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Des médias analogiques aux intermédiations numériques L’évolution des systèmes et des formes de communication induite par la numérisation et

Conclusion : presse imprimée & ordiphone

Partie 2. Des médias analogiques aux intermédiations numériques L’évolution des systèmes et des formes de communication induite par la numérisation et

Internet ne modifie en rien la complexité de toute opération de communication. La différence entre ce qu’un individu exprime et ce qui sera perçu relève autant du domaine du langage et de l’expression de la pensée que de ce qui se tait ou ne peut être dit114.

Les imbrications successives des « technologies intellectuelles » inventées par les hommes, depuis l’apparition du langage il y a 60 000 ans, du dessin il y a 30 000 ans, de l’écriture il y a 3 000 ans, puis des « techniques industrielles de reproduction et de transmission », de l’imprimerie il y a 600 ans, des télécommunications il y a 300 ans, de l’audiovisuel il y a 150 ans, de l’informatique il y a 60 ans et du réseau Internet il y a 40 ans dénotent une certaine accélération de la mise en réseau de l’ensemble de ces technologies intellectuelles inventées depuis 600 siècles : parler, dessiner, écrire, calculer, que ce soit en face à face et dorénavant à distance.

La communication en face à face entre deux personnes, la mise en commun, est déjà une opération minutieuse. Communiquer avec quelqu’un par l’intermédiaire d’une technique n’y échappe pas. Communiquer à distance avec des machines dites communicantes accroit à nouveau les trajectoires dont toute communication peut être à l’origine. Disséminer des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’environnement modifie à nouveau les structures à travers lesquelles des informations circulent, en fonction de qui elles proviennent, par qui elles sont captées, qui peut y accéder, vers qui elles vont, dans quel but, avec quels effets, selon quels modèles ou quels rôles etc.

En prenant pour référence les techniques de l’architecture réseau utilisé dans le domaine des communications électroniques, Yochai Benkler définit la régulation à l’œuvre de tout système de communication comme un ensemble composé de trois couches115 qui se superposent : la

114 WITTGENSTEIN Ludwig. Tractatus Logico Phlosophicus. Gallimard, Tr. Fr. 1993 p. 112.

115 BENKLER Yochai, From Consumers to Users : Shifting the Deeper Structures of Regulation, Toward Sustain able Commons and User Access, 2000. www.law.indiana.edu/fclj/pubs/v52/no3/benkler1.pdf

couche « physique ou matérielle » ; la couche « logique ou logicielle » ; la couche des « contenus ».

Selon cette approche, nous verrons que le langage peut s’interpréter comme un « système de communication » à l’instar du « téléphone », la voix à distance, mais aussi de n’importe quel objets matériels distribués ou diffusés identifié comme permettant la consommation de « contenu d’information » au sens médiatique du terme.

Depuis près de deux siècles, l’activité d’une entreprise de presse et des médias de masse est essentiellement tournée vers la production et la distribution ou la diffusion de contenus ainsi « mis à la disposition du public ». L’impact de la numérisation et d’Internet semble faire évoluer cette « mise à disposition » de contenu vers celui d’une « mise en relation » entre des gens et des contenus, non plus seulement produits par un groupe d’agents mais par tout un chacun.

Combiné à l’ordiphone, un titre de presse évolue d’une activité de diffusion de contenu fini à une activité de communication ininterrompue : de la diffusion d’un prototype imprimé et anonyme à la personnalisation d’information en temps réel et suivant un contexte donné. Les communications électroniques brouillent les frontières de leur régulation dans des formes profondément inédites voire même contradictoires avec l’esprit de l’industrie des communications, selon l’organisation traditionnelle entre communications à distance et en face à face, publiques et privées, sur le registre de la conversation ou du discours, d’intérêt général ou futile, et dont le régime juridique est à chaque fois différent suivant la technique de reproduction et de transmission utilisée.

Deux évolutions majeures dans le domaine de l’information et de la communication depuis l’invention d’Internet serviront de canevas à deux chapitres : d’une part, les communications à distance ne sont plus seulement unidirectionnelles ou interactives suivant qu’elles seraient publiques ou privées suivant l’opérateur de communication ou de télécommunication ; d’autre part, la nature des informations et le rapport au document évolue du rapport à un « produit fini dans le temps » créé par un groupe d’agents spécialisés, à un « produit électronique » dont l’information dépend de nombreux paramètres parmi lesquels le contexte.

Dans un premier chapitre, nous étudierons l’évolution des systèmes de communication unidirectionnels à la nature interactive des communications électroniques.

Afin d’interroger la combinaison de la « presse imprimée et de l’ordiphone » selon la couche matérielle au sens de Benkler, nous commencerons par lire leur assemblage technique à la lumière des critères de toute communication sociale, synthétisés par Eric Dacheux, puis selon les formes des communications sociales suivant le statut du récepteur et de l’émetteur schématisées par Francis Balle, et enfin selon la représentation en trois couches de tout système de communication proposée par Yochai Benkler en 2000.

Nous tenterons ensuite de nous interroger sur ce qu’induit la superposition des deux « systèmes de communication », à la fois du point de vue des entreprises de presse et des individus.

Dans un second chapitre, nous nous intéresserons tout particulièrement au document presse, à l’évolution de la lecture sélective et continue de l’écrit, du son et dorénavant de l’image et dont le mode de gestion décentralisée évolue du web des documents selon une approche bibliologique (au sens de Paul Otlet avant la seconde guerre mondiale) au web des données selon une approche sémantique (au sens de Tim Berners Lee après l’invention d’Internet). Nous pourrons alors caractériser la « couche matérielle » du système de communication combinant deux systèmes de communication autonomes, la presse imprimée et l’ordiphone, et commencer à introduire le concept d’écriture électronique au sens des traces numériques disséminés par un individu qui s’empare de ce type de dispositif.

CHAPITRE 1. DES SYSTEMES DE COMMUNICATION

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