitent conserver un pouvoir décisionnaire, cela n’est pas toujours évident. D’abord, parce que l’asymétrie des connaissances rend difficile l’évaluation des compétences professionnelles. Ce que souligne Josette246

lors d’un groupe de parole :

« C’est dur de savoir : est-ce que j’ai choisi le bon spécialiste alors que celui de, d’Arras, celui de Béthune il va commencer la chimio avant, il va opérer après, il va commencer la…, voilà, qu’est-ce qui est le meilleur ? Il y a plein de questions là dessus aussi…» [Notes de terrain, groupe de parole Ville A, Juin 2013].

Ainsi, quand bien même on souhaite garder le « contrôle », les marges de manœuvre restent limitées. L’autonomie est relative dans une situation où la santé est en jeu. « La constitution d’un patient comme sujet de droit et comme individu autonome ne suffit pas à masquer l’asymétrie constitutive de la relation de soin » (Membrado, 2014, p. 64).

245

Olivier, 53 ans, cancer du palais, PDG de plusieurs entreprises, marié, 2 enfants, entretien août 2015. 246 Josette, cancer du rein, Groupe de parole Ligue Ville A, juin 2013.

Par ailleurs, l’acquisition de cette autonomie, de ces marges de manœuvre, ne se fait pas sans difficulté. Évelyne se refuse à être « un objet médical », Lucienne insiste sur le fait que malgré tout c’est « [son] corps » et Nadine mentionne qu’il faut « arriver » à rester « maître de son corps » et « oser », « ne pas se laisser faire ». Ces éléments de langage illustrent combien il faut négocier ces marges d’autonomie qui ne vont pas de soi. Il convient de lutter pour les obtenir et les conserver. Les propos de Nadine247, qui refuse un 9éme protocole de chimiothérapie, en attestent :

« Avec les internes ça se passe très mal […], quand je suis rentrée mardi dernier là pour ma transfusion, je devais sortir le mercredi, il me dit Madame vous ne sortez pas demain, je dis : ah bon pourquoi ? Vous me repassez du sang ? Non, non mais on vous met en chimio. Je lui dis non, stop, hein ! Si, si, demain on discute de votre cas avec votre cancérologue. Je dis écoutez, ce n’est pas la peine de discuter de mon cas […] je suis libre, j’ai un papier dans mon sac, j’en ai donné un au Dr C qui me suis comme quoi pas d’acharnement thérapeutique or je dis : là c’est de l’acharnement thérapeutique !, oui mais vous ne vous rendez pas compte, vous ne voulez plus vous soigner, enfin bon c’est le grand drame, j’avais eu le même topo en novembre aussi avec une transfusion, avec une jeune femme, une jeune docteure, je lui ai dit : écoutez c’est comme ça, c’est pas autrement, je signe tous les papiers que vous voulez mais c’est non […] il faut parfois tenir.., enfin moi j’ai appris à tenir tête » [Entretien Nadine, juillet 2013].

Ce témoignage rend compte de la lutte incessante qu’a dû mener Nadine afin que ses choix soient respectés. Il rend compte de la difficulté à contester le pouvoir médical, quand bien même on dispose de nombreuses ressources.

L’attitude que nous venons de présenter, de « confiance-interprétation », concerne la plupart du temps, les soignés les plus dotés qui appartiennent aux catégories supérieures et aux classes moyennes hautes. Cette attitude ne permet donc pas de décrire tous les modes de relation que nous avons pu observer. Certains soignés font preuve d’une attitude différente qui fait davantage écho à la « confiance-attachement », décrite par Petitat (Petitat, 1998). Cette forme de confiance « tranquille » renvoie, quant à elle, à la remise de soi et à une

247

Nadine, 65 ans, cancer de la moelle osseuse, institutrice, C : instituteur, mariée, 2 enfants, entretien juillet 2013, membre Ligue Ville A.

reconnaissance de l’asymétrie des savoirs. L’attitude de Corine248

qui, lorsque le Dr F lui demande de choisir entre deux alternatives thérapeutiques explique : « Moi je ne sais pas, moi je me mets entre vos mains, je ne suis pas apte à prendre la décision », permet d’en rendre compte.

Cette seconde forme de confiance repose également sur la reconnaissance de la compétence professionnelle. Cependant, si dans la « confiance-interprétation » on s’autorise à douter et à questionner une médecine dont on sait qu’elle n’est pas infaillible, ici ce n’est pas le cas. On ne s’octroie aucune légitimité à contrôler le jugement médical et on est peu enclin à adopter une attitude critique.

Cette forme de confiance s’observe dans la trajectoire de Patrick249

que nous avons présentée un peu plus haut. Patrick a perdu du temps dans sa trajectoire diagnostique, car il a fait confiance à l’interprétation initiale de son hématologue pour qui sa symptomatologie n’était pas inquiétante. Confiance qui reposait sur ses compétences professionnelles, comme en atteste cet échange : « E : Donc ça ne vous a pas alerté ? P : Ben non ! C’est un médecin, il dit qu’il n’y a rien ! ». S’il ne s’est pas inquiété, c’est parce qu’il est « médecin ». Or, pour Patrick, les médecins connaissent leur « métier ». Contrairement à lui, ils « savent », aussi Patrick ne se permet pas de contester le savoir qu’il leur reconnaît : « disons que moi je ne suis pas médecin donc eux ils savent, ils connaissent leur métier quand même, moi non donc...». Faire confiance implique ainsi pour Patrick de se ranger derrière l’avis du professionnel sans se poser trop de questions : « disons que je ne me suis jamais posé de questions […] oui, je ne me suis pas posé les questions voyez, est-ce que je vais faire la radiothérapie..., ou bien la chimio..., pas le faire ».

La posture de Patrick se retrouve chez Renée250, qui nous explique, lorsque nous lui demandons si elle a envisagé de demander un deuxième avis :

« Non, ben il faut se dire après qu’ils connaissent leur métier, si eux ils donnent ça c’est parce que…, ben…, c’est pour une raison quoi, ils ne donnent pas ça pour le plaisir, ils font ça pour, euh, soulager et puis être tranquille de tout quoi » [Entretien Renée, décembre 2015].

248 Corine, 47 ans, cancer du sein, mariée, consultation en sénologie, juin 2013.

249 Patrick, 60 ans, cancer de l’amygdale, électricien, C : sans emploi, marié, 2 enfants, entretien août 2015. 250

Renée, 40 ans, cancer du plancher buccal et de la langue, sans emploi, C : conducteur d’engin, mariée, 1 enfant, entretien décembre 2015.

Cette attitude est également celle de Philippe251 qui nous explique qu’il a également « fait confiance » et n’a pas souhaité se poser de question :

« Une fois qu’on était dedans hein, on était dedans […] on savait qu’est-ce qui