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Suite à mon arrivée sur le terrain, j’ai rapidement réalisé que j’étais confrontée à 12 ministères différents présents à l’intérieur d’un même village autochtone qui présentaient chacun des visions et des doctrines différentes en plus d’entretenir une relation différente avec les traditions kaingang. Face à ce contexte particulier de forte de pluralité, je devais trouver un angle de recherche qui permettait d’illustrer cette diversité tout à fait intéressante, tout en gardant une idée principale, soit de connaître l’effet de la conversion au pentecôtisme dans la vie de ces femmes kaingangs. Dans cette section, je présenterai donc la démarche ethnographique que j’ai entreprise afin de cerner la problématique de recherche en commençant par le temps passé au Brésil avant mon séjour dans la Terra Indígena Xapecó, puis en présentant le terrain en lui-même, en poursuivant avec une présentation des limites du terrain ainsi que les défis rencontrés, ensuite en proposant une réflexion sur la place du chercheur basée sur le contexte du terrain et en terminant enfin par les outils méthodologiques préconisés.

3.1 Présentation du terrain

3.1.1 Stage et Pré-terrain

J’ai eu la chance de pouvoir réaliser un stage de 2 mois et demi à l’UFSC (Universidade Federal de Santa Catarina) sous la direction de la professeure Edviges Ioris au cours duquel j’ai fait partie du groupe de recherche du NEPI (Núcleo de Estudos de Populações Indígenas) avant mon terrain de recherche. Au sein de ce groupe de recherche, j’ai pu rencontrer plusieurs étudiants post-gradués, des professeurs et des chercheurs s’intéressant à des questions liées aux autochtones au Brésil. J’ai donc participé aux diverses activités de recherche hebdomadaire de l’équipe où j’ai pu discuter de différents thèmes en relation avec l’anthropologie au Brésil et en découvrir plus sur la relation qu’entretiennent les Brésiliens avec les autochtones de leur pays. J’ai également eu la chance de suivre quelques cours à l’UFSC qui m’ont permis de me familiariser avec les méthodes et les visions de l’anthropologie au Brésil ainsi que de perfectionner mon portugais. Ce temps passé au Brésil dans un contexte non autochtone m’a également permis de distinguer plus facilement certaines différences culturelles entre les Kaingang et les Brésiliens.

Ce stage m’a également permis de me créer un réseau de contacts au Brésil, non seulement professionnel, mais également avec des autochtones de diverses communautés dont les Kaingangs. En effet, j’ai pu participer à l’organisation du Seminário Universidade e Educação Intercultural Indígena: experiências em diálogo, desafios para uma inclusão de qualidade, e construção de espaços para produção e trocas de saberes diversos53 au cours duquel j’ai

rencontré le bras droit du Cacique de la Terra Indígena Xapecó, la réserve où j’ai effectué mon terrain de recherche. J’y ai également rencontré plusieurs étudiants kaingang de l’UFSC, incluant certains dont la famille résidait dans la réserve où j’allais effectuer mon terrain. Ces rencontres ont grandement facilité mon entrée dans la réserve par l’intermédiaire du réseau de contacts qu’ils procuraient. Le Cacique, Osmar Barbosa, a également été plus enclin à donner son appui à ma recherche, car je connaissais déjà des gens de la réserve. De plus, mon directeur de recherche, Robert Crépeau, travaille depuis plus de 20 ans avec les Kaingang, et m’a donc référé à certaines personnes pouvant m’accueillir et m’aider durant mon séjour. C’est ainsi que j’ai été mise en contact avec Beatriz54, une femme kaingang pentecôtiste, dont la famille a en

quelque sorte pour tradition de recevoir les chercheurs dans la réserve.

J’ai réalisé un pré-terrain du 10 au 14 juillet 2015 avant de me lancer véritablement dans mon terrain de recherche. Ce pré-terrain m’a tout d’abord permis de présenter mon projet de recherche au Cacique de la Terra Indígena Xapecó et d’obtenir son accord pour réaliser ma recherche parmi eux. Beatriz a été une excellente porte d’entrée à la communauté kaingang ainsi qu’au réseau pentecôtiste, car elle était très impliquée dans son église en plus d’être très respectée dans la réserve Xapecó et dans les réserves kaingang avoisinantes, notamment à cause de ses dons de guérisseuse ainsi que de sa connaissance des herbes médicinales. Au cours de ce pré-terrain, j’ai donc pu être introduite à une première église, puis avoir une première idée des rituels pentecôtistes et de la vie dans la réserve.

53 En français : Séminaire Université et Éducation Interculturelle Autochtone: expériences en dialogue, les défis d’une inclusion de qualité et la construction d’espaces pour une production et un échange de savoirs divers 54 Tous les noms utilisés dans ce travail sont des pseudonymes.

3.1.2 Le terrain

Après un cours retour à Florianópolis, j’ai finalement débuté mon terrain de recherche le 24 juillet 2015 pour le terminer le 23 septembre 2015. En raison du nombre important d’églises dans la réserve et de leur concentration dans le village Sede, j’ai décidé de restreindre mon terrain à ce village. Je me suis rapidement rendue compte qu’uniquement dans ce village se trouvaient douze congrégations pentecôtistes en plus d’une église baptiste et d’une église catholique55. Les congrégations pentecôtistes présentes étaient les suivantes: Rei da Gloria56,

Assembleia de Deus57, Assembleia de Deus: Cristo é a Solução, Gideões Missionários, Só Deus

é o Senhor, Deus é Amor, o Brasil para Cristo, Unido-se pela Fé, Noiva de Jesus, Templo do Senhor, Segura nas Maõs de Deus et Igreja Missionária Resgatando Vidas.

3.1.3 Accueil des églises et réception de l’étude

J’ai été accueillie de manière chaleureuse et enthousiaste par la plupart des membres et pasteurs (ou leaders) de ces églises. La majorité des pasteurs clamaient que Dieu m’avait envoyé vers eux pour faire cette recherche afin que je parle d’eux au Canada et ce, même s’ils savaient que j’étais catholique. Deux pasteurs se sont montrés plutôt indifférents et seul le pasteur de l’église Deus é Amor a refusé dès le départ que je vienne assister aux cultes. Ce dernier ne voulait pas que je réalise d’observations si je n’ « acceptais pas Jésus ». Ce terme était utilisé par les évangéliques pour signifier le moment où ils étaient devenus évangéliques, car ils avaient laissé entrer Jésus dans leur vie et passaient dorénavant leur vie au service de Dieu. Le terme conversion était rarement utilisé, car il était considéré comme un concept catholique. En bref, le pasteur de l’église Deus é Amor prétendait que son ministère ne permettait pas qu’il y ait de recherche, car la seule vraie étude était la Bible. Étant donné cette situation, mes résultats ne tiennent donc pas en compte les femmes kaingang faisant partie de l’église Deus é Amor.

55 Si par le passé l’église catholique avait été ouverte et offrait même des cours de catéchèse, au moment de mon

terrain elle n’ouvrait ses portes que lors d’enterrements, pour Noël et pour Pâques.

56 L’église Rei da Gloria comptait une église principale ainsi qu’une église plus éloignée, en amont du village pour

accommoder les fidèles qui habitaient loin et où les cultes avaient lieu les jeudis.

57 Comme les Kaingang ne se déplaçaient pas sur de longues distances pour se rendre aux cultes, l’Assembleia de

Deus avait un « pont de culte » à l’autre extrémité du village, c’est-à-dire que les gens se réunissaient dans une

3.2 Les défis et les limites du terrain