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La numérisation des « biens d’information » distribués et diffusés

Conclusion : presse imprimée & ordiphone

CHAPITRE 1. DES SYSTEMES DE COMMUNICATION UNIDIRECTIONNELS A LA NATURE INTERACTIVE DES

4. La numérisation des « biens d’information » distribués et diffusés

Comme le souligne Francis Balle146, l’histoire des médias est à la fois une chronologie et une

géopolitique. Une chronologie, car elle répond à l’histoire et au développement de toutes les techniques d’information et de communication dont le langage et l’écriture sont à l’origine. Une géopolitique, suivant les formes et les rôles qui naîtront de la rencontre entre ces techniques et les usages et pratiques culturelles des individus : d’abord avec l’essor des médias graphiques (à la fois texte et image au sens de graphein), affiche, livre, photographie, presse imprimée et cinéma et puis, avec l’essor des médias télégraphiques (graphein et voix à distance), téléphone, radio et télévision, la manière de représenter une « information » au sens médiatique et son mode de transport sont indissociables et reposent avant tout sur le principe d’un traitement analogique du signal ou du signe, à des fins de représentation et de distribution ou de diffusion, et qui permit la concordance entre l’effectivité d’une régulation technique et juridique, et donc sociale, de la circulation de ces mêmes contenus.

Or le modèle actuel de régulation juridique d’un système technique basé sur un traitement analogique du signe et du signal, qui a évolué selon le double phénomène de la numérisation

et d’Internet, consiste à vouloir adapter techniquement aujourd’hui le modèle qui permettait

autrefois la régulation juridique de la création, la production et la circulation de contenus représentés et distribués ou diffusés selon ces procédés de traitement analogiques qui permettaient de séparer techniquement les dimensions privées (téléphone) et publiques (presse, radio, télévision) des communications sociales.

Les effets de la numérisation et d’Internet distribuent à l’ensemble de la population les mêmes capacités de production d’information, dans toutes les sphères de la vie privée ou publique, que les médias traditionnels, mais relient également les individus entre eux à travers des services largement ignorés par ces derniers.

Autrement dit, les capacités de production de l’information ne sont plus seulement réservées à un secteur professionnel, sa mission fut-elle démocratique quand il s’agit de produire et mettre à disposition du public des contenus d’intérêt général, mais à l’ensemble des individus connectés au réseau, à travers l’ensemble des services disponibles, sur tous les registres de l’expression.

Nous étudierons d’abord le fonctionnement technique, à la fois du mode de représentation et du mode de transport d’une information produite par des entreprises selon un mode de traitement analogique de l’information, puis numérique, à travers les médias de l’écrit, du son et de l’image et qui consistent en la mise à disposition de « bien d’information », et la manière dont ces mêmes biens d’information peuvent faire l’objet d’une numérisation amateur, de leur forme en tant qu’objet physique ou de leur contenu, à travers des services web mis en œuvre à partir d’un ordiphone.

L’un de ces services et qui fait l’objet de notre étude pourrait se lire comme le passage de la télévision – un gros appareil devant lequel on est assis voire allongé, à la transvision – un appareil portatif avec lequel on interagit à travers ce que l’on voit en surimpression sur l’écran.

Un ordiphone dans les mains d’un individu devient un « appareil à numériser » des informations et des données capturées dans l’environnement immédiat de l’individu, et qui dépendent de l’objet du service (the iTunes App Store, BlackBerry App World, Google Android Market, Nokia Ovi Store, Palm App Catalog and Windows Marketplace for Mobile) et des capteurs utilisés (caméra, boussole, gyroscope et du logiciel mis en œuvre.

On ne regarde plus seulement sur l’écran, mais à travers l’écran. Ce n’est plus seulement la télé vision mais aussi la trans vision.

1. Les médias de l’écrit, du son et de l’image : mis à disposition de « bien d’information ».

Affiche, livre, photographie, cinéma, presse imprimée, téléphone, radio et télévision, si l’on souhaite trouver un dénominateur commun au fonctionnement technique de l’ensemble de ces médias avant 1970, c’est que le fonctionnement technique sur lequel ils reposent tous se réfère à un traitement analogique du signe ou du signal, à la fois comme mode de représentation et de transport, sur lequel reposera l’effectivité de leur régulation technique et juridique, comme nous le verrons dans la dernière partie, suivant qu’elles servent à des

communications sociales collectives publiques (comme la télévision) ou privées (comme le téléphone), et comme nous l’avons vu dans la première partie selon une approche technique. Comme nous l’avons vu, la différence entre un traitement analogique et un traitement numérique est avant tout une manière de « représenter une information » ; l’une est une représentation interprétable directement par un humain, un article de presse imprimé sur du papier, l’autre a été conçue pour être manipulable indirectement par des machines de traitement automatique de l’information, des ordinateurs, mais qui manipule l’ensemble de ces représentations numériques pour bien finir par les convertir à un moment ou à un autre en représentations analogiques, pour être lues, vues, entendues, par un humain. Autrement dit, l’ordinateur, parce qu’il est une machine électronique permettant la mécanisation d’un calcul, est un appareil qui sert autant à traiter des données numériques que convertir des grandeurs électriques et analogiques en valeurs numériques que des valeurs numériques en valeurs analogiques. Représentées sous la forme d’une codification binaire (une suite de 0 et de 1), ces informations sont manipulables à l’aide d’une « machine universelle », selon des programmes informatiques et qui convertissent en sortie ces informations en une représentation analogique pour permettre d’être comprises, lues, appréhendées par un humain147.

La représentation analogique ou la représentation numérique des signes et des signaux est d’abord un mode de représentation qui détermine le mode de transport de ces mêmes signes et signaux, calculé à partir de la conversion d’une grandeur physique, la plupart du temps une tension électrique ou un rayonnement électromagnétique, pour la représentation analogique, et représenté à partir d’une opération de calcul pour la représentation numérique.

La représentation analogique est la représentation d’une valeur physique, naturelle variant de façon continue. La représentation numérique est la représentation de cette valeur par un nombre dans un espace fini. Par exemple, la photographie dite argentique est une autre manière de désigner la « photographie analogique » ; analogique encore une fois parce que le processus photochimique permet la reproduction analogue du rayonnement électromagnétique visible sur la pellicule de l’image visée à travers l’objectif, alors que le processus numérique

147 Voir notamment SHAEFFER Simon. The Leviathan of Parsonstown: literary technology and scientific representation. in LENOIR Timothy, ed., Inscribing science scientific texts and the materiality of communication, Presse Universitaire de Stanford, 1998, p. 182-222 and Leviathan and the air pump: Hobbes, Boyle and the experimental life (with Steven Shapin) ». Edition Princeton University Press, 1985.

reviendra à transformer ce rayonnement électromagnétique en un signal électrique lui même amplifié puis codé sous un format binaire.

L’imprimerie et l’industrie des arts graphiques désignent également un ensemble de techniques qui consiste en la reproduction analogue en plus ou moins grande quantité d’un document (presse, livre) à partir d’un prototype fourni par une entreprise de presse, les journalistes qui la composent, ainsi que les métiers de l’écrit qui lui donnent vie.

La radio et la télévision sont la mise en œuvre de techniques de télécommunication reposant sur la diffusion unidirectionnelle de contenus médiatiques, de biens d’information, à l’instar de ce qui voulait être fait en 1890 avec le téléphone. Comme une communication téléphonique dont le contenu est converti d’une grandeur physique en une grandeur analogique, puis transportée le long d’un fil électrique, puis reconverti en sortie, d’une grandeur analogique vers une grandeur physique, la radio et la télévision, les communications radiophoniques puis audiovisuelles, reposèrent sur le même procédé de représentation et de transport, non pas dans les deux sens comme avec le téléphone, mais de manière unidirectionnelle.

La numérisation des médias de l’écrit, du son et de l’image désigne donc à la fois la numérisation des objets en tant que média, lorsqu’ils sont autonomes et conçus pour représenter un contenu d’information, mais aussi de leur contenu d’information en tant qu’œuvre de l’esprit.

À partir du moment où se relient des représentations analogiques et des représentations numériques, le sens conféré aux représentations analogiques n’est plus seulement déterminé par ce qui est écrit ou imprimé ou enregistré sur le matériel mais se rapporte également aux informations numériques qui s’y rapportent, et qui sont accédés à travers les terminaux électroniques compatibles avec ce nouveau mode d’accès à des services de communications électroniques.

Or l’ensemble de « l’offre médiatique » est actuellement conçue à l’image de ce que les médias analogiques permettaient autrefois en produisant et mettant à disposition un contenu d’information numérique pour qu’il soit consommé par une audience passive. Voyons trois exemples où l’audience est active.

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