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L’essentiel des données a été travaillé à partir de réécritures informatisées (les observations) et de transcriptions (les entretiens) le matériau étant souvent difficilement exploitable à l’état brut, c’est à dire directement à partir du journal de terrain (Chauvin & Jounin, 2010, p. 157- 160) ou des enregistrements d’entretiens.

Un carnet de bord a été réalisé tout au long de l’enquête : dès mes premières investigations j’ai référencé, chronologiquement, les démarches entreprises pour accéder à des terrains et à des enquêtés. Les e-mails envoyés, les réponses (et non-réponse) obtenues, les contacts téléphoniques, les rendez-vous obtenus, les négociations et démarches nécessaires et réalisées. Cela m’a permis de rendre compte des succès, des erreurs et difficultés rencontrées ainsi que

des adaptations et stratégies qui ont été nécessaires par conséquent. Ces éléments ont été indispensables pour reconstruire a posteriori le travail mené.

Au total, je dispose de 4 journaux de terrain informatisés :

– Un premier de 87 pages porte sur les groupes de parole observés à la Ligue (ainsi que la réunion à l’ERC et les deux accompagnements de l’infirmière) ;

Un second de 86 pages contient les comptes rendus des consultations observées en sénologie ;

– Un troisième de 177 pages contient les comptes rendus des consultations observées en cancérologie des VADS ;

– Enfin, un dernier de 261 pages contient les comptes rendus des RCP observées.

J’ai également réalisé 4 tableurs Excel regroupant les soignés rencontrés et leurs caractéristiques (sexe, âge, PCS, localisation(s) cancéreuse(s), date du primo-cancer, existence ou non d’une récidive, stade de diagnostic, délai entre premier symptôme et première consultation, durée de la consultation ou de la RCP, motif de la consultation ou de la RCP, présence ou non d’intoxication(s), arrêt ou poursuite des intoxication(s), présence ou non d’accompagnant(s), situation familiale, etc.) pour chaque espace de rencontre :

– Un tableur concerne les consultations observées en sénologie et inclut 91 patients ; – Un tableur concerne les consultations en cancérologie des VADS et inclut 218 patients ; – Un tableur concerne les RCP et inclut les 510 patients dont les dossiers ont été étudiés ; – Un tableur de synthèse de notre terrain en cancérologie VADS inclut les patients vus en RCP ainsi que ceux rencontrés en consultation des VADS, soit 728 patients.

Au total, ce sont donc 819 patients qui ont été répertoriés dans nos tableurs. 91 en sénologie et 728 en cancérologie VADS.

Je dispose également d’un corpus de 43 entretiens :

– 35 ont été intégralement retranscrits (33 soignés, 2 entretiens professionnels) ;

– 8 ont été réécoutés et retranscrits partiellement (2 entretiens soignés atypiques (René et Christine) et 6 entretiens professionnels).

Par ailleurs, un tableur récapitulatif des enquêtés rencontrés a été réalisé. Il reprend les 35 soignés et synthétise leurs caractéristiques : sexe, âge, durée de l’entretien, lieu du recrutement, PCS du soigné et du conjoint, localisation cancéreuse, date du primocancer, existence ou non d’une récidive, traitements reçus, début et - le cas échéant – fin des traitements, tranche de revenu, voiture/permis de conduire, locataire/propriétaire, couverture mutuelle, situation familiale.

Si l’informatisation des notes de terrain et la retranscription des entretiens constituent une étape du traitement du matériau et une première forme d’objectivation, ce travail ne suffit pas. Le sociologue doit, en effet, mettre en place une analyse de contenu rigoureuse (Bardin, 1989, p. 99). Dans cet objectif, j’ai adopté différentes méthodes.

Tout d’abord, les 5 tableurs Excel réalisés (entretiens, consultations sénologie, consultations VADS, RCP VADS, synthèse RCP + consultations VADS) m’ont permis d’effectuer un traitement statistique de mes données. De nombreux tableaux croisés dynamiques ont été réalisés ainsi que des calculs de médianes, de moyennes ou encore de modes. J’ai procédé tout au long de cette recherche à divers comptages que je me suis attachée à traiter dans ces tableurs. J’adhère, en effet, à la proposition de Jean Peneff (1995) pour qui « calcul numérique » et « observation directe » sont complémentaires. L’auteur propose, en effet, une analogie entre l’observation médicale et l’observation sociologique et établit que toutes deux réunissent deux registres : « mobilisation des sens et mesure instrumentale – qui ne peuvent être séparés », car « les mesures ne sont rien sans le travail des sens » (ibid., p. 124). L’observation ne se prête pas moins que d’autres méthodes à la systématisation. Elle peut aussi « se traduire par des chiffres, des évaluations de fréquences et de distributions » qui permettent de tester des « impressions », de « les étayer » ou de « les démentir » (Jounin, 2014, p. 76)

J’ai donc réalisé divers comptages à l’occasion des observations de consultations et de RCP à partir desquels des calculs de moyenne, de fréquence et de distribution ont été réalisés. J’ai, par exemple, comparé la distribution, en cancérologie des VADS et en sénologie, des différentes catégories sociales. J’ai calculé la moyenne et la médiane d’âge des soignés ; le pourcentage d’hommes et de femmes soignés en cancérologie VADS ; le taux d’accompagnement des soignés en fonction de leur sexe ou encore de leur catégorie sociale. J’ai également, à partir du chronométrage des consultations et des RCP, croisé les durées

mesurées avec la catégorie sociale du soigné ; en fonction du professionnel et du type de consultation (consultation d’annonce, de surveillance, de suivi de traitement, etc.) ou encore du sexe.

Cette manière de procéder m’a permis de tester mes impressions, concernant par exemple le temps passé avec les patients en fonction de leur milieu social ou les publics rencontrés en fonction des localisations cancéreuses.

Les différentes données produites seront exploitées tout au long de cette thèse en fonction des thématiques concernées. Par exemple, les données chiffrées produites sur la durée des entretiens en fonction des catégories sociales ou des lieux de recrutement sont mobilisées dans ce chapitre, celles portant sur la durée des consultations seront mobilisées dans le chapitre 6.

Au-delà de ce traitement statistique, j’ai réalisé une analyse thématique de mes entretiens et observations. Cette analyse a été réalisée à l’aide du logiciel Sonal. Sonal est un logiciel gratuit développé par Alex Alber (MCF en sociologie) (Alber, 2010). C’est un logiciel d’archivage, d’encodage et d’analyse de matériaux qualitatifs enregistrés. Son objectif est le suivant : accompagner le sociologue dans toutes les étapes de sa recherche, de la construction à l’analyse de son corpus (Alber, 2010). Il permet notamment de découper des corpus (sous forme orale ou écrite ; des entretiens ou journaux de terrain) en thématiques.

Trois corpus Sonal ont été constitués, en fonction de la nature des données. Un premier corpus était constitué des entretiens avec les soignés, un second corpus regroupait les observations réalisées dans des groupes de parole ainsi que la réunion de l’ERC et les accompagnements de l’infirmière. Enfin, un troisième corpus regroupait les consultations observées (en sénologie et en VADS) ainsi que les RCP observées. J’ai ainsi créé mes corpus en fonction du type d’observation. Ces corpus Sonal sont visibles en annexe (Annexe n°6, 7 et 8).

À l’aide du logiciel, chacun de ces corpus a été découpé en thématiques. J’ai constitué 23 thématiques pour mon corpus d’entretien : les conditions du diagnostic ; le temps des traitements ; le rapport à la médecine, au corps et à la maladie ; les modes de relations aux soignants ; la maladie « positive » ; le travail ; l’impact financier ; les ressources et supports mobilisés ; etc. Concernant les réunions, le codage analytique retient 21 thématiques. Enfin, le codage du dernier corpus (RCP et consultations) en retient 22. Au total, 31 thématiques différentes ont été retenues. En effet, de nombreuses thématiques sont transversales aux trois

corpus. Les différentes thématiques retenues pour découper chacun des corpus sont visibles en annexe (Annexe n°5). Le logiciel et son utilisation y sont, par ailleurs, présentés plus spécifiquement (Annexe n°4). Notons que si ce logiciel constitue une interface ergonomique il n’apporte rien de plus : le choix des thématiques, le découpage des corpus ainsi que le travail d’analyse ne sont pas réalisés par ce dernier mais restent artisanaux.

Une fois mes corpus thématisés j’ai procédé à l’analyse de mes données. Pour cela, j’ai réalisé une analyse croisée des thématiques. En effet, les thématiques identifiées dans mes trois corpus sont, bien souvent, transversales. Ainsi, les matériaux de différentes natures et en provenance de différents terrains ont été mis en relation et analysés en regard les uns des autres. La difficulté que j’ai rencontrée a été celle de la pluralité des sources et des modes de recueil dont il m’a fallu croiser les apports respectifs.

Pour mener cette analyse croisée, procéder par thématique m’a ainsi permis de respecter à la fois la cohérence de chacun des matériaux collectés, mais également de considérer leur contenu global. Cette analyse par thématique m’a permis de comparer et de rassembler le contenu de matériaux de différente nature pour éclairer un même objet, une même thématique (Robert & Bouillaguet, 2007). Par exemple, concernant ma thématique « les conditions du diagnostic », j’ai pu mettre en regard les discours recueillis dans le cadre des entretiens et des groupes de paroles avec les observations réalisées sur cette période lors des consultations et des RCP.

Conclusion

Dans cette première partie, je me suis attachée à rendre compte des enjeux propres à mon objet et à présenter mon dispositif d’enquête.

Il est apparu qu’en France la thématique des inégalités sociales de santé n’a pas été un objet de préoccupation central pour les sciences sociales. Les principales recherches menées autour de cette question sont essentiellement épidémiologiques et de nature statistique. L’enjeu de cette recherche est donc d’en proposer un regard sociologique, dans le contexte spécifique de la pathologie cancéreuse. J’ai, en effet, opté pour une étude du processus de mise en forme des inégalités à travers une analyse comparée des trajectoires de soignés. Pour cela, j’ai mis en œuvre une sociologie qualitative, compréhensive et inductive qui s’appuie sur un dispositif

d’enquête ethnographique basé à la fois sur des entretiens et des observations. Il s’agira ainsi de déterminer les différentes réalités qui participent à ce que certains soignés présentent des trajectoires plus efficientes que d’autres.

Les deux parties suivantes seront donc consacrées à la présentation de mes résultats. Cette présentation suivra le fil de la trajectoire et insistera à chacun des « temps du cancer » sur la façon dont s’agencent et se construisent les inégalités (Ménoret, 1997).

Deuxième Partie : De l’entrée au