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3.2.1 Une pluralité de visions du pentecôtisme

3.4 Outils méthodologiques

3.4.2 Observation participante

J’ai bien entendu eu à faire appel à une multitude d’outils qui se sont révélés essentiels à la compréhension de la complexité du sujet de recherche. En raison de la nature du terrain, l’observation participante a été mise de l’avant comme outil méthodologique. Puisque la recherche portait sur les changements dans la vie des femmes kaingang pentecôtistes, il était important pour moi de pouvoir observer et participer à cette « vie » de près, tant dans la sphère privée que publique. L’observation participante est un outil qui permet au chercheur d’apprendre à connaître les aspects explicites de la culture, soit ce que les gens sont capables d’exprimer ou d’articuler, de même que les aspects implicites de la culture, autrement dit les éléments dont les individus n’ont pas conscience, que les entretiens ne permettaient pas de dévoiler (Musante et DeWalt 2010). De plus, l’observation participante s’est révélée fondamentale, car elle a ajouté une dimension concrète aux données recueillies, en plus d’être cruciale à la validation des informations obtenues lors des entrevues et des conversations informelles.

Bien que la question de la position de recherche et de mon implication personnelle dans la communauté pentecôtiste ait déjà été abordée, il est essentiel de dresser un portrait plus approfondi de mon observation participante sur le terrain. J’ai donc opté pour une observation participante dite périphérique, où je considérais qu’un certain degré d’implication était nécessaire afin de saisir la vision du monde des femmes kaingang pentecôtistes, sans assumer de rôle actif dans la communauté pentecôtiste, soit en restant en « périphérie ». J’ai principalement assisté à une quantité considérable de cultes, parfois même plusieurs fois par jour, tout en me préoccupant de visiter chacun des ministères afin de bien cerner la pluralité de visions présente. Ma participation se traduisait donc généralement par de légers tapements et mouvements de main ainsi qu’une participation timide aux chants en plus de me lever aux moments opportuns68. Au lieu de prier69 fortement à voix haute comme les pentecôtistes,

68 Plusieurs personnes qui n’étaient pas crentes assistaient aux cultes. Ces derniers, en plus de souvent porter des

vêtements qui les démarquaient du reste de l’assemblée, ne se levaient pas aux moments où le pasteur l’indiquait. En le faisant, je voulais démontrer que j’étais impliquée et sérieuse dans mes démarches.

69 En portugais, les pentecôtistes utilisent le mot « oração » afin de désigner les prières qu’ils font à voix haute.

Selon elles, ces « orações » se distinguent fortement des prières, associées au catholicisme, car ces dernières sont déjà toutes faites et récitées en silence. Au contraire, durant les orações, les pentecôtistes considèrent qu’ils parlent directement avec Dieu à voix haute et que leurs propos viennent du cœur.

j’effectuais mes prières silencieusement. Plus le temps passait, plus j’étais invitée à participer à des activités auxquelles les non-crentes ne prenaient généralement pas part. Par exemple, j’étais invitée à m’avancer vers l’autel pour qu’ils prient en ma faveur. Dans certaines églises, j’étais même invitée à prier avec les femmes dans le círculo de oração70. De plus, il était assez courant qu’à la fin des cultes, les femmes se serrent dans les bras, pleurent et prient les unes pour les autres. Après plusieurs semaines sur le terrain, elles venaient de plus en plus me serrer dans leurs bras et je les étreignais à mon tour sans toutefois prier à voix haute.

J’ai également accompagné plusieurs femmes de différentes congrégations dans leurs vies quotidiennes pour observer leurs rituels quotidiens et les relations qu’elles entretenaient avec leur entourage. J’ai aussi participé aux conversations, au nettoyage des églises (presque exclusivement fait par les femmes), à la préparation de nourriture lors des festivités ainsi qu’aux congrès religieux et aux fêtes religieuses. En outre, j’ai pu participer aux visites que les missionnaires réalisaient dans les autres villages de la réserve Xapecó. J’ai également eu la possibilité d’assister à plusieurs cultes fréquentés par des Kaingang à l’extérieur de la réserve. Ensuite, toutes les observations étaient consignées dans deux carnets de notes distincts. Le premier carnet renferme mes impressions personnelles tout au long du terrain. Il est en effet crucial pour l’anthropologue de documenter ses activités, les circonstances dans lesquelles elles ont eu lieu ainsi que la réponse émotionnelle qu’elles suscitaient. Cela permet de façonner le processus d’observation et d’enregistrement de la vie des autres (Emerson et al. 2011, 15). Le second carnet a été utilisé pour la description et l’enregistrement des observations ou des éléments importants ressortant des conversations. Les notes de terrains sont considérées par plusieurs chercheurs comme le cœur de l’ethnographie et de l’observation participante (Copans 2008).

En plus des données inscrites dans les carnets de notes, bon nombre d’informations indispensables à la recherche se sont faites par imprégnation, soit dans une optique de familiarisation avec l’environnement à travers les activités quotidiennes:

En vivant le chercheur observe, malgré lui en quelque sorte, et ces observations-là sont « enregistrées » dans son inconscient, son subconscient,

sa subjectivité, son « je », ou ce que vous voudrez. […] Elles n’en jouent pas moins un rôle, indirect mais important, dans cette « familiarisation » de l’anthropologue avec la culture locale, dans sa capacité à décoder, sans à la fin y prêter même attention, les faits et les gestes des autres, dans la façon dont il va quasi machinalement interpréter telle ou telle situation. Nombre des interactions quotidiennes dans lesquelles le chercheur est engagé ne sont pas en liaison avec l’Enquête, ne sont pas consignées dans le carnet de terrain, et donc ne sont pas transformées en données. Elles ne sont pas pour autant sans importance. Les rapports de bons voisinages, les bavardages le soir, la tournée au bistrot…mais c’est ainsi que l’on apprend à maitriser les codes de la bienséance (et cela interviendra très indirectement et inconsciemment, mais très efficacement dans la façon de mener des entretiens); c’est ainsi que l’on apprend à savoir de quoi la vie quotidienne est faite et de quoi l’on parle spontanément au village (et cela interviendra très indirectement et inconsciemment, mais très efficacement, dans la façon d’interpréter les données relatives à l’enquête). (Olivier de Sardan 1995, 6)

Ce processus d’imprégnation permet de développer un lien de confiance avec certains membres de la communauté et d’ainsi permettre des échanges beaucoup plus riches et essentiels à l’ethnographie (Madden 2010).

3.4.3 Entrevues