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Plusieurs schémas sont possibles pour parvenir à un diagnostic de cancer. Nous en avons identifié trois principaux : le diagnostic fortuit, le diagnostic consécutif à un test de dépistage et, enfin, le diagnostic sur signe d’appel.

1.1 - Le diagnostic fortuit

Le diagnostic fortuit concerne les cancers qui sont diagnostiqués par hasard, à l’occasion, par exemple, d’une prise en charge pour un autre problème de santé. Il est question de hasard puisque le contrôle médical était réalisé dans un but spécifique, sans lien avec la maladie cancéreuse, par exemple dans le cadre d’un contrôle de routine ou concernant une autre pathologie. Ce schéma diagnostique concerne Julie147 qui est âgée de 35 ans et a été atteinte d’un cancer du col de l’utérus. En septembre 2012, Julie a été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) à son domicile. Son conjoint l’a retrouvée inconsciente et a immédiatement contacté les secours. Julie est restée une semaine et demie dans le coma puis a été hospitalisée durant deux mois au CHRU de Lille. Elle a ensuite démarré une rééducation à Berck où elle est restée entre octobre et décembre. C’est lors de cette rééducation que son cancer lui a été diagnostiqué, alors qu’un bilan de contrôle était réalisé dans le cadre de son AVC. Au sortir de sa rééducation, en janvier 2014, Julie a donc commencé une chimiothérapie. Elle a ensuite reçu une radiothérapie.

147 Afin de préserver l’anonymat des personnes les prénoms sont modifiés en préservant leur « sens sociologique » (Zolesio, 2011). Julie, 35 ans, cancer de l’utérus, C : auto-entrepreneur, mariée, 2 enfants, Groupe Ligue Ville B, novembre 2013.

Ce mode de découverte est le moins fréquent des trois identifiés. Il ne concerne que deux des soignés que nous avons rencontrés en entretien (n=35). Une étude de l’INCa sur les délais de prise en charge des cancers du sein retrouve, quant à elle, cette modalité pour 4,6% des patientes incluses dans l’étude. Il s’y agit également de la modalité la plus rare (INCa, 2011). Ici, très souvent, la maladie n’était pas encore symptomatique. C’est l’examen médical qui l’a mise au jour.

1.2 - Le diagnostic consécutif à un test de dépistage

Un second schéma diagnostique fait suite au recours à un test de dépistage organisé ou individuel. Ce mode de découverte concerne six des soignés que nous avons rencontrés en entretien (n=35). Il s’agit donc de la seconde modalité la plus fréquente. Ce schéma diagnostique concerne Martine148, 70 ans, qui a été diagnostiquée en 1999 d’un cancer du sein, alors qu’elle passait une mammographie de contrôle. Martine avait un suivi gynécologique régulier et se faisait mammographier depuis l’âge de 40 ans. La mammographie suspecte l’a conduite à réaliser des examens complémentaires qui ont confirmé le diagnostic de cancer. Une semaine plus tard, Martine était opérée.

En France, deux programmes nationaux de dépistage organisé existent : l’un pour le cancer du sein, depuis 2004 et l’autre pour le cancer du côlon, depuis 2009. Par ailleurs, le dépistage du cancer du col utérin qui actuellement est individuel, devrait bientôt être généralisé sur l’ensemble du territoire (Plan cancer 2014-2019). Le dépistage du cancer de la prostate est également possible à l’échelle individuelle, il est souvent prescrit par les médecins généralistes lors des bilans sanguins à partir de 50 ans (Cléau, 2014). Il repose sur le dosage d’un marqueur, le PSA mais n’est pas recommandé en population par la Haute Autorité de Santé (HAS) en raison d’un « risque de surtraitement ».

Concernant le cancer du sein, les femmes de 50 à 74 ans reçoivent, tous les deux ans, une invitation à réaliser une mammographie de dépistage. Pour le cancer du côlon, les personnes âgées de 50 à 74 ans reçoivent, tous les deux ans, un test de recherche de sang dans les selles. En cas de positivité, une coloscopie est proposée.

Le dépistage des cancers vise à réduire la mortalité. Il permet, en effet, de détecter précocement des lésions cancéreuses, avant que n’apparaissent des signes cliniques et des

148 Martine, 70 ans, cancer du sein, représentante, C : représentant, mariée, 3 enfants, entretien décembre 2013, membre Ligue Ville A

symptômes. Le diagnostic précoce permet, pour la majorité des cancers, une survie meilleure et une prise en charge moins lourde et invalidante.

Le taux de participation national au programme de dépistage du cancer du sein est de 51,5 % en 2015. Il stagne depuis 2008. À cette participation, il convient d’ajouter environ 10 % de femmes qui réalisent des mammographies de dépistage dans le cadre d’une démarche individuelle (INCa, 2017). Ce chiffre est bien en deçà de l’objectif fixé par le plan cancer 2009-2013 qui ciblait un taux de participation d’au moins 65 % à l’échéance 2013. Les recommandations européennes estimaient, quant à elles, ce taux acceptable à partir de 70 % de participation (Poirier, 2014).

Concernant le cancer colorectal, le taux de participation est de 29,3% en 2015. Ce taux reste inférieur à l’objectif européen minimal acceptable fixé à 45 % de participation et loin derrière le taux souhaitable de 65 %1. Les femmes participent davantage au programme que les

hommes (30,8 % contre 27,8 %, respectivement) (INVS, 2017).149

Ce mode de découverte, via un test de dépistage collectif ou individuel, concerne plus souvent les membres des catégories moyennes et supérieures. D’importantes inégalités d’ordre socio- économique ont été mises en évidence concernant le recours à ces tests. Par exemple, un faible niveau d’étude nuit au recours au dépistage du cancer du col utérin par frottis (INCa, 2014). Une étude menée dans la région Nord–Pas-de-Calais sur la participation au dépistage du cancer du sein et du col de l’utérus met en évidence de réelles disparités sociales en lien avec le niveau de revenu, le niveau d’éducation ou encore la situation d’emploi. Alors que 40% des femmes dont les revenus se situent dans le premier quantile ont réalisé une mammographie dans les deux années précédentes, c’est le cas de 68,1% des femmes dont les revenus se situent dans le 4e quantile. Les femmes vivant dans un ménage percevant le RMI ne sont, quant à elles, que 27,5% à avoir fait une mammographie depuis moins de 2 ans. De la même manière, elles sont 53,7%, dans le premier quantile, à avoir réalisé un frottis dans les deux années précédentes contre 74% dans le quatrième. Le fait de vivre dans un ménage aux revenus élevés et d’avoir fait des études augmente donc significativement la participation au dépistage du cancer du sein ou du col de l’utérus (Prouvost & Poirier, 2007). D’une manière générale, il a été montré que les membres des classes populaires participent mois souvent au dépistage du cancer colorectal et du cancer du sein que les autres (ADECI, 2009). De

149Site Santé Publique France / INVS : http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Maladies- chroniques-et-traumatismes/Cancers/Evaluation-des-programmes-de-depistage-des-cancers/Evaluation-du- programme-de-depistage-du-cancer-colorectal/Indicateurs-d-evaluation/Taux-de-participation-au-programme- de-depistage-organise-du-cancer-colorectal-2015-2016#

nombreuses études indiquent que les personnes ayant une catégorie socioprofessionnelle, un niveau d’étude ou de revenu élevés recourent plus facilement aux examens de dépistage que les autres (Miller & Champion, 1997). Ces dépistages qui permettent une détection précoce des lésions, bénéficient donc davantage aux membres des catégories supérieures.

Parmi nos enquêtés, cette modalité diagnostique concernait uniquement des femmes. Ce résultat n’est pas surprenant puisque les soignées que nous avons rencontrées étaient pour la plupart atteintes de cancers du sein, éligibles à ce type de dépistage. Les hommes que nous avons rencontrés étaient, quant à eux, majoritairement atteints de cancers des VADS pour lesquels les dépistages n’existent pas. Ils n’étaient donc pas concernés par ce schéma diagnostique. Par ailleurs, d’une manière générale, les femmes sont plus concernées par ces tests de dépistage. Le programme de dépistage national le plus ancien est en effet celui du cancer du sein (2004). C’est également le programme pour lequel la participation est la plus importante (52,1% de participation contre 29,3% pour le cancer du côlon). De même, certains actes de dépistage, tels que le frottis et la mammographie, leur sont spécifiques. En outre, « les femmes déclarent recourir davantage aux pratiques de prévention que les hommes » (Montaut, 2010, p. 5).

Ce second schéma diagnostique bénéficie donc principalement aux membres des catégories moyennes et supérieures et aux femmes. Si ces campagnes de dépistage ont permis un gain dans la mortalité générale, elles sont néanmoins suspectées d’avoir contribué à creuser l’écart entre les catégories les plus dotées et celles les plus modestes (Menvielle, Leclerc, Chastang & Luce D, 2008). Le cas du cancer du sein est, à cet égard, intéressant. Alors qu’il « constituait l’une des rares causes de mortalité socialement inversée, c’est-à-dire que les catégories les plus pauvres bénéficiaient d’un risque plus faible, on voit que cette tendance s’infléchit dans les dernières périodes d’observation » (Potvin, Moquet & Jones, 2010, p. 56). L’une des hypothèses pour expliquer ce phénomène tient au dépistage généralisé qui, en ayant d’abord profité aux catégories favorisées, aurait contribué à cette inflexion (INCa, 2016 ; Louwman & al., 2007). Les messages de prévention ne sont pas reçus de la même manière selon les milieux sociaux (Michelot & al., 2010). Les catégories les plus dotés les prennent plus rapidement en compte dans leurs pratiques que les autres. La lutte contre le tabagisme l’a clairement montré (Constance & Peretti-Watel, 2010). Certaines politiques publiques peuvent, par conséquent, renforcer les inégalités sociales de santé, « par un mécanisme de progrès différentiel ». Elles contribuent en effet « à améliorer l’état de santé global de la population, mais ceux qui étaient déjà, au départ, les mieux lotis sont ceux qui [en] profitent le plus ».

Elles entraînent ainsi une augmentation des écarts entre les catégories les plus favorisées et les moins favorisées (Moatti, 2010).

1.3 - Le diagnostic sur « signe d’appel »

Le troisième et dernier schéma diagnostique que nous avons identifié repose sur l’identification d’une symptomatologie par le soigné. Avant d’être nommée et étiquetée via un diagnostic médical, la maladie se manifeste à travers un dysfonctionnement organique qui, souvent, va alerter le soigné et le conduire à recourir à un médecin pour déterminer sa signification. Ce mode de découverte est le plus fréquent. Il concerne 27 des soignés que nous avons rencontrés en entretien (n=35). Ce schéma implique qu’une enquête diagnostique soit menée afin de déterminer l’origine du dysfonctionnement.

Ce mode de découverte concerne Monique150, 63 ans, qui a été atteinte d’un cancer des ovaires. Monique nous explique ainsi qu’elle a d’abord eu « mal au ventre »151. La douleur était peu intense mais persistante. Ce mal de ventre l’a conduite à consulter son médecin généraliste qui lui a d’abord prescrit « un petit traitement » qui s’est révélé inefficace. La douleur a persisté et s’est amplifiée. Elle est donc retournée consulter son médecin qui lui a prescrit des examens complémentaires et l’a dirigée vers un gastroentérologue. Ce dernier s’est aperçu que son problème était de nature gynécologique. Monique a donc été réorientée vers un gynécologue qui, après quelques examens complémentaires, lui a diagnostiqué un cancer des ovaires.

Les dysfonctionnements organiques décrits par les soignés sont de nature différente. Ils peuvent être « alarmants ou anodins » et relevés en tant que tels ou non (Ménoret, 1997, p. 281). Si face à des dysfonctionnements « mineurs » certains vont s’alerter très rapidement et consulter un médecin au plus vite, d’autres, au contraire, vont banaliser des dysfonctionnements « majeurs » et consulter tardivement, alors que la maladie est évoluée. Par conséquent, « la première étape nécessaire au développement du processus diagnostique est, en toute logique, liée au repérage de ce qui va constituer un symptôme » (Ménoret, 1997, p. 281). Dans ce second schéma diagnostique, deux étapes sont donc à prendre en compte.

150 Monique, 63 ans, cancer des ovaires, décompteur analyste, divorcée, 3 enfants, entretien décembre 2014, membre Ligue.

151

Les termes en italique et entre guillemets sont ceux utilisés par les enquêtés lors des entretiens ou durant les observations.

Une première étape concerne le temps écoulé entre l’apparition du premier symptôme et la première consultation médicale pour ce motif. Cette étape implique d’identifier le dysfonctionnement et de l’interpréter comme pathologique. C’est-à-dire comme nécessitant le recours à un médecin, puisque « repérer est une chose [et] consulter en est une autre ». Lorsque le malade consulte c’est parce que sa symptomatologie est inconfortable : physiquement, moralement ou les deux à la fois. Ainsi, au départ des processus de cancer, dans les étapes diagnostiques, les soignés sont souvent « auto-diagnosticiens ». C’est à eux que revient, en règle générale, le premier travail de prise en charge du cancer (ibid., p. 282). C’est pourquoi nous nommerons cette première étape que nous allons examiner, le « délai- patient ».

Soulignons toutefois que, parfois, la symptomatologie ne conduira pas le soigné à consulter quand bien même elle présente des retentissements importants. C’est alors seulement lorsque le corps « lâche » et qu’une hospitalisation en urgence s’impose que l’enquête diagnostique débute. Une modalité spécifique de ce schéma diagnostique, plutôt marginale, fait donc suite à une hospitalisation forcée au cours de laquelle la lésion sera diagnostiquée.

Une seconde étape à considérer correspond au temps écoulé entre le premier recours médical et la date du diagnostic. Le diagnostic d’un cancer n’est, en effet, jamais posé immédiatement. Il suppose de recourir à différents professionnels. Souvent, en premier lieu, au médecin généraliste qui orientera ensuite vers un spécialiste. Il suppose également de réaliser divers examens à visée diagnostique (scanner, IRM, biopsies, etc.) jusqu’à ce qu’il soit possible de nommer le mal. Cette étape comprend donc le temps d’attente entre les principaux examens et les différents professionnels. Nous la nommerons le « délai-médical ».

Enfin, à cela s’ajoute également le temps d’attente avant les principaux actes de prise en charge (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie). C’est-à-dire, le délai entre la consultation avec le spécialiste qui pose le diagnostic et le début effectif des traitements.

Chacune de ces étapes peut-être plus ou moins longue. Si la première est avant tout en lien avec le patient et son interprétation du dysfonctionnement, la seconde dépend également du système de soins. En effet, « repérer quelque chose d’anormal, le signaler, adhérer à l’enquête diagnostique : telles sont les tâches des malades. Identifier puis interpréter cliniquement sont ensuite celles des médecins » (ibid., p. 281).

Trois schémas principaux d’itinéraire diagnostique ont donc été identifiés. Le schéma le plus fréquent repose sur l’apparition d’un dysfonctionnement organique, vient ensuite la découverte dans le cadre d’un test de dépistage, puis, enfin, plus rarement, des diagnostics « fortuits », où le cancer est diagnostiqué par hasard, à l’occasion de contrôles médicaux divers. Ces trois schémas illustrent la variété des modes d’entrée dans la trajectoire de maladie cancéreuse.

1.4 – Une étude comparative des temporalités « d’entrée »

Nous allons à présent traiter des modalités et des temporalités d’entrée dans la trajectoire à partir du cas spécifique des diagnostics sur signe d’appel. Il s’agira d’évaluer si l’on observe des modalités et des temporalités différentes en fonction de la position dans l’espace social du soigné. Cette période est souvent considérée, dans la littérature épidémiologique et de santé publique, comme charnière dans la construction des inégalités sociales face à la pathologie cancéreuse. Elle est très souvent pointée, à travers le phénomène du « retard au diagnostic », lorsqu’il s’agit de les comprendre et de les expliquer. En effet, différentes études ont montré que les membres des classes populaires présentent fréquemment un retard au diagnostic. Les personnes ayant un statut socio-économique bas ont statistiquement plus de lésions de stades avancés, quelle que soit la localisation cancéreuse considérée (Goodwin & al., 1996 ; Madelblatt & al., 1991, 1996 ; Woods, Rachet & Coleman, 2005 ; Merletti & al., 2011).

Nous avons nous-mêmes été amenée à observer ce phénomène sur nos terrains d’enquête et une analyse statistique des données issues des RCP observées permet d’en rendre compte. Nous avons pu recueillir les stades initiaux de diagnostic de 209 patients dont les dossiers ont été traités. Alors que 23% de ces patients ont été diagnostiqués assez précocement (soit à des stades dits « T1 » et « T2 »), 77% l’ont été à des stades avancés (soit à des stades dits « T3 » et « T4 »). Ce résultat est concordant avec ceux décrits dans la littérature épidémiologique, par exemple, dans une étude menée par Launay et al. sur les cancers des VADS en 2008, où 75,7% des patients présentaient des stades avancés (3 ou 4) au diagnostic.

Nous nous sommes ensuite intéressée au lien entre le stade de diagnostic et la catégorie sociale du soigné. Nos résultats font ressortir des diagnostics plus tardifs pour les soignés issus des classes populaires que pour ceux des catégories moyennes et supérieures. En effet, alors que 81% des membres des classes populaires (n=106) ont été diagnostiqués à des stades

T3 et T4, ce n’est le cas que de 69% des membres des classes moyennes et supérieures152

(n=70). De la même manière, ils sont 68% dans les classes populaires à être diagnostiqués à un stade 4 contre 56% dans les classes moyennes et supérieures.153 Ainsi, nos données indiquent également que les soignés issus des classes populaires présentent des diagnostics plus tardifs que ceux issus des catégories moyennes et supérieures.

Si, concernant les inégalités sociales d’incidence, la littérature pointe principalement les « comportements à risque », c’est-à-dire la consommation tabagique et alcoolique, lorsqu’il est question des inégalités sociales de survie, le stade de diagnostic est le facteur le plus souvent cité (Woods, Rachet & al., 2005). Ce phénomène est très souvent présenté comme une cause majeure des inégalités (Auvinen & al., 1997 ; Herbert & al., 2002 ; Duport & al., 2006 ; Menvielle, Leclerc, Chastang & Luce, 2008), car il constitue le facteur clinique prédictif le plus solide. Il a été montré qu’un long délai diagnostique alourdit le pronostic : aggravation de l’extension tumorale et diminution des chances de survie154

(Brasme, 2014). D’ailleurs, les cancers de « bon pronostic », pour lesquels le stade de diagnostic est un facteur pronostic important, sont ceux qui présentent les différences sociales de survie les plus fortes (Woods, Rachet & Coleman, 2005). La précocité du diagnostic, déterminante du point de vue de la qualité et l’efficacité de la prise en charge, constitue donc une explication séduisante (ibid.).

Toutefois, si de nombreuses études expliquent les différences sociales de survie en se focalisant sur le stade de diagnostic, il convient de relativiser son rôle. En effet, seule une partie des différences de survie observées entre les catégories sociales s’explique par les différences en matière de stade de diagnostic. Ces différences sont plus ou moins marquées en fonction des localisations et ne constituent pas le seul facteur d’explication aux écarts de survie observées (Woods, Rachet & Coleman, 2005). S’il est vrai qu’il existe un phénomène de retard au diagnostic qui participe aux inégalités face à la pathologie cancéreuse, il nous semble que, trop souvent, les études épidémiologiques se contentent de décrire ce phénomène sans essayer de comprendre les mécanismes qui le sous-tendent. On retrouve ici la perspective

152 Respectivement de 65% (n=40) des membres des classes moyennes et de 73% (n=30) des membres des classes supérieures.

153 Respectivement de 47.5% (n=40) des membres des classes moyennes et de 66% (n=30) des membres des classes supérieures.

154 Une analyse incluant 87 études sur le délai diagnostique du cancer du sein, conclut que les patientes ayant un délai inférieur à 3 mois bénéficient d’une survie à 5 ans significativement supérieure à celle des patientes qui présentent un délai plus long (Brasme, 2014).

étiologique qui conduit à une lecture explicative des phénomènes. C’est-à-dire à la recherche d’un lien causal, et non à une lecture compréhensive, qui porte sur le « comment » des phénomènes (Fassin & al., 1997, p. 4). Par conséquent, le retard au diagnostic reste trop souvent imputé aux seuls soignés.Des « différences de recours aux soins et à la prévention » sont pointées (Menvielle, Leclerc, Chastang & Luce, 2008 ; Vogel, 2010) et les difficultés d’accès aux soins et le comportement face aux symptômes sont parmi les facteurs les plus souvent cités (Mandelblatt & al., 1991, 1996 ; Greenwald & al., 1996a). Or, il nous semble que des différences de recours aux soins, à la prévention et de comportements face aux symptômes ne sont pas des causes, mais des phénomènes qu’il convient eux-mêmes d’expliquer en tenant compte du contexte dans lequel ces pratiques s’inscrivent.

Ainsi, si le phénomène du retard au diagnostic a été souvent décrit, il va s’agir ici de