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Pluralité des visions des églises pentecôtistes de la T

Chapitre 5 : Transformation dans la vie des femmes kaingang

5.1 Transformations au sein de la sphère domestique

5.1.1 Abandon de comportements néfastes

Suite à la conversion, les néophytes commencent une nouvelle vie. Ils renaissent notamment par l’abandon de certaines pratiques et de certaines conceptions qui sont identifiées comme représentant le mal ou le péché. Ils doivent alors être en mesure de discerner le bien et le mal, mais surtout de déceler les tentations venant du Diable. Les pasteurs ne cessent de répéter

qu’il n’est pas suffisant de lire la Bible et d’aller à l’église, il faut « suivre la Bible » et se conduire conformément aux « Écritures ».

L’un des changements les plus considérables, mais systématique dans la vie des femmes kaingang suite à la conversion puisqu’imposé par toutes les églises du village, est sans aucun doute l’abandon de comportements allant à l’encontre de la doctrine pentecôtiste comme l’abandon de la boisson, de la cigarette, de la drogue, de la participation aux jeux d’argent ainsi que de la participation aux événements sociaux comme les danses hebdomadaires. Ces événements sont interdits, notamment à cause de la grande quantité d’alcool qui y est consommée. Bien entendu, cette situation ne s’applique pas aux femmes trop jeunes lors de la conversion pour avoir commencé à adopter ce type de comportement, excepté l’arrêt de la participation aux danses qui sont de type familial. Pour celles qui en consommaient parfois de manière abusive, l’abandon de ces habitudes représentait l’un des changements les plus drastiques avec le passé. En effet, plus la consommation d’alcool est importante avant la conversion, plus le changement est perçu comme bénéfique par les informatrices et ayant engendré des améliorations considérables dans leur vie ainsi que de leur entourage. Claudete se confie :

Quand je buvais, mes petits-enfants n’étaient pas avec moi ici, ils avaient peur de moi quand je buvais, mais depuis que j’ai accepté Jésus on est tous ensemble. J’étais une femme seule, loin de mes enfants et mes petits-enfants, personne ne me visitait à cause de la boisson. Mais maintenant tout a changé, maintenant ils arrivent tout heureux, tous de bonne humeur, c’est très bon de laisser tomber les choses du monde, la boisson c’est la destruction, ça vient de l’ennemi et ça détruit la famille entière, on se dispute avec tout, ça détruit tout 121.

Il est assez commun que, suite à leur conversion, les femmes tentent de convaincre leur mari, leurs enfants et d’autres membres de leur famille d’accepter Jésus dans leur vie à leur tour. Comme il a été mentionné dans le chapitre précédent, il n’est pas rare que plusieurs membres d’une même famille se convertissent tous d’un même coup. Ainsi, de nombreuses femmes kaingang bénéficient du fait que leur mari mette fin à ces pratiques néfastes, ce qui engendre généralement une amélioration des relations familiales et conjugales en plus de souvent

diminuer la violence ou l’agressivité dans la sphère privée. L’une des principales motivations incitant les femmes à persuader leurs maris à au moins visiter les églises pentecôtistes est l’espoir de diminuer la consommation d’alcool de ces derniers. Même lorsque les maris refusent de se convertir, il est assez fréquent que ceux-ci diminuent ou même cessent totalement leur consommation d’alcool. Plusieurs raisons sont en cause, à savoir la perte d’un partenaire de boisson important (l’épouse en question), la pression de la part de leur conjointe, mais surtout la pression de la part des membres de la communauté pentecôtiste qui tenteront de les discipliner. En effet, de nombreux maris commencent à visiter peu à peu les cultes pentecôtistes suite à la conversion de leur épouse et même lorsqu’ils n’acceptent pas Jésus, les messages et les témoignages durant les cultes en incitent plus d’un à réduire leur consommation d’alcool. L’arrêt ou la diminution de l’abus d’alcool du mari est perçu comme un bénéfice majeur de la vie des femmes crentes :

Avant je ne mangeais pas, je ne voulais pas manger de bonne nourriture, je voulais seulement boire de l’alcool. Une fois, j’ai pris je ne sais pas combien de litres de cachaça une nuit entière. Moi et mon compagnon, nous étions comme ça. Après que j’ai accepté Jésus, Dieu a fait une œuvre auprès de mon compagnon aussi, il n’a pas accepté Jésus, mais la grande œuvre que Jésus a fait: mon compagnon a presque laissé tomber la boisson, il a arrêté aussi, je ne le vois presque plus jamais une boisson à la bouche, c’est absolument merveilleux!122 (Claudete)

Mon mari buvait beaucoup, je pleurais, parfois il oubliait le feu allumé et il se cognait partout en revenant à la maison et il dormait immédiatement. J’ai cherché Dieu pour lui il y a quatre ans et mon époux a finalement accepté Jésus il y a trois ans. C’est moins difficile maintenant parce que mon époux a arrêté de boire, il est plus à la maison. Ça a changé beaucoup de choses123. (Doriana)

Être apte à ne pas se « laisser aller » à tout type de comportement déviant considéré comme l’œuvre du Diable est une grande source de fierté pour les femmes crentes ayant fait face à un problème d’abus d’alcool ou de drogue par exemple. Cela alimente un sentiment de supériorité, mais également de pitié par rapport aux Kaingang n’ayant pas accepté Jésus et qui ne disposent pas de cette force.

122 Ma traduction du portugais. Entrevue réalisée le 18 août 2015. 123 Ma traduction du portugais. Entrevue réalisée le 25 août 2015.